Découvrir… Firefly (après tout le monde)

Découvrir… Firefly (après tout le monde)

À l’instar de Stéphane Chéreau, qui avait découvert (après tout le monde) Les Soprano, Buffy ou Friday Night Lights, c’est à mon tour d’avouer être passée complètement à côté de ce phénomène qu’est Firefly. Je n’utilise volontairement pas le passé dans la phrase précédente, car non, je ne peux toujours pas croire que la Fox ait pu saboter une telle série (en la diffusant dans le désordre) et ne l’ait pas renouvelée.

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Firefly, ça a été un peu la découverte de mon été. Une amie m’a prêté les DVD en m’assurant une mort lente et douloureuse si 1. Je n’aimais pas et 2. Je ne lui rendais pas les DVD et partais avec. Tant d’enthousiasme et de sérieux m’ont quelque peu surprise.

Ce que je pensais trouver
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Jayne (Adam Baldwin), porte-flingue du Serenity. Ne surtout pas se moquer de son chapeau.

Pas grand chose : quand Firefly est sorti, j’avoue que ça m’est largement passé au-dessus de la tête. Alors, quand je suis allée lire le synopsis, je n’ai pas vraiment compris : c’est quoi, un énième Albator ? Avec des pirates de l’espace qui combattent pour la liberté ? Sommes-nous à bord du Faucon Millenium ? Je dois avouer m’être largement plantée. Si effectivement, l’idée de base semble assez bateau, de la contrebande dans l’espace et une méchante Alliance (une fédération, un gouvernement central), on quitte bien vite le postulat noir et blanc. Le propos n’est pas forcément de savoir comment se débarrasser de l’Alliance, mais d’y vivre quand on s’est battu contre. La phrase du héros qui résume le mieux cet état d’esprit ? « Nous étions dans le camp perdant de la guerre. Je ne suis toujours pas sûr qu’il s’agissait du mauvais camp ». Ainsi, certains membres de l’Alliance ne sont pas des monstres terribles, laissant s’enfuir Malcolm Reynolds et son équipage, contrairement à certains autres individus mafieux comme le terrifiant Adelei Niska (Michael Fairman) qui pratique la torture comme un jeu, ou des villageois qui brûlent des sorcières. Il n’y a pas non plus « d’extra-terrestres » dans la série, ce qui permet d’éviter les monstres de latex.

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Le Serenity, un vaisseau de classe Firefly

Du kitsch : une série dans l’espace ? Forcément, il y a du kitsch. Mais Josh Whedon l’utilise de façon intéressante, car il joue beaucoup avec la qualité de l’image et des coupes plutôt audacieuse. J’ai même cru que le DVD avait sauté dans le premier épisode. L’image peut sembler parfois grainée, mais ce ne sera jamais non plus au point d’un film grindhouse. En regardant cette série, on a vraiment l’impression que Whedon a voulu expérimenter des cadres et des coupes. Si ce style s’affirme au fur et à mesure de la série et a parfois des ratés, il est vraiment assumé, agréable et réussi, surtout au dernier épisode. Une raison de plus pour laquelle il est dommage qu’il n’y ait eu qu’une saison.

Nathan Fillon : Je ne connaissais cet acteur que dans Buffy contre les Vampires, autant dire qu’il ne partait pas avec un capital sympathie très élevé. Je sais, il ne faut jamais mélanger le rôle et l’acteur mais bon. Et là il passait d’un méchant à un gentil, alors autant dire que j’étais vraiment sur la réserve.  Et… eh bien, je me suis trompée. Nathan Fillon est un acteur qui m’a beaucoup surprise dans la série. Il est bien plus adulte, une mâchoire carrée et une carrure qui rappelle les cow-boys d’antan. Et un jeu tout en clair-obscur, un « gentil » Malcolm Reynolds qui n’hésite pas à tuer, un homme entier avec une profondeur et des nuances, un cynisme, un personnage bien plus complexe et intéressant que le rôle misogyne et fou de Caleb.

Une série qui ne vaut que par son fandom : en voyant le phénomène sur Internet, je me suis dit que cette série ne vaudrait que par son fandom et l’aura qu’elle a su générer, avec entre autres les blagues dans The Big Bang Theory ou Community, les références faites par Nathan Fillon dans Castle. Une série qui ne vaudrait pas par son histoire mais par ce que les téléspectateurs en ont fait. J’ai eu tout faux. La série a une narration solide, elle a su développer un univers graphique et scénaristique bien à elle et si elle a gagné ses galons de série culte, c’est avant tout parce qu’elle était de qualité.

Ce qu’on avait oublié de me dire

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La qualité des dialogues : Que Joss Whedon soit un dialoguiste de génie, tout le monde le sait. Mais dans Firefly, c’est encore plus exacerbé. Chaque ligne est écrite en accord avec le personnage qui la prononce, chacun a ses tics de langage, ses déclarations ubuesques… Certains mots et expressions ont été inventés mais n’ont pas besoin d’être expliqués (« gorram »!). Le chinois se mélange à l’anglais, c’est drôle, parfois grave, il y a des silences, le tout géré avec maestria.

Une série féministe : si Whedon sait écrire des personnages féminins, c’est plus particulièrement le cas dans cette série. Si River (Summer Glau) est au coeur de l’intrigue, jeune adolescente torturée par l’Alliance, chacune à sa personnalité propre, ne court pas forcément après un mari, tente de survivre dans l’espace… Et chaque femme possède une sexualité propre.

Whedon met en place un monde où la prostitution est légale, par le biais du personnage de compagnon d’Inara Serra (Morena Baccarin). Cette dernière doit se battre au sein même du vaisseau pour faire reconnaître son métier, qu’elle défend fièrement. Certes, elle se définit comme différente des autres « prostituées » qui, elles, ne sont pas défendues et protégées par la société. C’est peut-être le personnage et le message sous-jacent de la série qui m’a le plus surprise. Même lorsqu’elle a affaire à un « mauvais » client, elle part la tête haute, lui interdisant à jamais l’accès à d’autres compagnons. Joss Whedon invente un « syndicat » de prostituées qui protège et encadre la profession, tout en respectant ses travailleurs, sans nier les difficultés de reconnaissance de ces compagnons.

À côté d’Inara, il y a Kaylee (Jewel Staite), fleur bleue qui aime s’amuser. Malcolm Reynolds la rencontre et l’embauche alors qu’elle couche avec son mécanicien. Et elle lui prouve alors qu’elle s’y connaît mieux que quiconque quand elle a les mains dans le cambouis.

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Kaylee, Zoë, River et Inara, le quatuor de femmes à bord du Firefly.

Pour finir, nous avons Zoë (Gina Torres). Ancienne militaire, femme d’action, bras droit de Malcolm et femme mariée (au pilote). Sans que Wash (Alan Tudyk), son époux, n’y retrouve réellement à y redire, sauf crises de jalousies occasionnelles qui se révèlent plutôt intéressantes, humaines et parfois drôles. Sans compter que Zoë est noire et Wash blanc, et il reste assez rare de voir des couples mixtes à la télévision.
Donc, des femmes qui ont une sexualité, et sont de plus à parité dans l’équipage. Et s’il y a les habituelles romances à bord du vaisseau, le Serenity, nous avons les points de vues et les hésitations des deux sexes.

Une musique géniale : Firefly, c’est aussi un univers musical. Dans le genre western, je demande violons, airs entrainants et n’oublions pas le générique de départ, une chanson écrite par Joss Whedon et chantée par Sonny Rhodes. Un crissement d’archet au décollage du vaisseau, un air entrainant quand River se met à danser… Bref, le côté far west est assumé, et donne plus de profondeur à l’histoire, en même temps qu’un côté décalé au space opera.

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Un univers : Whedon n’a peut-être pu faire qu’une série et un film, il n’empêche qu’il a posé les bases d’un univers complexe. Il avait tout de même imaginé une série en sept saisons ! Alors, qu’il s’agisse de l’entreprise Blue Sun, omniprésente, des modes de vie des compagnons ou de la hiérarchie de l’Alliance, il en reste pour tous les goûts et toutes les spéculations. Whedon sait aussi faire les méchants : dans Firefly, nous avons les Reavers. Imaginez des cannibales fous qui violent, tuent et écorchent leurs victimes pour se faire des vêtements de peau (et pas forcément dans cet ordre). Ce sont ces méchants, ces lignes d’univers qui n’ont pas eu le temps d’être développés qui ont donné naissance à une mythologie et au mouvement « Browncoats » (surnom des fans de Firefly) dans le monde entier.

Ce que j’en ai pensé de l’unique saison et du film (SPOILERS)

Le problème de Firefly, c’est que c’est bien trop court. Une saison seulement de quatorze épisodes, et la série a été annulée. Les fans ont réussi à faire suffisamment de ramdam pour que Joss Whedon puisse faire un film (Serenity, du nom du vaisseau de Malcolm Reynolds) et conclure en partie les interrogations soulevées dans la série.

Film Title: Serenity.

Saison 1 : Nous suivons les aventures de l’équipage du vaisseau Serenity, sous la houlette du capitaine Malcolm Reynolds. Dès le premier épisode sont embarqués un homme, Simon, et son mystérieux « colis » : sa sœur River, folle, et qui est recherchée par la fédération. Au fur et à mesure, on découvre qu’elle a été lobotomisée et entrainée comme un super-soldat. En parallèle, l’équipage essaye de survivre aux bandes de Reavers, en travaillant de façon plus ou moins honnête, atterrissant sur des planètes sauvages et d’autres plus civilisées. Il s’agit de rester en vie, même lorsque des désaccords éclatent ou que Malcolm doit régler une affaire d’un coup de pistolet. Un équipage éclectique où un prêtre, deux anciens militaires, une prostituée de luxe, une mécano et un porte-flingue apprennent à cohabiter. Joss Whedon devra se battre contre la Fox pour imposer sa vision du personnage principal qui tue un homme de sang froid et sans aucune hésitation dès le premier épisode.  Si la série a été annulée, elle a développé un univers suffisamment riche et original pour que, même douze ans après, elle reste un vrai plaisir à regarder.

Affiche

Le film Serenity : Ce film est censé clôturer la série. Et c’est difficile. Bon, au moins, ça ne nous fait pas le coup de Deadwood. Mais quand même. Serenity explique pourquoi River est autant recherchée par l’Alliance, qui sont les Reavers (dont le nom sonne comme le prénom de la jeune femme) et quel sera l’avenir de l’équipage du Serenity… dont le décès d’un membre principal de celui-ci. Oui, mais bon, il a fallu faire tout ça en deux heures. Et donc, il manque un peu de profondeur. Après, les réponses apportées sont intelligentes et glacent le sang, les scènes d’action sont très bien ficelées et filmées… Un très bon : « On a fait ce qu’on peut avec ce qu’on nous a donné ».
Résultat, mon amie (avec beaucoup, beaucoup de fans, sachant que certains ont calculé précisément pourquoi le-dit personnage ne pouvait pas être mort) a décidé qu’il n’y avait eu aucun décès à bord du vaisseau. Pas dans la mythologie de Firefly. Joss Whedon a lui-même déclaré que ce rôle majeur n’aurait pas été supprimé si la série avait continué. Alors, après tout, c’est la Fox qui l’a tué en annulant la série.

Firefly continue d’enflammer les imaginaires et la toile, sous d’autres aspects. En effet, l’un des moyens de continuer à vivre à bord du Serenity, est de le faire par le biais de un comics. La dernière série, dont la parution a débuté en janvier de cette année, permet de savoir ce qui se passe après le film… Et si vraiment on en veut plus, nous dirons qu’il restera toujours les fanfictions ou les panels de la Comic Con.

Bref : western + space opera + Whedon ? Comment ai-je pu vivre sans cette série jusqu’à présent ? Et depuis, je m’engage sur le vaisseau des Browncoats avec la foi des nouveaux convertis, cherchant des bribes d’indices sur ce qu’aurait pu être la suite en regardant à nouveau la série. Shiny.

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