
Désamorcer le conflit (Loin de chez nous / France 4)
Le format court (entre 25 et 30 minutes) est encore bien trop rare chez nous. C’est pourtant un cadre qui peut s’avérer idéal. La preuve avec la remarquable Loin de chez nous qui débute ce soir sur France 4.
Le troisième épisode s’ouvre sur une image sidérante. Une femme portant un tchadri vert (voile intégral afghan) émerge d’un lac de montagne. On devine plus tard que la scène hante les rêves d’un soldat français, fasciné par la silhouette de l’apparition et les mystères qu’il renferme.
Alors oui, nous sommes Loin de chez nous. Mais que voilà un beau pied de nez à l’heure où les voiles et autres burkinis animent les discours nauséabonds d’une partie de la classe politique.
Nous sommes en décembre 2012. Après dix ans d’engagement, la décision est prise de rapatrier les forces françaises déployées en Afghanistan. Pour témoigner de ce retour, la journaliste Julie Tavin est envoyée auprès d’un des derniers détachements sur place. Seulement voilà, les militaires en question ne sont pas vraiment ravis de la voir débarquer…
Il faut un temps d’adaptation pour bien saisir l’approche de Loin de chez nous. La tonalité surprend car si le jeu de la comédie se met rapidement en place, il va de pair avec une gravité découlant d’une situation peu glorieuse. Celle d’un conflit en plein sables mouvants dont l’armée française n’en est pas sortie victorieuse.
Ce mélange entre comédie et gravité est parfaitement assumé. Il devient même évident, après quelques épisodes, que le grotesque et les blagues potaches sont indissociables d’un processus naturel de décompression pour des hommes confrontés à une situation traumatisante.
L’environnement militaire, justement, est l’une des grandes réussites de la série. Sans alourdir le téléspectateur d’une présentation de hiérarchie, Loin de chez nous utilise la venue d’un personnage extérieur – la journaliste – pour nous introduire dans un microcosme avec ses règles très strictes, ses codes et son langage.
De la même manière, la société afghane et plus précisément pachtoune n’est pas caricaturée. La reconstitution du milieu local témoigne d’un soin tout particulier alloué aux interactions avec les populations civiles, et la série de présenter ainsi une photographie fidèle de la réalité sur place.
Cette précision sert de fondation à l’enjeu principal de Loin de chez nous. Au travers du quotidien de ces hommes dans un milieu inhospitalier, l’auteur (Fred Scotlande) s’attarde sur les vicissitudes du métier, ses angoisses, la vacuité de certaines missions, l’absurdité de la guerre et laisse entrevoir la peur du vide ressentie dès lors qu’il faut envisager l’après.
Toutefois, ces questions n’alourdissent jamais le récit gardant un équilibre idéal entre un fil rouge qui se déploie régulièrement et des saillies burlesques bienvenues.
Assembler le rire et le spleen n’est pas une mince affaire et c’est pourtant ce que parvient à construire Loin de chez nous avec, on le devine, bien peu de moyens. De fait, on ne saurait trop encourager France Télévisions à insister avec la même audace sur ce format.
Le premier épisode est déjà visible sur le site de France 4.
LOIN DE CHEZ NOUS (France 4) Saison 1 en dix épisodes.
Diffusion dès le lundi 19 septembre à 20h55 (4 éps / soirée).
Créée, écrite et réalisée par : Fred Scotlande.
Photographie : Morgan Salaud Dalibert
Avec : Blaise Ba, Bastien Bernini, Damien Bonnard, Paco Boublard, Guillaume Carcaud, Sébastien Lalanne, Charlie Bruneau, Olivier Charasson, Arthur Defays, Gwendolyn Gourvenec, Grégory Montel, Fred Scotlande, Jimmy Kaboul, Hervé Bellech, Jean-Yves Robin, Xavier Mathieu, Tiphaine de Raguenel et Fabrice Scott.
Musique originale de : Eouard Rigaudière, Tom Rosenthal et Gabriel Kadiri.
Petit cours de rattrappage sur l’organe reproductif féminin pour les militaires de « Loin de chez nous » #LDCN 😂 pic.twitter.com/rxJyYtPHSZ
— France 4 (@France4tv) 14 septembre 2016
Visuel : Loin de chez nous © Paul Villecourt / Calt productions.