
On a lu…Wonder Woman Anthologie
Pilier fondateur du catalogue de l’éditeur, les anthologies d’Urban Comics paraissent à un rythme régulier et se posent comme des ouvrages de références sur les personnages qu’elles abordent. Nouvelle venue dans la collection, l’anthologie Wonder Woman ne déroge pas à la règle et permet de découvrir une héroïne à l’image éloignée des clichés que l’on peut se faire sur l’amazone.
Figure héroïque majeure de la bande dessinée, membre au côté de Superman et Batman de ce qu’on appelle désormais la trinité DC, Wonder Woman revient sur le devant de la scène à travers le grotesque Batman V Superman, mais surtout en tant que modèle définitif de la super-héroïne et comme inspiration pour la femme de manière générale. Mais si l’influence du personnage créé par William Moulton Marston est incontestable (lire à ce propos la préface très touchante de Lynda Carter), on remarque cependant qu’à l’instar de ces deux compagnons d’armes encapés l’amazone est souvent réduite à une image superficielle. En ce qui la concerne, celle de l’étendard féministe.
Pourtant, comme le souligne Xavier Fournier (Wonder Woman – Du rififi chez les amazones – Comic Box n°98), Wonder Woman est « un personnage plus connu que lu » dans lequel « une partie du grand public y projette des choses qu’il est ensuite surpris de ne pas trouver dans la BD ». De fait, si les questions du militantisme féministe et du droit des homosexuels sont accolées à l’image qu’on se fait du personnage, ils sont davantage une toile de fond que l’intention première et primordiale des différents auteurs ayant œuvré sur la série. D’où probablement un décalage entre la réalité et les fantasmes d’une partie du public, mais également une multiplicité des rôles que la super-héroïne a endossés durant toutes ces années.
Wonder Woman n’affiche pas son féminisme en paroles mais en actes. Non comme un but mais comme une conséquence de ses actions, et il apparaît très clairement que la force du personnage se trouve dans sa « normalité » au sein de l’univers qu’elle fréquente mais également dans sa propre individualité. Dans un monde où chaque individu devient facilement, et malgré lui, le représentant de son sexe ou de sa communauté, la force de Wonder Woman réside peut-être dans cet équilibre entre le statut mythique de la super-héroïne (au même titre que Batman et Superman) et son rôle d’ambassadrice d’un sexe taxé idiotement de « faible ».
Cet équilibre, cette dichotomie se retrouvent dans le découpage de l’ouvrage qui, tout en conservant un ordre chronologique, tente de mettre en valeur les différents aspects du personnage. Là où Superman Anthologie montrait une évolution dans les genres abordés et où Flash Anthologie se basait sur les différents personnages qui ont porté le masque du bolide écarlate, Wonder Woman Anthologie est construite autour de différents rôles.
Ainsi, à travers 18 récits, on découvre la guerrière, l’amazone, la princesse et l’ambassadrice. Si on s’intéressera aux premiers épisodes par leurs valeurs historiques, c’est surtout par leur paradoxe affiché qu’ils retiendront l’attention. William Moulton Marston est en effet un féministe convaincu désireux de créer un modèle pour les jeunes filles. Toutefois, celui dont les travaux permirent la création du détecteur de mensonges (qu’on retrouvera dans la création du lasso de vérité) était également un amateur de bondage et de jeux coquins. Si les premiers épisodes de Wonder Woman montrent l’héroïne luttant contre le mal au même titre que Superman et Batman, elle dénote toutefois d’une tendance à se retrouver attachée en tenue légère qui dépasse l’entendement. On retrouve là le paradoxe évoqué plus haut. Wonder Woman est considérée comme une figure moderne du féminisme par beaucoup de gens ignorant tout des jeux coquins de Marston et de son ménage à trois.
Ne diminuant en rien les qualités du personnage, cette ambivalence en fait au contraire sa force et sa particularité. En lutte constante contre les préjugés et une autorité castratrice, le personnage nous est montré comme un modèle de fermeté et de douceur prônant le dialogue et la connaissance comme bouclier tout en n’hésitant pas à se battre si nécessaire. Couvrant 75 ans d’aventures, l’anthologie est un beau marqueur historique de l’histoire des comics et de la société. On soulignera ainsi la période allant de Wonder Woman #179 à Wonder Woman #204 dans le contexte des années 70 s’inspirant de Chapeau melon et bottes de cuir et de la mode kung-fu de l’époque, mais également Wonder Woman V2 #93 (1995) et son héroïne bad-ass assez typique de l’époque.
Mais s’il ne fallait retenir que deux épisodes, on citera sans hésiter La Princesse et le pouvoir (Wonder Woman V2 #1), la relance du titre par George Pérez – une réinvention passionnante du personnage et de la mythologie servi par un magnifique dessin, ainsi que La Mission (Wonder Woman V2 #195), le premier épisode de Greg Rucka sur le titre. Par le biais d’un procédé connu mais astucieux, l’auteur de Gotham Central dresse un portrait tout en finesse de l’amazone et de son entourage. Deux épisodes brillants qu’on espère (sans trop en douter) voir édités en album au sein d’une collection rendant justice au travail de ces deux auteurs. Proposant énormément d’inédits, exhaustif et généreux en bonus, Wonder Woman Anthologie est une nouvelle fois une pièce de maître dans le catalogue Urban qui rend justice à un personnage aux nombreux visages. En se concluant sur deux épisodes extraits de web-comics, l’ouvrage met en avant la modernité du personnage mais aussi et surtout son rôle d’inspiratrice.
Première super-héroïne populaire, Wonder Woman est aujourd’hui la matriarche de toute une communauté. À l’heure où les succès critiques de certains ouvrages nous laissent perplexes (Bitch Planet, je pense à toi) par rapport à d’autres probablement jugés trop dans le cadre (Thor, Lazarus), l’existence d’une telle anthologie nous rappelle qu’il n’est pas nécessaire de porter une pancarte pour affirmer son combat et son statut et qu’avant d’être une icône féministe, Wonder Woman est avant tout une grande super-héroïne.
Wonder Woman Anthologie (DC Anthologie, Urban Comics, DC Comics) comprend les épisodes US de :
- Wonder Woman #1 – Écrit par William Moulton Marston et dessiné par Harry G. Peter
- Wonder Woman #7 – Écrit par William Moulton Marston et dessiné par Harry G. Peter
- Wonder Woman #28 – Écrit par William Moulton Marston et dessiné par Harry G.Peter
- Wonder Woman #99 – Écrit par Robert Kanigher et dessiné par Ross Andru
- Wonder Woman #107 – Écrit par Robert Kanigher et dessiné par Ross Andru
- Wonder Woman #179 – Écrit par Dennis O’Neil et dessiné par Mike Sekowsky
- Wonder Woman #204 – Écrit par Robert Kanigher et Don Heck
- Wonder Woman #288 – Écrit par Roy Thomas et dessiné par Gene Colan
- Wonder Woman V2 #1 – Écrit par Greg Potter et George Pérez et dessiné par George Pérez
- Wonder Woman V2 #93 – Écrit par William Messner-Loebs et dessiné par Mike Deodato Jr
- Wonder Woman v2#113 – Écrit et dessiné par John Byrne
- Wonder Woman v2 #142 – Écrit par Eric Luke et dessiné par Yannick Paquette et Matthew Clark
- Wonder Woman v2 #177 – Écrit et dessiné par Phil Jimenez
- Wonder Woman v2 #195 – Écrit par Greg Rucka et dessiné par Drew Johnson
- Justice League: New Frontier Special – Écrit par Darwyn Cooke et dessiné par J. Bone
- Wonder Woman v5 #0 – Écrit par Brian Azzarello et dessiné par Cliff Chiang
- Sensation Comics Featuring Wonder Woman #1 – Écrit par Gail Simone et dessiné par Ethan Van Sciver et Marcelo Di Chiara
- Sensation Comics Featuring Wonder Woman #7 – Écrit par Amy Chu et dessiné par Bernard Chang
Prix : 25,00 €