Cyberpunk, histoire(s) d’un futur imminent

Cyberpunk, histoire(s) d’un futur imminent

Note de l'auteur

Le cyberpunk « naît de l’attirance mêlée d’angoisse » pour l’informatique des années 1970, entre autres. Mais il ne faudrait pas négliger la dimension « punk », prévient ce beau livre des éditions Ynnis consacré à un genre d’une extrême richesse… Et qui a encore pas mal de choses à dire.

Le livre : Akira, Blade Runner, Black Mirror ou encore Cyberpunk 2077… La science-fiction atteint ses sommets quand elle nous met en garde et tente de prédire l’impact futur des dérives de notre présent. Nous sommes à la fin des années 70, notre monde est en ébullition, les outils informatiques commencent à être accessibles et le cyberpunk voit le jour. Un genre littéraire qui aurait pu être éphémère, attendant que la réalité le rattrape. Pourtant, sans cesse réinventé, il rend compte depuis lors des angoisses et des attentes de ses contemporains quant à l’évolution technologique, au totalitarisme, à la place de l’humain dans la société. Désormais, le cyberpunk est protéiforme, des livres à la télévision, du cinéma aux jeux de rôle, des jeux vidéo à la musique.

Mon avis : « Êtes-vous réel ? Ou vivez-vous dans une simulation informatique ? À moins que vous ne soyez un simulacre robotique à l’apparence humaine ? Ou encore un cyborg dont les parties mécaniques et les parties organiques cohabitent dans le même corps avec plus ou moins d’harmonie ? » D’emblée, ce guide/beau livre Cyberpunk pose les questions de base d’un univers. Ou, plutôt, d’une approche d’univers, d’un angle d’attaque culturel sur le monde présent et ce qu’il pourrait bien devenir dans un futur plus ou moins proche.

Qu’est-ce qui différencie le cyberpunk des autres territoires de la SF ? D’où vient-il en réalité ? « Au plus profond, il naît de l’attirance mêlée d’angoisse que génère l’émergence de nouvelles technologies comme l’informatique, qui commence dès la fin des années 1970 à apparaître dans le grand public, mais également les progrès de la médecine avec notamment de plus en plus de greffes diverses et variées réussies », répondent les auteurs, Stéphanie Chaptal, Jean Zeid et Sylvain Nawrocki.

La société civile, sortant de la période de croissance folle qui a suivi la reconstruction de l’après-guerre, a été traversée par les vagues de mai 68, hippies, psychédéliques. Et s’est pris de plein fouet deux chocs pétroliers qui dévoilent une crise économique profonde. Sur fond d’instabilité économique et sociétale, un mouvement musical est né pour accompagner la révolte de la jeunesse et son refus d’entrer dans le moule : le punk.
Et en science-fiction, cette révolte passe par le renversement des codes établis : se détourner des étoiles lointaines et de leurs conquêtes pour revenir sur Terre et s’intéresser à ces nouvelles créatures étrangères et ces nouveaux territoires que suggère l’informatique : les intelligences artificielles, qu’elles aient un corps ou non, et les réalités virtuelles.

Le cyberpunk offre ainsi aux laissés-pour-compte du progrès technologique « un miroir ouvrant vers le futur ». Côté moyens, ce nouveau genre veut donc s’éloigner de la SF « classique », casser les codes et « essayer de réconcilier sciences sociales et technologies ». Autrement dit, « le cyberpunk est avant tout une déclaration d’amour à la technologie, mâtinée d’un peu de répulsion ou de crainte ». Bref, la dimension « punk », d’êtres en marge du système, n’est pas à négliger : la débauche d’effets spéciaux ne saurait faire oublier cet aspect social du récit proprement cyberpunk.

Sur quatre pages très riches, ce beau livre à couverture souple des éditions Ynnis livre une frise temporelle du cyberpunk, depuis 1927 et le Metropolis de Fritz Lang jusqu’à 2020 et le jeu vidéo Cyberpunk 2077. De quoi embrasser en un ou deux coups d’œil toute la diversité du genre.

Une diversité explorée avec talent dans les chapitres qui suivent : livres et bandes dessinées (avec de grands noms et des titres célèbres, comme l’Altered Carbon de Richard Morgan, devenu série télé pour Netflix, mais aussi des auteurs moins connus), séries télé (l’extraordinaire Neon Genesis Evangelion de Hideaki Anno, entre autres), cinéma (entre grand spectacle et intimisme, effets spéciaux qui en mettent plein la vue et réflexion sur le temps et l’identité), jeux vidéo et jeux de rôle (où « le futur désenchanté et tribal agit comme un aimant », et où l’on découvre que Timothy Leary comptait adapter le Neuromancer de William Gibson en jeu vidéo et film de cinéma, impliquant notamment William Burroughs dans l’écriture !), musique (peut-on trouver des preuves d’un cyberpunk comme genre musical à part entière ?), avant de terminer en jetant un coup d’œil sur les futurs possibles d’un genre décidément riche et rock’n’roll.

De la belle ouvrage, écrite dans un style alerte, dynamisée par une mise en page à l’aune de son sujet et d’une vraie richesse informative (avec quelques surprises à la clé). Le tout rehaussé d’un vrai plus visuel qui fait décidément monter la sauce.

Cyberpunk, histoire(s) d’un futur imminent
Écrit par
Stéphanie Chaptal, Jean Zeid et Sylvain Nawrocki
Édité par Ynnis

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