
Des faux pas qui collent à la peau (Not a Hero)
Après OlliOlli 2, Roll7 démontre sa bonne santé en enchainant avec Not a Hero, une nouvelle production Devolver Digital, les rois du pétrole en ce qui concerne les jeux indés, surtout connus pour avoir lancé un certain Hotline Miami. Depuis, les bougres récupèrent et éditent de multiples projets tout en restant solidement ancrés dans une patte qui leur est propre, le jeu indé hardcore et souvent sans pitié. Not a Hero fait bien partie de cette catégorie.
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Le jeu de Roll7 vous met dans la peau de Steve, le porte-flingue de BunnyLord, un candidat aux élections de la mairie. Étrange personnage à tête de lapin, Bunnylord s’est mis dans la tête que pour assurer sa victoire, il fallait éradiquer violemment tous les malfrats de la ville, afin d’avoir les faveurs du public, et au passage s’en mettre plein les poches. Chaque mission est ponctuée d’un petit briefing cinglant et souvent drôle, dans lequel Bunnylord fait l’apologie de la violence et n’hésite pas à révéler sa face cachée sordide (il déteste les enfants mais pour être maire, il n’a pas d’autre choix que de les aimer). Évidemment, tout ça est à prendre au 36ème degré. Au fur et à mesure de l’aventure, Steve le mercenaire (le personnage de base) se verra accompagné de plusieurs autres personnages jouables avec chacun leur caractéristiques, ce qui permet aux développeurs de se lâcher dans les caractères de ces « héros ». Entre l’assassin grabataire qui se déplace avec son déambulateur mais qui est silencieux comme la mort et le gamin des banlieues qui range ses munitions dans sa coupe afro, il y en a pour tous les goûts. On se permet même quelques petites références, comme un Jesus hispanique dont le déhanché du bassin n’est pas sans rappeler celui de The Big Lebowski.
Bénéficiant d’une jolie patte 2D pixelisée qui ne surprendra plus grand-monde aujourd’hui, les 21 missions du jeu sont séparées en trois grandes zones. Not a Hero est un jeu de tir en scrolling horizontal sur plusieurs niveaux. Vous y dirigez votre mercenaire qui doit défoncer les criminels un par un et remplir la mission qu’on lui a fixée. Que ce soit récupérer des xylophones, plaquer des affiches ou tuer des dealers, les objectifs ne sont que de simples prétextes pour traverser les niveaux et tirer sur tout ce qui bouge. Une fois l’objectif rempli, on rejoint BunnyLord qui nous extrait du niveau. Il faudra rajouter à ça trois objectifs annexes (finir le niveau en un temps donné, trouver des objets cachés, …) qui feront gonfler la note de la fin, du « Mayor » au « Megalord ». Le gameplay ne change pas d’un iota d’un bout à l’autre du jeu. Votre avatar a la possibilité de tirer mais aussi de se planquer dans les zones contre le mur afin d’éviter les balles qui arrivent sur vous. Évidemment, les ennemis chercheront à vous déloger en s’approchant petit à petit. A vous donc de tirer rapidement pour repousser les adversaires, sachant qu’un coup de feu sur un méchant alertera tous les ennemis de l’étage (sans compter les petits scripts qui feront apparaître des renforts ou des hélicos). Vu que le rechargement est strictement manuel, le but est d’être constamment en mouvement et de se planquer au bon moment pour recharger en paix. Vous bénéficiez aussi d’une glissade fort utile qui permet d’assommer temporairement un ennemi pour l’achever ensuite, et d’objets explosifs divers et variés à lancer. On aura tôt fait de progresser d’abri en abri, d’autant plus que la touche de glissage et de couverture est la même. On se surprend donc à gérer les déplacements en glissant sans cesse, surtout que votre petite barre de vie se recharge toute seule comme une grande après un certain temps sans prendre de dégâts.
Honnêtement, le premier monde, chez les ruskoffs, est clairement une promenade de santé. Même si on peut jouer dangereusement en s’amusant avec les ennemis, rester planquer et attendre les sbires qui viennent vers vous pour leur tirer dessus est élémentaire. Le deuxième monde, chez les gangstas, est un peu plus compliqué mais pas insurmontable, loin de là. Mais là où le jeu révèle tout son challenge et lorgne clairement du côté d’Hotline Miami, c’est avec le troisième monde, chez les triades. Ici, on ne rigole plus : entre les samouraïs qui vous tranche en un seul coup au corps-à-corps, les ninjas qui se déplacent furtivement pour aussi vous one-shoter et les geishas qui balancent des aiguilles qui font sacrément mal, le jeu devient une sorte de chorégraphie à exécuter à chaque fois que l’on meurt. Malheureusement, là où Hotline Miami atténuait l’effet « die and retry » en relançant immédiatement la partie, Not a Hero possède bien cinq grosses secondes de latence avant de relancer la partie, et fait recommencer tout le niveau en cours. Et vu que dans les derniers niveaux on meurt très souvent, avec des niveaux plus longs qu’auparavant, le jeu se transforme en une frustration assez maladroite et pénible, loin de la frénésie des précédents jeux Devolver.
La glissade de la foi
Il faudra ajouter à ça un choix de gameplay qui n’est étrangement pas assumé jusqu’au bout et qui vaudra au jeu des incompréhensions totales : l’absence de saut. Au début du jeu, le saut est absent et c’est compréhensible puisqu’il n’y en a pas besoin. On glisse, on se planque, on tire. Tout juste passe-t-on par des fenêtres des bâtiments lorsqu’on glisse mais on remarque qu’une chute trop haute provoque la mort du héros. A partir du monde 2, le game design devient assez étrange puisque le jeu force le joueur à passer par une fenêtre pour se laisser tomber et se réceptionner à l’étage en-dessous en traversant la vitre et en se servant du « air-control » du héros dans plusieurs niveaux. Certains niveaux utilisent ce système lorsque les accès sont bloqués ou pour permettre d’accomplir des missions secondaires comme sauver des otages en passant derrière le garde pour le tuer. Le « air-control » cité plus haut est la capacité de bouger son personnage quand il est en l’air. Vu que la gravité lorsqu’on laisse tomber son personnage est complètement flottante, ce système est vraiment hasardeux, et il n’est pas rare qu’on se viande lamentablement parce que clairement, le jeu n’est pas prévu comme un jeu de plate-forme. Pire, vu que la glissade offre une sorte de « boost » au personnage, les derniers niveaux demandent carrément au joueur d’effectuer des « sauts » entre des bâtiments en se servant de la glissade au micromètre près pour réussir à atteindre l’autre côté, sous peine de mourir instantanément et de recommencer tout le niveau (le passage en question étant bien évidemment assez loin dans la mission). Alors pourquoi flamber la difficulté du jeu en cherchant à introduire un aspect du gameplay qui n’est clairement pas développé pour ? C’est comme si on demandait à Mario de courir aussi vite que Sonic alors qu’il n’a jamais eu la capacité de le faire. Là, on demande à un personnage de franchir un précipice sans la capacité de sauter, tout ça pour rajouter de la difficulté de manière extrêmement maladroite. Une aberration, que l’on retrouvait aussi dans leur précédent jeu OlliOlli 2. Les développeurs n’ont pas l’air de savoir comment monter la difficulté autrement qu’en mettant des morceaux de game design débiles et en total contresens avec le reste du jeu.
On ajoutera à ça des déséquilibrages bizarres sur certains personnages comme Samantha, incapable d’assommer des ennemis par la glissade. Vu certains niveaux remplis d’ennemis, le jeu est quasiment impossible à faire entièrement avec elle ou d’autres. Le jeu a également tendance à bugger lorsque votre héros est poussé par un ennemi vers un autre qui fait de même. On se retrouve à faire du flipper pendant cinq minutes entre deux adversaires sans rien pouvoir faire. Gênant ! C’est clairement dommage, parce que sur les deux premiers mondes, on s’amuse vraiment : les munitions spéciales sont bien délirantes (balles qui rebondissent, laser, lance-flammes, roquettes) ainsi que certains bonus (le « cat-bomb », hilarant). Le jeu est diablement fun et rigolo, et certains niveaux, hors débilités de plate-formes incompréhensibles, proposent leur lot de challenges et d’ennemis coriaces. Bizarrement, le jeu en lui-même ne bénéficie d’aucun mode coop, ni de scoring, alors que c’est typiquement le genre de titre à pouvoir en profiter. On se retrouve simplement avec des niveaux et des objectifs annexes à accomplir, ainsi que quelques niveaux cachés si vous arrivez à trouver des portes secrètes. Le jeu se termine rapidement si vous ne voulez pas faire les 100 % (environ trois-quatre heures en galérant bien sur les dernières missions), et se permet même d’être un peu répétitif vu que les niveaux que l’on recommence souvent sont en ligne droite sans grande possibilité de tenter d’autres tactiques. Not a Hero avait tout pour devenir un petit jeu indé franchement excellent. Croisement entre Broforce, Canabalt et Hotline Miami, il se retrouve empêtré dans des choix de gameplay erratiques sur le dernier tiers du jeu et des petits bugs gênants qui ne l’étaient pas toujours sur le début du titre. On se retrouve finalement avec un jeu indé sympathique, mais sans la maîtrise de ses grands frères.
Not A Hero
Développeur: Roll7
Editeur: Devolver Digital
Prix: 13 euros
Not A Hero Launch Trailer par nyrox-x