
Découvrir… Babylon 5 (après tout le monde)
J’ai décidé que 2015 serait SF ou ne serait pas. Avant de me plonger enfin dans l’univers Star Trek, j’ai souhaité commencer par Babylon 5, une série plus courte mais que sa réputation précédait tout autant.
Spoiler : elle surpasse sa réputation.
Ce que je pensais trouver
De la continuité : Pendant plus de dix ans, Babylon 5 a été pour moi cette série « à la continuité sans failles parce qu’intégralement écrite avant d’avoir été tournée ». Je pensais donc trouver un modèle d’écriture du point de vue de la cohérence interne. La réalité est cependant un tout petit peu différente. Certes, la progression a été pensée à l’avance, mais le mythe de « l’écriture intégrale avant tournage » est, justement, un mythe. Est-ce dommage ? Non, car c’est ce qui permet à la série de garder une souplesse dans l’écriture et surtout cela promet des débats passionnants avec les autres fans de Babylon 5 à base de questions comme par exemple « et si tel acteur/telle actrice était resté(e), quelle storyline aurait été la sienne ? Aurait-elle été exactement la même ? ». Il n’empêche que la rigueur de la construction est exemplaire, si bien qu’on est entièrement acquis à la série parce qu’elle ne se trahit jamais. En tant que spectatrice, j’ai rapidement développé une confiance absolue dans l’univers et la progression des intrigues. Pas de syndrome Battlestar Galactica ! (Mais si, vous savez, ce syndrome que développe le spectateur lorsqu’il réalise que le showrunner est en train de ruiner une magnifique série parce qu’il croit en « l’improvisation » dans l’écriture et les intrigues.)
De la géopolitique : « Babylon 5, c’est le nom d’une station dans le futur qui regroupe toutes les races et montre leurs rapports politiques.» Voilà ce que j’étais sûre de trouver, et là encore c’était vrai, dans les grandes lignes en tout cas. Car si l’œuvre est éminemment politique (je ne crois pas qu’on ait eu à ce jour une autre série traitant autant et aussi bien de géopolitique, SF ou non) et explore en effet les rapports entre quatre races principales (Humains, Centauri, Narns et Minbari), elle reste toujours à hauteur d’hommes. L’essence de ces races s’incarne dans le personnel militaire humain et dans des ambassadeurs aliens, qui sont tout autant les personnages principaux. Mais surtout, le traitement de la géopolitique dépasse de loin la simple représentation des tractations politiciennes et s’interdit tout cynisme. Les personnages ont des idéaux, des valeurs, qui se heurtent parfois brutalement à la réalité et aux intérêts personnels des uns et des autres. Il y a dans Babylon 5 un souffle démocratique que je n’ai retrouvé que chez Aaron Sorkin. (Sans l’optimisme ou l’idéalisation de The West Wing, cependant.) De la géopolitique ? Oui, mais bien plus : du Politique au sens du vivre ensemble, des différences culturelles, religieuses, spirituelles.
Du space opera kitsch : J’avais vu quelques images donc je m’attendais à du space opera un peu kitsch, avec masques, maquillages, costumes ridicules et accessoires en caoutchouc. De ce point de vue là, il n’y a pas eu tromperie sur la marchandise, sauf que les maquillages sont élaborés et plutôt très réussis et comme l’écriture des personnages est efficace (j’y reviendrai), les masques et autres n’empêchent ni l’attachement, ni l’identification. Il est très rare que je sois sortie de l’illusion narrative à cause de l’esthétique des personnages. On ne peut pas en dire autant des effets spéciaux numériques qui en étaient alors à leurs tout débuts. Les vaisseaux de la 1ère saison frisent le ridicule… Cependant, la série semble avoir attendu d’être capable de montrer des effets spéciaux dignes de ce nom pour proposer des combats dans l’espace. Le progrès d’une saison à l’autre est époustouflant de ce point de vue. De toute façon, la série brille surtout par ses dialogues, ses diatribes, ses monologues, et pas par ses scènes d’action, même si elle en compte beaucoup. Donc oui, c’est un peu kitsch et si vous êtes du genre à ne pas pouvoir entrer dans une série à cause de son esthétique datée, Babylon 5 vous rebutera. En même temps, si vous ne savez pas aller au-delà des apparences, vous ne méritez pas de regarder Babylon 5.
(Et puis le plus kitsch de Babylon 5 n’est pas vraiment à chercher du côté des maquillages mais bien plutôt du côté des chemises des personnages humains lorsqu’ils sont habillés en civil…)
Ce qu’on avait oublié de me dire
Un pilote décevant et un démarrage lent : Le pilote m’a déçue, voire, il m’a effrayée : m’étais-je trompée ? Babylon 5 avait-elle été surestimée ? Le vrai pilote (The Gathering, film de 90 minutes, et pas le 1×01) a beau planter toutes les graines et donc être indispensable, il ne ressemble pas vraiment au reste de la série : le casting est un peu différent, les archétypes sont mis en place mais pas encore dépassés comme ils le seront brillamment au fil des épisodes. Je remercie ceux qui m’ont encouragée et m’ont assurée que la suite ressemblait peu à ce premier épisode (devant lequel je me suis ennuyée), ils avaient raison. De même, la série ne prend son envol que lors de la saison 2, notamment avec l’arrivée d’un nouveau personnage principal. Mais le temps pris pour installer l’univers, avant que la grande aventure épique ne commence, est très agréable et est ce qui garantit le réalisme et la force de la série.
Des personnages attachants et grandioses. Étrangement, lorsque les gens parlent de Babylon 5, ils ne mentionnent jamais ou que trop rarement les personnages. Il est vrai que le genre (SF) et le thème (géopolitique) sont tellement marqués et peu communs qu’ils tendent à occulter le reste dès qu’on parle de cette série. Et cela est bien dommage car Babylon 5 offre parmi les plus beaux personnages de la télévision. Je n’en dirai pas plus, car je ne veux rien déflorer mais croyez-moi sur parole : les personnages nous font nous interroger sur nos préjugés, ils dépassent leurs archétypes et sont attachants voire absolument grandioses. Ils vous feront tour à tour hurler de rire, pleurer, vibrer, ressentir de l’admiration, une extrême frustration ou une profonde compassion. Sans oublier une absence de sexisme admirable pour une série qui a déjà 20 ans d’âge.
Un héritage théâtral : Si Firefly est de la science-fiction à la sauce western, Babylon 5 est de la science-fiction à la sauce théâtre. C’est probablement là l’obstacle principal à l’appréciation de la série. Pourtant, il faut se défaire d’un préjugé : théâtral ne veut pas dire « faux », « mal joué », « caricatural ». Babylon 5 est théâtrale dans le meilleur sens du terme : elle laisse toute leur place aux dialogues qui sont toujours réussis, souvent drôles et, parfois, poétiques. Si les premiers épisodes peuvent sembler un peu plus difficiles d’accès, la série gagne rapidement son rythme de croisière : le spectateur se familiarise avec ce style et la série peut compter sur quelques grands acteurs que l’on prend plaisir à admirer. En premier lieu : Peter Jurasik (Londo Mollari), Andreas Katsulas (G’Kar) et Mira Furlan (Delenn). On m’avait promis une série très bien écrite du point de vue de l’architecture des intrigues, on avait oublié de me dire que l’écriture pouvait se montrer magnifique même dans une scène aussi banale en apparence que deux personnages assis, dialoguant de part et d’autre d’un bureau.
Une série captivante : En décidant de découvrir Babylon 5, je pensais juste combler l’une de mes lacunes culturelles, comme on lit un roman du XIXe estampillé « grand classique » et dont on n’attend rien d’autre qu’une satisfaction intellectuelle. L’impression de « faire ses devoirs » en quelque sorte. Ce qu’on avait oublié de me dire, c’est que Babylon 5 est une série haletante, épique, pleine de suspens et d’émotions. Je l’ai lancée avec la curiosité de la sériephile qui cherche à parfaire ses connaissances, et voilà que je me suis retrouvée émotionnellement très investie, au point de devoir faire parfois des pauses dans les épisodes juste pour respirer et digérer les plus grandes scènes.
Ce que j’en ai pensé
Pour conclure, on doit à J. M. Straczynski (qui a écrit 93 des 110 épisodes) une série qui « fonctionne » encore : on lance le pilote avec une curiosité de spécialiste et trois saisons plus tard, on réalise qu’on a été happé, comme peut le faire une production Netflix binge-watchée en un week-end. Sans être une série de niche (car je ne pense vraiment pas qu’on puisse lui associer un « fan type ») et tout en s’adressant au plus grand nombre, Babylon 5 ne plaira pas à tous. Il vous faudra passer au-delà de vos préjugés esthétiques, avoir le recul nécessaire pour accepter une narration parfois un peu désuète (saison 1), ne pas être rebuté par l’aspect parfois théâtral, accepter de faire confiance et de se laisser embarquer dans une histoire qui se déploie patiemment mais efficacement sur cinq saisons. Les contraintes peuvent être nombreuses, mais le plaisir en vaut la chandelle. Babylon 5 est un incroyable kif pour sériephile averti. Et comme toute bonne chose, elle se mérite.
Amandine Srs (@amdsrs)
Amandine a également consacré un podcast en trois parties autour de la série en compagnie de Sullivan Le Postec et @MrRainWhisper
Excellent texte qui fait plaisir à lire tant l’amour que je porte pour cette série est immense. Je vais m’empresser d’écouter le podcast avec le camarade Sullivan, grand expert Babylonien s’il en est.
Juste une chose
=> « (je ne crois pas qu’on ait eu à ce jour une autre série traitant autant et aussi bien de géopolitique, SF ou non) »
Hé bien si. Il s’agit de la série-soeur de Babylon 5 à savoir Star Trek : Deep Space Nine que beaucoup ont opposés, que certains ont catégorisés comme plagiaire (et vice-versa) mais qui avec le temps se pose comme avant tout comme deux immenses séries complémentaires.
Ainsi là où Babylon 5 propose un versant mythologique à son propos, Deep Space Nine est remarquable dans sa manière de montrer toutes les problématiques liées à la reconstruction d’un pays après une guerre. En ce sens elle est probablement la seule série (en tout cas la plus ancienne) à avoir traité du conflit des Balkans avec grande justesse.
Si tu as aimé Babylon 5, tu aimeras Deep Space Nine.
Star Trek est justement mon nouveau projet SF! Je suis en train de découvrir Next Generation (et c’est fastidieux…) et attends Voyager et Deep Space 9 que tout le monde semble porter aux nues. Je dois avouer que j’ai tellement aimé Babylon 5 que la barre est haute maintenant… Mais être épatée et devenir une Trekkie, je ne demande que ça!
Excellent article et très complet ! J’ai aussi adoré cette série malgrè une première saison ardue. je ne m’attendais pas a être autant happée et suprise par cette série avec une écriture superbe.
Je ne connais pas Star trek pour en parler mais après Babylon 5 je m’étais lancée dans Farscape que je recommande aussi. Bien sur différente dans le style dans l’écriture, elle est beaucoup moins cohérente mais ressemble a B5 pour ces personnages complexes et évoluant énormément !
HAAA Babylone 5, la meilleure série du monde.
Je me souviens encore que j’avais fait un pause de deux semaine avant de regarder les derniers épisodes, je ne voulais pas quitter ces persos auxquels je m’étais attaché.
Il n’y a que Farscape qui m’aie fait le même effet.
L’article explique bien ce que j’ai aussi ressentis avec cette série. Il manque juste un paragraphe sur le duo Londo Mollari, G’kar. Leur histoire est une tragédie grecque à elle seule, et un des plus beaux « duo » que j’aie vu à la TV.
Oui, pour moi aussi G’Kar et Londo sont parmi les plus beaux personnages de la télévision! Mais je ne voulais tellement pas spoiler les futurs spectateurs (fans?) que j’ai essayé d’en dire le moins possible…
J’ai vu Farscape avant, il y a quelques années maintenant. Et c’est vrai qu’on retrouve cet univers qui ravit (dans les deux sens du terme!). Mais Babylon 5 sont les deux faces d’une même pièce pour moi: la première est aussi rigoureuse que la seconde est joyeusement foutraque!
Amandine, as-tu vu le téléfilm « au commencement » qui apporte de vrais éléments et révélations sur les intrigues contrairement aux autres téléfilms qui sont dispensables (sauf le pilote bien sûr) ?
En tout cas merci ! merci pour ce texte qui retranscrit si bien les qualités de babylone 5 et qui je pense va donner envie de dépasser les images de synthèse datées et les premiers épisodes qui sont c’est vrai un peu lent.
La première saison est vraiment à prendre comme un prologue et pour ma part j’ai commencé à accrocher à l’épisode où la station babylone 4 réapparaît et où on comprend que l’intrigue va prendre une autre ampleur que des stand alone.
Concernant les images de synthèse, il faut les dépasser tant c’est une histoire de personnages avec un destin qui leur est propre (londo et g’kar quelle story line c’est dément j’en ai des frissons rien que d’y repenser).
C’est l’une des rares séries où j’ai chialé a la mort ou la chute de certains personnages et surtout à la fin quand il a fallu les quitter.
Et non, je n’ai pas encore regardé les téléfilms… Ni Crusade d’ailleurs. C’est prévu mais je veux les garder pour une période où je serai tragiquement en manque de Babylon 5, pour une soirée où Sheridan et Delenn me manqueront trop!…
En attendant, j’ai entrepris de lire certains des livres (canon)…
Il faut que je me mette aux livres aussi surtout la trilogie legions of fire qui résoud des questions laissées en suspens (pour ne pas spoiler je dirais juste qu’il est notamment question d’une urne offerte en cadeau …).
Pour l’instant je n’ai pas franchi le pas à cause de mon niveau d’anglais calamiteux et je me suis contenté de résumés mais il va falloir que ça change.
Et je vais m’empresser d’écouter le podcast.
Je sens que aprés ça je ne pourrai pas résister à l’envi de me refaire une nouvelle fois la série.
Je suis en plein dedans (le 4*11 au moins ce soir), et je confirme le tout.
Autant sur tout ce qu’on m’en as dit, que sur le vécu pendant le visionnage.
Vivement que j’en soit a la fin … ou pas en fait ^^