
#Critique Star Trek Discovery : Enterrer tout espoir (1 x 10)
Il y a une règle universelle qu’on oublie souvent : plus on attend un événement, film, série, plus on sera déçu. Bien sûr que dans le cas d’une série, il y a toujours des épisodes faiblards. Un peu moins forts. Mais noyés dans la masse des bonnes idées, des acteurs, et des autres épisodes, ces faiblesses sont facilement pardonnées. Mais là, la promesse de départ n’est pas seulement faussée, elle est trahie. Spoiler alert, of course.
Pourtant, on ne peut pas dire que Star Trek Discovery était mal partie. De l’aventure, une équipe resserrée sur une intrigue intéressante, suffisamment de clins d’œil à la série originale pour que les anciens accrochent, tout en renouvelant l’équipage et les aventures. Une héroïne attachante, avec une amitié féminine forte, une histoire d’amour et syndrome post-traumatique, un brin d’humour quand c’est nécessaire. Et des effets spéciaux de grande qualité.
Après la pause de mi-saison, nous rejoignons donc l’équipage du capitaine Lorca dans un univers parallèle (ce n’était pas vraiment une surprise et assez teasé dans l’épisode précédent). Le moteur sporique est en rade, le lieutenant Stamets étant complètement en carafe, les yeux voilés de blanc, et alternant phases de violence, catatonie et phrases cryptiques. Il va falloir s’adapter et vite, dans ce monde où les humains ont pris la place des Klingons en tant qu’espèce suprémaciste. Si l’effet univers parallèle m’a toujours laissé froide dans la franchise, il tient pour autant de très bonnes idées : ainsi, la transformation de Tilly en « Captain Killy », à la tête du Discovery. Un changement de look, de langage, et voilà l’aimable jeune femme transformée en chef de guerre. Idem avec le retour de l’ISS Shenzhou, et une partie de l’ancien équipage du Capitaine Georgiou. Si le mystère sur le passé du lieutenant Tyler est aussi en train de se dévoiler (le retour enfin de Voq ?), il est écrit par le prisme de ses relations à deux femmes : la Klingonne L’Rell ou l’Humaine Michael. C’est assez rare pour être signalée : là où habituellement le syndrôme Pocahontas veut qu’une femme soit tiraillée entre un homme et sa patrie, on se retrouve dans le cas où un individu de sexe masculin doit définir son allégeance par le biais de deux femmes. Donc, pas mal de bonnes idées, malgré tout le sac de nœud que peut être un univers miroir.
Alors, pourquoi, pourquoi avoir décidé de la mort du Docteur Culber ? Petit rappel, dans cette série, il n’y a pas de couple établi. Sauf un : celui de Culber et de Stamets. Un couple d’hommes, joué par deux acteurs eux-mêmes ouvertement gays, et de couleurs de peau différentes. Un couple qui a été marketé, commercialisé, comme une grande avancée dans le paysage des séries de SF. Un couple dont la venue a été célébrée, qui partage des baisers à l’écran, ou se brosse les dents, ensemble. Un couple d’autant plus important que, nous l’avons dit, Star Trek Discovery n’est pas une série chorale. Elle se concentre sur une petite quantité de personnages (ce qui est dommage, nous en avons parlé ici). Et pour montrer que personne n’est à l’abri de la mort, on ne décide rien de moins que de tuer un personnage gay et noir. Suivant en cela la tradition d’un trope éculé appelé : Bury your gay. Enterrer vos gays. Et valide l’idée que, si un personnage est homosexuel, mieux vaut ne pas l’apprécier trop, les scénaristes ou réalisateurs seront de toutes manières plus enclins à le tuer. Idem s’il est noir, suivant en cela la tradition initiée par le premier Alien de la franchise. Sans oublier que Culber meurt dans l’épisode où il possède le plus de temps et de lignes à l’écran, ce qui est d’une facilité crasse. (Effet aussi vu avec la mort d’un certain autre personnage dans Penny Dreadful, maintenant que j’y pense).
Alors, Culber/Stamets, ce n’était vraiment que du queer baiting ? Vous savez, cette volonté de toucher une audience LGBT, queer, en lui promettant des personnages issus de la même minorité qu’elle ? (Aussi visible dans le dernier Star wars, tiens). De les appâter en leur disant, si, si, on est sympas et inclusifs, avant de claquer la porte dans un rire démoniaque en butant ledit personnage ? Ce qui non seulement est vexant, pas drôle, et juste me met dans une colère noire. Certes, Culber, après avoir eu le cou rompu, n’est peut-être pas du tout mort. Il va ressusciter, en mode What’s up bitch, se relever dans le prochain épisode. Ou, magie des mondes parallèles, on va retrouver le Culber de cet univers miroir, et peut-être même que lui et Stamets vont retomber amoureux. Peut-être. Mais dans les deux cas, le mal est fait. Dans le premier cas, on utilise un trope pour faire peur avant de se rattraper aux branches comme pour dire « regardez, on n’est pas si méchants que ça ». On joue sur des peurs, des craintes très réelles, celles du stéréotype et de l’homophobie intégrée, pour les tourner en dérision, malgré soi. Pour prendre la place du nice guy, du mec sympa, qui n’oserait jamais faire ça. Dans le second, on vit le trope, on tue un Culber pour le remplacer par un autre. Faiblesse scénaristique qui veut aussi dire que l’on n’est pas la somme du passé commun avec une personne, mais totalement échangeable d’un univers parallèle à un autre. C’est créer artificiellement une tension, jouer le drame romantique, pour finalement, faire comme si. Comme si on n’avait pas tué Culber. Comme si on ne s’était pas rendu compte que l’on utilisait de vieilles ficelles scénaristiques, paresseuses et préjudiciables.
J’en attendais tellement mieux de ta part, Discovery.
Star Trek: Discovery
Diffusée en France sur Netflix, au rythme d’un épisode par semaine en US+24
Série créée par Bryan Fuller et Alex Kurtzman
Avec Sonequa Martin-Green, Doug Jones, Shazad Latif, Anthony Rapp, Mary Wiseman, Jason Isaacs
On peut aussi imaginer un paradoxe temporel pour le ramener à la vie (ce qui serait aussi tout à fait facile mais pas surprenant de la part de l’univers Star Trek).
Tout à fait ! J’avais oublié cette possibilité merci. Possibilité toute aussi paresseuse effectivement, mais ça en devient presque intéressant de voir la suite, comment ils vont réussir à couvrir cette mort, malgré le poids du trope. Presque. (Même si ça continuera a m’agacer fortement)
Il y a deux choses. D’abord Game of thrones a initié cette façon de traiter les personnages principauxnen les dézinguant sans prévenir. Sous-entendu, tout est possible mettant le spectateur sur le grill en permanence. Ensuite, cette histoire d’amour entre ces deux personnages est la seule vraie histoire d’amour de cette série. Donc deux chocs en un. Ne faisant pas parti du public LGBT moi-même j’ai quand même été touché par cette histoire d’amour et cette mort soudaine. Je me suis dit : Merde ! Surtout que l’épisode en lui-même n’est pas très intéressant – et même assez soporifique. Par contre je suis très intrigué par l’histoire sexuelle trans espèce entre la Klingonne et le chef de la sécurité.
Sinon, globalement, je trouve que STD est assez mauvaise dans l’ensemble et tourne en rond depuis un bon moment.
Honnêtement, si j’ai été surpris du décès du docteur, j’ai été plus surpris d’apprendre qu’il y en avait plusieurs (des docteurs) sur le même vaisseau.
Et le « kill your gay », même si tu expliques bien le principe, je ne l’ai pas ressenti plus que ça, d’autant plus que pas mal de personnages sont morts avant, que ce soit le personnage de Michelle Yeoh, ou T’Kuvma. Quelque part c’est bon signe, je ne différencie plus les relations amoureuses en terme d’impact.
… Et en me relisant je me rend compte qu’aucun personnage important de type caucasien n’est mort, mais je penche juste pour du pas de bol, la diversité étant très importante dans le casting et c’est tant mieux.
Par contre je suis beaucoup plus intéressé par la relation xénophile klingon/humain, d’où ma clémence envers cet épisode de reprise.
Ha et si on est logique dans la dynamique « on peut tuer tout le monde, c’est la nouvelle loi des séries depuis GoT », on peut présumer logiquement que le discovery sera détruit de toute façon (trop de logique dans cette phrase, mon côté Vulcain).
Bah oui, le moteur sporique n’existe pas dans le futur de star trek, seule la distorsion est sans cesse améliorée.
Ou alors ils trouveront une raison éthique qui interdira d’en faire usage (genre rendre végétatifs tous les hommes-moteurs après 134 sauts).
Concernant le Kill/Bury your Gays, c’est aussi en ça que c’est pernicieux. C’est que c’est bien fait, ici, dans cette série, mais ça s’inscrit dans une tradition dommageable, et d’une facilité absolue. C’est la répétition d’une action envers la même minorité d’une série à l’autre, sans prise de conscience. Alors, je sais que Culver n’est peut-être pas mort (l’acteur a pris position, GLAAD a pris position). Mais je trouve que le simple fait d’avoir jouer avec cette peur est vraiment vraiment con. Pardon. Vraiment vraiment pas malin.
Concernant les nombreux décès, effectivement on pourrait se demander si l’absence de morts caucasiens de première importance (on ne compte alors pas les seconds couteaux, comme ceux du Shenzhou) ne signifie pas que de nombreux personnages de premiers plans ne sont tout simplement pas caucasien. Mais, je suis aussi un peu perplexe. Ils pourraient quand même rétablir la balance de temps à autres.
Et je suis extrêmement méfiante de cette relation klingonne/humain pour deux raisons : l’une, c’est que je pense que c’est une relation klingon/klingon. C’est dommage, car la scène de viol/scène de sex était très bien faite, d’autant plus sur le syndrome post-traumatique de Tyler. L’autre, c’est que si Tyler a toujours été un agent dormant, est-ce que ça amoindrit le discours sur l’idée qu’un homme aussi peut être violé ?
Je ne sais vraiment pas, et j’attends de voir la suite….