De l’influence des films sur les comics…

De l’influence des films sur les comics…

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Nouveaux venus dans l’univers cinématographique Marvel, Vif-Argent et la Sorcière Rouge peuvent se targuer d’être au centre de plusieurs conflits et inquiétudes. Cristallisant une certaine peur des lecteurs de voir s’établir une hégémonie totale du cinéma sur la bande dessinée, le cas de ces deux personnages n’est que la dernière manifestation en date des liens que ces deux médias entretiennent depuis des dizaines d’années.

_1426284565Apparus en 1964 dans les pages d’X-men #4, Vif-Argent et la Sorcière Rouge acquièrent rapidement un statut particulier au sein de l’univers Marvel. Mauvais mutants au départ, ils rejoindront ensuite l’équipe des Vengeurs, plus tard ils découvriront que leur véritable père est en fait le célèbre et redoutable Magneto. Si être autant lié à l’univers des X-men et des Vengeurs ne pose pas de problème au sein de la bande dessinée, il en est tout autrement dès qu’on aborde le cinéma du fait de l’éparpillement des droits cinématographiques entre différent studios. Marvel et la Fox (qui détient les droits d’exploitations des X-men) en l’occurrence. Le spectateur peu au fait de ces choses, pourra donc se questionner sur la présence d’un même personnage dans le dernier film X-men et dans le prochain film Avengers. L’amateur y a surtout vu la dernière manifestation d’une bataille entre studios. Les dernières décisions de Marvel en ce qui concerne la vie et le passé de ces deux héros peuvent d’ailleurs confirmer cela.

Ne souhaitant pas dévoiler des événements qui seront bientôt être publiés en France, nous nous contenterons de dire que Marvel procède à une modification du passé de ces deux personnages les éloignant ainsi de l’univers des mutants. Le changement fait partie intégrante des comics de super-héros des deux grands éditeurs pourtant le questionnement et l’inquiétude sont légitimes tant cela ressemble à une stratégie politique et économique sans que l’artistique soit vraiment pris en compte. L’éditeur/producteur a pris sa décision, à charge au scénariste (Rick Remender en l’occurrence) de faire en sorte que cela fonctionne.

Partant du principe que tout idée n’est pas mauvaise en soi et que seul le traitement fait la différence et n’ayant pas lu encore en détail ces aventures, nous nous garderons biens de critiquer ces choix surtout en étant traités par un auteur capable de tout détruire pour mieux rebâtir. Mais l’ingérence du studio sur l’éditeur inquiète. Il n’est déjà pas aisé pour un fan de voir l’objet de son culte s’ouvrir à un très grand public mais cela l’est encore moins quand il estime que celui-ci dicte ses choix sur les histoires qu’il ne connaissait pas il y encore quelques années. On ne pourrait lui donner complètement tord d’ailleurs. Outre le cas Vif-argent/Sorcière Rouge, on peut également citer le remplacement du vieux Nick Fury par une version en raccord avec le personnage du film interprété par Samuel Jackson¹ ou bien encore l’apparition et la mise en avant de l’agent Coulson dans les comics. A l’heure où Marvel tente d’échauffé les esprits avec sa saga Secret Wars et son (toujours classique) « rien ne sera plus comme avant », beaucoup n’ont pas hésité à y voir là l’opportunité d’un rapprochement total entre l’univers Marvel des films et des comics. En clair Marvel à la suite de cette saga, ne proposerait que des comics avec des personnages ayant la tronche de Robert Downey Jr, Chris Evans ou de Scarlett Johansson.

Superman75Le délire alla même plus loin. Sachant que les séries estampillés X-men et Fantastic Four appartiennent à la Fox, certains n’ont pas hésités à tabler sur l’arrêt de ces comics histoire d’emmerder le studio concurrent. Bien sur il faut faire la distinction entre l’inquiétude du fan et le délire alimenté quotidiennement par des sites afin de faire du clic mais quelques soit le cas il apparaît franchement ridicule que l’éditeur se sépare d’une flopée de titre qui ont représenté sa poule aux œuf d’or durant des années juste parce qu’un autre studio possède les droits cinématographiques. Ne pas vouloir d’une ingérence du cinéma sur les comics est compréhensible mais cela révèle d’une vision un peu biaisé de l’industrie. Celle-ci n’a pas attendue le cinéma pour imposer des choix à ses auteurs en étant guidé par l’envie de faire pognon. Ainsi selon les périodes les éditeurs ont imposés aux dessinateurs de « dessiner comme Kirby » (plus tard « comme Jim Lee ») et ont lancés des séries pour copier le voisin ou pour suivre des modes plus globales. Employé avant d’êtres des auteurs, les scénaristes et les dessinateurs devaient faire aussi avec ce genre de décision. Heureusement comme toute industrie du divertissement ceux-ci étaient libre aussi d’exploiter leurs idées si le succès été au rendez-vous. Si Chris Claremont a pu autant faire avec les X-men c’est bien parce que ceux-ci se vendaient comme des petits pains. Il a cependant aussi eu son lot de conflit interne durant ces années, citons simplement le cas du Phénix noir objet de vive discussion entre les auteurs et l’editor Jim Shooter qui pris la décision de tuer le personnage.

La vie éditorial dans l’industrie comics n’a jamais été un long fleuve tranquille. Aujourd’hui pas plus qu’hier. De la même façon l’influence du cinéma (ou d’autres médias) sur les comics n’est pas quelques choses de nouveau bien au contraire. Personnage emblématique de DC Comics, Superman et Batman ont vu leurs mythologies respective se construire au fil du temps. Ce qu’on tient pour totalement acquis aujourd’hui ne l’était pas forcément à leurs débuts. Ainsi le personnage de Jimmy Olsen est d’abord apparu dans le feuilleton radiophonique The Adventures of Superman en 1940 soit une époque où la radio était un des médias (peut-être même LE média) qui touchait le plus de monde. Et il en fut de même pour la kryptonite. Si Alfred Pennyworth, est tout d’abord apparu dans les comics, celui-ci n’avait pas du tout le même look. C’est le serial Batman de 1943 qui popularisa la version du majordome de Batman que l’on connaît tous.

Harley-Quinn-batmanIl existent ainsi de multiples exemples de l’influence d’un autre média ou d’une industrie sur les aventures sur papier de nos héros. Batgirl fut créée pour suivre la série télévisée (nanananananana) Batman des années 60 (qui remis également en avant le personnage alors oublié de Catwoman), durant le run de Grant Morrison les X-men portèrent des uniformes pour suivre l’idée du film, la première Secret Wars fut lancée pour accompagner une ligne de jouets et de figurines vendu par Mattel et la célèbre Harley Quinn est une création de Batman The Animated Serie (de même que la détective Renée Motoya et la version actuelle de Mr Freeze). Le cas le plus intéressant reste Superman dont la célèbre saga, La mort de Superman fut un choix fait par les auteurs après que l’idée initiale, le mariage de Loïs et Clark, fut retoquée par Warner afin de ne pas parasiter l’histoire de la série télé Loïs et Clark, les nouvelles aventures de Superman. Ce n’est que quand l’événement se déroula dans la série télé que les auteurs firent de même dans le comic-book.

L’influence est également plus subtile si on prend un peu plus de recul. Outre celle exercée sur les auteurs qui la digère et la ré-injecte dans leurs œuvres (par exemple l’influence du cinéma asiatique et du roman noir sur le Daredevil de Frank Miller) on remarquera que, déjà, avant de produire ses films, Marvel mettait en place des séries parfaitement adaptable telle quel pour le cinéma. C’était un des objectif de la ligne Ultimate à ses débuts et il n’est pas étonnant de retrouver énormément de choses provenant de ces séries dans les films aujourd’hui. Si l’ingérence excessive d’un studio ou d’un éditeur sur le travail artistique d’un auteur est toujours très discutable, force est de constater que celle-ci n’a pas provoquer que des mauvaises choses par le passé. De la même façon la ré-invention du super-héros au fil des décennies est aussi du à l’apport d’idées exploités ailleurs. Le cloisonnement serait bel et bien une mauvaise chose, tant la richesse est partout.

¹ Celui-ci étant déjà une variante du personnage classique datant du début des années 2000 et dessiné volontairement pour ressembler à l’acteur.

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