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De la signification de l’effroi, l’exemple de la Quatrième Dimension

De la signification de l’effroi, l’exemple de la Quatrième Dimension

Alors qu’Halloween vient nous submerger avec moult artefacts issus d’un imaginaire plus ou moins horrifique, il est intéressant de se replonger dans un des classiques de la figure monstrueuse – aussi kitsch soit-elle – pour bien définir tout le sens qu’elle peut (et finalement se doit de) véhiculer.

the-twilight-zone_rod-serlingDans cet épisode intitulé Cauchemar à 20 000 pieds, Bob Wilson et sa femme prennent l’avion pour rentrer chez eux. Bob vient de passer six mois en maison de repos après avoir perdu la raison lors d’un trajet… en avion.
Vous me direz, quoi de mieux que de soigner le mal par le mal ? Oui, sauf que comme nous l’annonce Rod Serling, Bob a cette fois-ci pour destination le coin le plus sombre de la quatrième dimension !

Cet épisode est l’un des plus emblématiques ainsi que l’un des plus populaires de la série. Il a d’ailleurs fait l’objet d’un remake (réalisé par George Miller s’il vous plaît) lorsque la série a été transposée au cinéma pour un film (constitué de trois anciens épisodes et d’une nouvelle histoire).
La Quatrième Dimension a régulièrement nourrit la pop culture dans son ensemble, et plus que jamais à l’heure où le format de l’anthologie refait surface (coucou Black Mirror). Mais cet épisode a tout spécialement trouvé sa place dans d’autres œuvres en faisant l’objet d’un segment dans Les Simpson, par exemple (5.05, Treehouse of Horror IV), ou à de multiples reprises dans Troisième Planète après le soleil (il faut préciser que John Lithgow qui tient le rôle principal dans la série avait lui-même interprété le personnage du remake de Miller).

Adapté d’une nouvelle de Richard Matheson (dont il en signe lui-même l’adaptation pour cet épisode), Cauchemar à 20 000 pieds témoigne de la sensibilité plus directe de l’auteur. Les épisodes qu’il a signés pour la « Quatrième » (il en a écrit 16 tout de même) n’ont ainsi pas souvent recours à l’exercice du twist final, pourtant l’une des marques de fabrique de la série.
Du reste, la mise en place est ici d’une simplicité magistrale. En trois minutes, nous faisons la connaissance du couple Wilson et la problématique est posée. Rod Serling peut alors intervenir et annoncer le funeste destin à venir, ponctué par la musique désormais intemporelle de Marius Constant.

C’est William Shatner qui endosse le rôle du passager nerveux. L’emblématique capitaine Kirk – dans Star Trek – démontre un talent certain pour diffuser l’angoisse implacable du cockpit. On raconte que le facétieux Shatner était intenable durant le tournage. Il ira jusqu’à faire croire à une dispute avec un autre comédien (Edd Byrnes), concluant la supercherie par la chute du haut de trois étages d’un pantin attifé comme l’acteur. La mystification aura fait son petit effet sur un jeune Richard Donner – futur réalisateur de L’Arme fatale – qui n’avait que trois jours pour boucler la production.

the-twilight-zone_gremlinBien qu’il ne soit pas à l’aise, Bob Wilson contient sa tension comme il peut jusqu’à ce qu’il aperçoive une forme se déplaçant sur l’aile de l’avion. Il croit d’abord à un homme. Puis il doit se rendre à l’évidence : il s’agit d’un Gremlin (la traduction française emploie le terme de diablotin). L’épisode est diffusé en 1963. Il n’est donc pas question ici de faire référence aux films de Joe Dante. Le Gremlin est une figure mythologique malveillante que les pilotes (principalement anglais) accusaient lorsque leurs avions étaient touchés par des avaries mécaniques qu’ils ne pouvaient expliquer*.
Avec notre regard contemporain, l’apparition d’un comédien grimé et coiffé d’une perruque de telle sorte (voir photo) ne constitue pas forcément l’expérience terrifiante escomptée lors de la conception de l’épisode. Toutefois la séquence qui le voit brusquement surgir en gros plan derrière le rideau du hublot provoque malgré tout ce petit frisson sur l’échine.

Peu importe le caractère affreux du monstre. Ce n’est pas sa finalité. Sa présence sert une fonction narrative que l’auteur soumet au public. En l’occurrence, le Gremlin n’est visible qu’aux yeux du seul Wilson. Il symbolise de toute évidence la peur du malheureux face au voyage aérien.
Il faut alors imaginer la même scène sans le symbole monstrueux. Malgré toute la dextérité de Shatner, son angoisse n’aurait pas la même prégnance, fut-elle uniquement psychologique. La créature sert alors de vecteur. Elle cristallise la terreur de l’affligé et permet au spectateur de s’approprier, dans une certaine mesure, son tourment.

Au final, ce n’est pas tant Bob Wilson que le téléspectateur qui s’est rendu dans la quatrième dimension. Un voyage dont nous revenons peut-être un peu plus tolérants vis-à-vis de la névrose d’autrui.

* : La créature du Gremlin sera d’abord popularisée par Roald Dahl. Le romancier anglais avait servi dans la Royal Air Force durant la Seconde Guerre mondiale.

Visuels © Cayuga & CBS.

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