
Wannsee de Fabrice Le Hénanff
En à peine moins de deux heures, le régime nazi a planifié le massacre de millions de juif. Cela s’est décidé et passé à Wannsee le 20 janvier 1942. L’auteur nous raconte et nous dévoile cette conférence comme si nous y étions. Saisissant.
L’histoire : Banlieue de Berlin en plein hiver, quinze dignitaires du IIIe reich se réunissent pour acter et planifier la Solution finale. Ils entérineront l’horreur qui a coûté la vie à près de cinq millions de juifs.
Mon avis : Glaçant et instructif. Là, plus de place à l’abstrait ou au concept, on est dans le vrai. Dans le dur. On démonte le processus d’extermination d’un peuple. Pas à pas. Marche après marche dans l’escalier de l’abject. On a tous plus ou moins étudié à l’école la politique d’élimination mise en place par les nazis, les camps d’extermination du régime totalitaire. On en a reçu une idée assez vague. Dans cet album, l’auteur déconstruit le procédé pour nous plonger au cœur de la démarche.
Comment réunir les juifs puis les acheminer ; abandonner l’élimination par balles car cela coûte trop chez en munitions et il faut bien penser à la santé mentale des génocidaires, comment on passe au monoxyde de carbone et aux fours crématoires, combien de personnes à rafler pour chaque pays d’Europe. Fini les lois raciales de Nuremberg et place aux choses sérieuses en somme.
Sérieux jusqu’à la précision mise par le général Heydrich pour charger dans les retranscriptions ses quatorze comparses afin qu’ils ne puissent plus tard dire qu’ils ignoraient la finalité. Jusqu’au besoin parallèle de secret absolu concernant la Solution finale. Il n’aurait tout de même pas fallu que l’Allemagne assassine près de 11 millions de personnes, objectif avoué par les protagonistes, et qu’on sache qu’elle l’avait fait exprès, voire programmée.
On ne peut pas faire de l’Histoire avec une BD mais on peut la rendre plus accessible, plus réelle, plus démocratique. Cet album fait œuvre des trois à la fois avec la déconstruction du phénomène, avec cet envers du décor, avec en filigrane, ces discussions incessantes pour définir le sort des mischlinge, ces métis au sang juif, où chacun s’écharpe pour définir à partir de quand on peut les exterminer.
C’est un livre fort et choc, utile à la compréhension globale d’une des plus sombres périodes de notre histoire.
En accompagnement : Les Bienveillantes de Jonathan Littell.
Si vous aimez : Shoah de Claude Lanzmann.
Autour de la BD : Comme pour Ostfront ou Westfront, Fabrice Le Hénanff a effectué un travail complet d’écriture et de dessin. Sous son crayon, les nazis sont beaux à défaut d’être bons. Son trait diaphane sert le récit d’une façon assez incroyable.
Extraits : « Vous devriez vous laisser tenter par cette excellente charcuterie, Meyer, à moins que le sort du peuple juif vous air coupé l’appétit… Ne dit-on pas que chaque bon Allemand connaît un honnête juif ? Vous vous inquiétez pour le vôtre ? »
Écrit et dessiné par Fabrice Le Hénanff
Édité par Casterman