
DCeased de Tom Taylor, Trevor Hairsine et Stefano Gaudiano
Rythme effréné et dessin efficace, léger manque de profondeur et fin un tantinet cliché : malgré quelques défauts, le spectacle est au rendez-vous de ces super-héros DC transformés en “zombies”… même si la proposition est un peu plus compliquée que cela.
L’histoire : Darkseid a de nombreuses fois tenté de conquérir la Terre et de réduire à néant les super-héros qui la défendent. Aujourd’hui, il y est enfin parvenu : lors d’un combat contre la Ligue de Justice, le seigneur d’Apokolyps a déchaîné toute la puissance de l’équation d’anti-vie, faisant ainsi du monde un enfer habité d’individus contaminés et hystériques qui se dévorent les uns les autres. Et face au chaos planétaire de l’anti-vie, les héros sont aussi vulnérables que désemparés.
Mon avis : Des super-héros infectés qui tournent en zombies ? On pense immédiatement aux Marvel Zombies, avec notamment ce personnage de Morbius et sa célèbre (et pour tout dire grotesque, mais il doit y avoir du second degré derrière) : « Je suis un vampire ! Je suis un zombie ! Je suis un vambie ! »
L’humour n’est pas central dans ce DCeased au titre en forme de jeu de mots. Et si le scénariste, Tom Taylor, se dit lui-même « peu coutumier du genre horrifique », il bénéficie du talent d’un dessinateur, Trevor Hairsine, qui a déjà illustré des séries violentes et décalées (Cla$$war, Killapalooza), et de celui de Stefano Gaudiano, l’encreur de Walking Dead.
Et d’emblée, une constatation s’impose : les amateurs de gore seront servis. Cyborg a, dès les 10 premières pages, la langue arrachée sur ordre de Darkseid. Il faut dire aussi que la couverture annonce bien sûr la couleur. Selon l’édition choisie, on y voit Superman, Batman, le Joker ou Wonder Woman en version mort.e-vivant.e. Glaçant.
Batman décrit « un virus qui semble se propager numériquement et par le sang, via des actes de violence. » Superman lui-même semble impuissant face à ce virus qui élève – et c’est certainement l’idée la plus intéressante de ce volume, même s’il ne la développe pas tout à fait – l’Internet au rang de super-vilain à part entière. De ce fait, anéantir la totalité des zombies ne suffit plus : il faudrait aussi annihiler le Réseau des réseaux. Plus facile à dire qu’à faire.
Un virus qui engendre des nuées de zombies ? La réalité est un peu plus complexe, si l’on en croit le Chevalier noir : « Ce ne sont pas des zombies. Ce n’est pas la faim qui les consume. Ils ne se nourrissent pas. Ils propagent la mort. Ce sont des voleurs de vie, des anti-vivants. Et c’est l’équation qui a tout déclenché. »
Personne n’est à l’abri, qu’il s’agisse d’un super-héros ultra-iconique ou d’un valeureux personnage secondaire. Certains parviennent à endiguer temporairement les effets du virus (Batman endossant la tenue de Mr Freeze), mais tous les infectés finissent par se transformer en machines à tuer décérébrées. Avec, à la clé, des situations parfois tragiques et déchirantes, lorsque des amis et des parents tombent les uns après les autres.
C’est aussi, dans le cas d’Harley Quinn, l’occasion de mettre fin à sa « relation toxique » avec le Joker… à coup de fusil d’assaut : « Des années de sévices consentis… réduits à l’état de tumeur psycho-thérapique. » Dans un monde en pleine autodestruction, la jeune femme peut enfin vivre son idylle avec Poison Ivy.
La contamination sert aussi à rappeler, une fois de plus, que des super-pouvoirs, c’est très bien, mais que cela peut aussi se retourner contre les super-héros et le monde qu’ils sont censés protéger. D’autant que l’équation d’anti-vie sait utiliser les propriétés de certains d’entre eux pour en infecter d’autres qui semblaient hors de portée – Ray Palmer, l’homme microscopique, et Captain Atom, pour ne pas les citer. L’explosion de ce dernier sur Washington est particulièrement réussie et n’est pas sans rappeler Akira.
L’irruption de John Constantine est toujours un événement réjouissant. Car, quand il n’y a pas de solution technologique à un problème aussi dramatique, on se tourne forcément vers la magie… Problème : « Ça va au-delà de la magie », souligne le mage so british. Et lorsque même la vue de Superman et de Wonder Woman ne parvient plus à rendre l’espoir, et que Washington, Baltimore et Metropolis sont volatilisées, que reste-t-il vraiment, si ce n’est une décision radicale et désespérée ? Wonder Woman tente de fusionner mythologie et science, s’inspirant d’Athéna, déesse de la guerre, de l’artisanat et des mathématiques. Les super-survivants tentent tout et plus encore, mais rien n’y fait. Jusqu’au bout, l’enfer semble au coin de la rue.
La fin, justement, n’est pas exactement satisfaisante. La scène entre Cyborg et Wonder Woman tourne au cliché absolu (sa résolution dépend d’une étourderie de Cyborg qui regarde le ciel), sans parler des derniers mots (« Fin… et nouveau départ ») plutôt éculés. Pour le reste, le spectacle est au rendez-vous. Un spectacle sans grande profondeur, c’est vrai ; agréable mais sans provoquer de réflexion sur le long terme. Sa grande force réside davantage dans le rythme d’un récit électrisé par l’urgence de ce virus qui se propage à toute vitesse, et dans le double visage – physique et numérique – d’une attaque d’un nouveau genre.
DCeased
Écrit par Tom Taylor
Dessiné par Trevor Hairsine
Encré par Stefano Gaudiano
Édité par Urban Comics