
Critique : Souvenirs de Marnie
Trois années après le gentil Arrietty, le réalisateur Hiromasa Yonebayashi, grand espoir de Ghibli et relève de Miyazaki et Takahata, nous revient avec Souvenirs de Marnie, film aux tonalités européennes de nouveau, mais à l’héritage résolument nippon dans la forme.
Solitaire et renfermée, Anna, une jeune orpheline, vit en ville avec ses parents adoptifs. Lorsque son asthme s’aggrave, sa mère adoptive l’envoie chez des parents qui vivent près de la mer dans un petit village au nord d’Hokkaïdo. Lors de cette retraite estivale, Anna va découvrir une étrange bâtisse, et faire la connaissance de la mystérieuse Marnie, la jeune fille qui y habite…
Tous les films ne peuvent pas prétendre être la raison de la (quasi) fermeture d’un studio légendaire. Souvenirs de Marnie, bien aidé par Le Conte de la Princesse Kaguya, a cette malchance, notamment à cause de résultats décevants au box-office japonais. Cela en esprit, il est aisé de voir en cette adaptation du roman de la britannique Joan G. Robinson une volonté de Ghibli de s’exporter, et de produire des films à propos plus universels, quitte à perdre en identité dans la bataille.
Souvenirs de Marnie représente cette nouvelle ère des Studios Ghibli, qui vient après les années glorieuses portées par Hayao Miyazaki (Mon Voisin Totoro, Le Voyage de Chihiro) et Isao Takahata (Le tombeau des lucioles, Souvenirs goutte à goutte). Une ère encore en plein chantier, et qui tente de se retrouver une identité dans les histoires et mythologies placées hors des frontières japonaises, à l’inverse de ce qu’avait pu être les chefs d’œuvre de Ghibli d’antan. Tel était le cas avec Les Contes de Terremer, et donc avec les deux films de Hiromasa Yonebayashi. Et cette lente et délicate mue accouche d’objets particuliers, tel que le film dont il est sujet aujourd’hui.
Souvenirs de Marnie est un pur délice visuel. L’animation à la main est parfaitement alliée aux techniques modernes et donne ce rendu devenu rare, et définitivement rafraichissant à voir au cinéma. Le film déborde de vie, ses couleurs éblouissent, et rendent une expérience de vision décidément très différente d’une animation en image de synthèse. Le film nous fait ressentir cette sensation du trait que l’on avait tendance à oublier, et participe de ce petit sentiment familier et réconfortant. Ajoutez à cela une mise en scène et un rythme résolument orientaux, qui s’attarde plus sur l’état des choses, que sur la course effrénée du déroulement d’une intrigue, et vous obtenez un film apaisant et qui siéra à tous, petits et grands.
Paradoxalement, les qualités du film, citées plus haut, apparaissent malgré tout comme autant de défauts. Souvenirs de Marnie est dans la lignée des contes du 20e siècle, teinté d’un héritage de littérature très victorien. L’histoire reste donc d’une ambition très modeste, et préfère distiller un fantastique doux, proche de ses personnages, plutôt que porter son intention beaucoup plus loin. Cette absence de complexité et d’ampleur peut réjouir par moments, et ennuyer à d’autres. C’est la raison principale pour laquelle Souvenirs de Marnie n’est pas un grand film, car il ne veut pas l’être.
Tenus par la main lors de cette agréable balade, nous ne sortons jamais du chemin. Un sentiment rafraichissant, mais qui ne peut espérer atteindre des sommets. Souvenirs de Marnie reste cette expérience douce, à conseiller à tous, qui rappellera qu’une autre animation, qu’une autre façon de raconter des histoires existent, et qu’elles sont tout aussi appréciables, à ceux qui savent les recevoir.
Pour continuer le voyage dans l’univers Ghibli, on vous conseille également de jeter un œil, si ce n’est pas déjà fait, au très bon article de Mathieu Poitier sur le studio, juste ici.
Souvenirs de Marnie, Bande Annonce par DailyMars
Souvenirs de Marnie, de Hiromasa Yonebayashi, avec les voix de Sara Takatsuki, Kasumi Arimura, Nanako Matsushima, Susumu Terajima, Toshie Negishi…