Vampire en pire (NOS4A2 / AMC / Amazon Prime)

Vampire en pire (NOS4A2 / AMC / Amazon Prime)

Note de l'auteur

Au-delà du jeu de mots à crocs, la série NOS4A2, adaptée d’un roman de Joe Hill, n’a guère de mordant. Outre une grosse faiblesse en matière fantastique, reste une jolie histoire sociale… sans lendemain ?

Alors que Locke & Key, sa très excellente BD (signée avec le dessinateur Gabriel Rodriguez), devrait enfin trouver sa place sur nos écrans par la grâce de Netflix, Joe Hill a vu l’un de ses romans adapté en une série de 10 épisodes diffusés sur AMC et Amazon Prime. Une histoire dont le titre laisse suggérer son obédience au territoire des grands-ténébreux-à-crocs… même si l’affaire est plus complexe que cela.

Car NOS4A2 ne recèle pas de vampire au sens classique-gothique du terme. Certes, Charles Manx, sorte de Willy Wonka maléfique joué par Zachary Quinto, vu à d’innombrables reprises à la télé (Heroes, American Horror Story) et au ciné (Star Trek), semble se nourrir de l’innocence des enfants qu’il enlève dans sa Rolls-Royce Wraith (littéralement “spectre”). Mais en définitive, c’est Vic McQueen, la protagoniste de la série, qui arbore le signe distinctif le plus évident du vampirisme : lorsqu’elle emprunte le Shorter Way Bridge sur sa moto (un pont “magique” qui la mène toujours vers ce qu’elle cherche), son œil gauche rougit puis saigne.

À part Quinto, on ne retrouve pas de vraie célébrité au casting de NOS4A2. Dans le rôle de Vic, l’Australienne Ashleigh Cummings y trouve son premier grand rôle américain. Jahkara J. Smith, dans le rôle de la médium Maggie Leigh, y décroche carrément son premier rôle d’actrice, point barre. Les parents de Vic, interprétés par Ebon Moss-Bachrach (The Punisher, The Last Ship) et Virginia Kull (Big Little Lies), sans oublier le simplet mais inquiétant Bing Partridge (Ólafur Darri Ólafsson, vu notamment dans The Deep), ont un peu plus de bouteille. Mais cela reste somme toute rafraîchissant.

Vic McQueen sur la piste de Christmasland (c) AMC

De la série proprement dite, certains points saillent assez agréablement. Et notamment ceux qui restent dans l’ombre. La proximité d’âge entre Ashleigh Cummings et sa “mère” Virginia Kull (11 ans à peine les séparent) suggère une grossesse non souhaitée. Un soupçon amplifié par la peur panique de Linda McQueen à l’idée que Vic puisse quitter le cocon familial. Ses références constantes aux dangers d’être violée dans la “grande ville” laisse penser à un passé tragique qui demeure totalement de l’ordre du non-dit.

Et c’est finalement cette dimension qui fait l’intérêt de NOS4A2 : la vie de famille de Vic, ses origines simples voire pauvres, le côté “lumpen” très prononcé, un talent pour le dessin qui pourrait bien ne la mener nulle part (car les “petites gens” sont condamnées à leur condition)… Ses parents en guerre perpétuelle, sa mère psychorigide qui fait des ménages et son père cool mais alcoolique (après deux tours dans le Golfe)… Ce garçon de bonne famille qui s’intéresse à elle, cet autre qui est amoureux d’elle depuis qu’ils sont tout petits…

Comme parfois dans les romans de Stephen King, papa de Joe Hill dans le civil, l’aspect social l’emporte sur le folklore fantastique dans cette série. Au-delà des allusions conscientes, le fantôme du Maître de l’horreur plane d’ailleurs largement sur cette histoire. Le véhicule diabolique qui roule tout seul ? Christine. L’enfant transformé ? Salem’s Lot (à la fois le frère qui frappe à la fenêtre et les enfants vampires dans le bus scolaire). Le raccourci impossible ? Le raccourci de madame Todd. Le pont couvert qui mène à une contrée étrange ? Dans l’antre de la folie (certes un film de John Carpenter, mais un scénario très très kingien)…

Charles Manx et sa Rolls-Royce Wraith infernale (c) Zach Dilgard/AMC

Reste une série largement cousue de fil blanc, d’évidences, de clichés, et bien peu rehaussée d’originalités et d’idées novatrices. Les lettres de Scrabble de Maggie, la moto de Vic fonctionnent « en déchirant le tissu séparant le monde réel du monde de la pensée » : un beau concept finalement peu utilisé… Autre belle idée : le Graveyard of What Might Be (le “cimetière de ce qui pourrait être”), avec cette façon, pour le méchant de service, de justifier ses actions et de semer momentanément le doute dans l’esprit du spectateur…

Le dernier épisode laisse toutefois croire à la possibilité d’une 2e saison. Vic se rendra-t-elle enfin à Christmasland ? Son petit copain a-t-il un avenir ? Maggie retrouvera-t-elle le sidekick de Charles Manx ? Beaucoup de questions qui attendent une réponse. En espérant que Jami O’Brien (Fear the Walking Dead), la showrunneuse, s’offre enfin la force de déployer ses ailes et d’exploiter tous les territoires qu’elle n’a qu’esquissés ici.

[UPDATE 21/07/2019] C’était dans l’air et cela a été confirmé par AMC lors du Comic-Con de San Diego le 20 juillet : NOS4A2 connaîtra bien une seconde saison. Si l’on en croit les chiffres cités par le site Deadline.com, le succès a été au rendez-vous de la première, NOS4A2 se classant dans le Top 20 des “cable drama” et pointant même à la 2e place au classement des nouvelles séries de sa catégorie auprès des 25-54 ans et des 18-49 ans. La production de la saison 2 doit débuter cet automne pour une diffusion en 2020.

NOS4A2 (AMC) saison 1 en 10 épisodes
à voir via Amazon Prime depuis le 2 juin.
Série créée par Jami O’Brien
d’après un roman de Joe Hill.

Visuels © AMC Studios

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