Découvrir… Jessica Jones (Saison 1) après tout le monde

Découvrir… Jessica Jones (Saison 1) après tout le monde

Note de l'auteur

Loin de l’actualité séries, Découvrir une série après tout le monde vous propose de replonger dans certaines œuvres à côté desquelles l’auteur de ces lignes était passé pendant leur diffusion. Preuve, s’il en fallait une, que le sériephile peut vivre autrement que dans l’instant présent.
Alors que la série de son amant, Luke Cage, se pointe à l’horizon de septembre et que Les Défenseurs attise toutes les curiosités, Jérôme a réussi à lever son nez de ses BD pour s’intéresser aux aventures de la détective new-yorkaise et a découvert, après tout le monde, Jessica Jones.

 

jessica-jones-5Découvert, découvert, ça va hein, je connais Jessica. Je dirais même plus, je suis amoureux de Jessica. Pas à la manière de l’autre tordu habillé en violet. Non ! D’une manière douce et romantique. Je me rappelle de ces longues soirées d’hiver où le feu crépitait dans la cheminée, un bon whisky reposait dans un verre sur une petite table. Confortablement assis dans mon fauteuil, ne craignant pas le froid, je tenais Jessica dans mes bras et tournais lentement les pages de ses aventures.

Sous le nom d’Alias, la série de Brian Michael Bendis et Michael Gaydos fut une des petites merveilles du début du XXIe siècle. Avec une œuvre à la croisée de la BD underground et du comics mainstream, le scénariste allait définitivement poser son empreinte sur l’univers Marvel pour le meilleur (Alias donc, mais aussi Daredevil) et le pire (New Avengers), voire le très mais alors très pire (Age of Ultron) ou même encore le pire que même le caca n’est pas aussi mauvais (Secret Invasion). Enfin bon on en restera là, car la liste est longue (All-New X-Men) et parce qu’on va plutôt parler (Uncanny X-men) des bonnes choses, j’ai dit !

 

Il faut que je vous fasse un aveu, je n’aime pas les adaptations de comics à la télévision. « Hoooooooo ! » dites vous d’un air triste et peiné. En fait, ce n’est pas vraiment ça. J’adore les séries animées Batman, Superman, Justice League ou Young Justice, j’aime la série Batman des années 60, j’ai une petite pointe de tendresse pour Lois & Clark : Les Nouvelles Aventures de Superman, je me suis éclaté devant les épisodes de Wonder Woman et de Hulk et j’aime la première série Flash. Mais il faut bien le dire, les adaptations de comics actuelles ne m’intéressent guère. La faible qualité de ce que j’ai pu me mettre sous la dent fait qu’au final, je préfère en rester à la source originelle. Alors, rassure-toi lecteur, je ne doute pas qu’Arrow c’est super et j’avoue être, de temps à autre, agréablement surpris quand je vois de loin ce que propose Flash, mais tout cela ne peut compenser les aventures ennuyantes de Rick Grimes et sa bande de morts-vivants pour ne prendre qu’un exemple tristement célèbre.

 

jessica-jones-4

Donc Flash, DC’s Legends of Tomorrow, Arrow, Preacher, Walking Dead, Gotham etc. je m’en fiche. Sauf… Daredevil. Ah ça, je l’attendais cette série, j’y croyais et la déception fut à la hauteur de mes attentes. Alors très franchement, je n’avais plus du tout envie de remettre le couvert et question séries, je préférais continuer mon escapade à Dillon, faire découvrir la station Deep Space Nine à ma femme, archiver les cold cases, arpenter Ripper Street, enquêter avec Saga Norén ou bien découvrir la merveilleuse vie de Larry David.

Mais il faut avouer que Jessica était restée dans un coin de ma tête. Ce ne sont pas tant les bons échos, dont l’unanimité me rend toujours méfiant, que la manière d’adapter une série caractérisée par son décalage vis-à-vis de l’univers Marvel qui m’intriguaient. Mais bon, si c’est pour me retrouver face au même défilement d’épisodes soporifiques de l’avocat aveugle, ce n’était pas la peine. Et puis me voilà, désœuvré, en une fin d’après-midi après avoir finir d’écrire un texte sur une BD mortelle, celle qui parle d’une détective qui tente petit à petit de reconstruire sa vie et je me dis que bon, un épisode ce n’est pas ça qui va me tuer. Treize épisodes plus tard me voilà conquis.

 

Ce que j’étais curieux de découvrir

jessica-jones-8Le travail d’adaptation. Lors de sa parution en 2001, la particularité du personnage de Jessica Jones (et par extension du comics Alias) est d’être à la fois un nouveau personnage pour le lecteur tout en étant déjà une figure installée depuis des années au sein de l’univers Marvel. Jessica a ainsi un passif lié à la communauté super-héroïque et particulièrement aux Avengers. Une partie de l’intérêt de la série se trouve alors dans la vision très cynique d’un microcosme, par une femme qui en a fait partie. Fortement passionnante, cette approche tient cependant pour acquis que le lecteur a une connaissance suffisante de cet univers. Même si quelqu’un n’ayant jamais ouvert de sa vie un comics Marvel peut tout à fait apprécier Alias, il est clair que la série de Bendis et Gaydos prend une autre dimension dans les mains d’un lecteur passionné de super-héros.

Ce qui fait un des attraits de la bande dessinée se révèle toutefois une problématique capitale dans le cadre d’une adaptation télévisuelle qui va cibler un plus large public. Comment mettre en scène les aventures d’une ancienne super-héroïne qui a tapé sur la tronche des méchants aux côtés de super-héros établis depuis des années comme Thor ou Iron Man, quand l’univers Marvel cinématographique en est lui-même à ses propres débuts ? Je vous l’avoue c’était ma grande interrogation et je dois bien dire que la simplicité de la réponse m’a enchanté.

jessica-jones-6Devant résoudre ce qui s’apparente à une sorte de nœud gordien, Melissa Rosenberg décide de le couper de façon nette et sans bavure. Tout le discours super-héroïque et le lien entre Jessica et les autres super-slips passent (quasiment) à la trappe. Honteux ? Irrespectueux ? Bien au contraire. Partant du principe qu’une bonne adaptation est avant tout une question de compréhension des fondamentaux d’une œuvre et non du respect de son décorum, la scénariste devine très rapidement que la clé de voûte d’Alias réside dans cette femme brisée qui tente de se reconstruire au fil des jours. Sans que cela soit une perte, Rosenberg met de côté l’angle super-héroïque et fait de la relation entre Kilgrave et Jessica Jones l’épine dorsale de cette première saison alors qu’elle n’était que le sujet des derniers épisodes du comics.

De fait, ce recentrage permet de mettre Jessica au centre de l’échiquier et de la faire aimer des spectateurs, tout comme elle fut appréciée des lecteurs de la bande dessinée. Non seulement la connaissance de l’univers Marvel n’est plus un pré-requis, mais cela permet en plus aux scénaristes de concevoir une histoire prenant en compte les avantages du format série et de ne pas avoir à jouer avec les contraintes liées au comics. Non seulement Jessica Jones est une excellente adaptation mais elle est aussi une très bonne série balayant tout du long des épisodes les craintes que je pouvais avoir.

 

Ce que je redoutais

Un Daredevil bis. Me farcir de nouveau une origin story mal dégrossie et construite comme un long film de plus de dix heures, tel n’était pas mon désir le plus cher quand j’ai commencé à regarder les aventures de la détective privée à la super force. Jessica Jones prend le contre-pied d’une majorité d’adaptations de séries super-héroïques en laissant de côté les origines du personnage pour raconter sa renaissance. Métaphore simple mais efficace de la reconstruction d’une personne après un grave traumatisme (et plus particulièrement de la reconstruction d’une femme après un viol), la série se repose sur une structure qui a fait ses preuves et qui représente un certain idéal de narration pour l’auteur de ces lignes. Jouant habilement avec ses multiples arches narratives s’entrecroisant régulièrement, la série Jessica Jones est un passionnant feuilleton dont chacun des treize épisodes représente une brique indispensable à l’édifice tout en étant intéressant indépendamment. Je prends pour exemple AKA 99 Friends (Jessica Jones 1.04) et sa cliente un peu timbrée cherchant la vengeance suite à la mort de sa mère.

 

Ce qu’on ne m’avait pas dit
Who is the man that would risk his neck For his brother man?

Who is the man that would risk his neck
For his brother man?

Luke Cage et Nuke. Bande de cachottiers, vous vous étiez bien gardés de me parlez d’eux. Bon, pour le premier, ce n’est pas une surprise. Sachant que le personnage fait également l’objet d’une adaptation télévisuelle et connaissant son importance dans la vie de Jessica Jones, il était certain que celui-ci serait présent. Il faut dire aussi que même quand on tente de faire un blocage sur les infos, il y en a toujours qui arrivent à vous. Donc Luke Cage, c’est bon j’étais au courant, mais par contre pourquoi personne ne m’a prévenu qu’en plus d’être canon et d’avoir une voix grave à faire mouiller les frifris et exploser les braguettes, il incarne la coolitude ultime grâce à un mélange de sagesse et de calme assuré. Dans la famille « acteur parfait pour le rôle » je demande et redemande Mike Colter. Et puis, il y a Wil Traval. Là, je dois avouer que je fus totalement surpris. Son personnage est déjà intéressant. Il représente une figure officielle, victime de Kilgrave et sa relation avec Trish a de quoi ravir les cœurs tendres comme le mien. Et voilà qu’au détour d’une scène, on découvre son passé et son addiction pour les petites pilules bleues et rouges. Nuke !? Alors là, je dois dire que je ne m’attendais pas à trouver une des créations de Frank Miller pour le chef-d’œuvre Daredevil – Born Again. Personnage victime de son patriotisme sauvé par Daredevil, Nuke devient ici un antagoniste intéressant et un électron libre surprenant dont le potentiel sera, je l’espère, utilisé dans la deuxième saison.

 

Et j’allais oublier

jessica-jones-3Un David Tennant remarquable. Ce qui n’est guère étonnant, mais il faut quand même saluer sa prestation et la dimension à la fois terrifiante et répugnante qu’il a apportée à un personnage secondaire de l’univers Marvel.

Un décor convaincant. Après le jaune pisseux, les dizaines de caves obscures et les nuits interminables de Daredevil, cela fait du bien de voir une histoire se dérouler en plein jour et dans une variété suffisante d’environnements pour donner à la série un certain cachet. On croit à ce New York, on y est. On est dans cette foule, on parcourt ces rues et ces allées. On vit dans ces immeubles et ces appartements peu reluisants.

Des personnages secondaires utiles. On l’oublie souvent mais l’environnement « humain » des super-héros est souvent la source pour créer un bon univers. Que ce soit l’avocate Jeri Hogarth, le paumé Malcolm Ducasse, Trish Walker, Wendy Ross ou bien encore Robyn et Ruben, tous sont très bien écrits, tous participent à l’évolution de l’histoire à un moment ou un autre et ne s’avèrent jamais unidimensionnel.

 

jessica-jones-9De remarquables portraits de femmes. Et ça fait quand même chier qu’encore aujourd’hui ce qui devrait être normal soit considéré comme un atout pour une série. Cela même si le propos de la série (une femme luttant contre la domination et le contrôle d’un homme) fait qu’on ne peut évidemment pas mettre de côté l’aspect féministe de l’œuvre.

Luke Cage. Oui encore parce que bon quand même c’est un effet spécial à lui tout seul ce mec.

jessica-jones-11

 

Ce qui fait qu’à cause de lui, et à cause du plaisir pris à la vision de cette première saison de Jessica Jones, je ne risque pas de passer à côté de la prochaine série Netflix/Marvel consacrée à Power Man (nom de super-héros de Luke Cage). J’en suis même à me demander si je ne redonnerais pas une chance à Daredevil et ne me plongerais pas dans la seconde saison de la série. Cela, malgré la présence de Jon Bernthal. L’occasion de découvrir après la bataille ce Punisher dont tout le monde me dit tant de bien.

Partager