Devil May Cry 5 : démons et merveilles

Devil May Cry 5 : démons et merveilles

Note de l'auteur

Comme dit l’adage, le démon est au fond de la bouteille. Pas une bouteille de bière frelatée, non, mais plutôt celle d’un whisky sec et légèrement ambrée, se bonifiant avec le temps. Tout comme Dante, ce vieux briscard au cuir rouge, qui revient dans le giron de Capcom après un excellent reboot/spin-off punk et insolent chez Ninja Theory. Une affaire en or pour l’éditeur nippon qui enquille directement ce début d’année après un remake de Resident Evil 2 solide et efficace. Mais après dix ans sans avoir touché à cette chère tête blonde platine, Capcom a-t-il toujours sa hargne d’antan pour botter une nouvelle fois les derrières démoniaques de ce Devil May Cry 5 ?

Spardacus

Rappelons brièvement les faits : Dante, c’est le rejeton de Sparda, un puissant démon qui s’est acoquiné avec une humaine. Une fois adulte, il décide de se lancer dans la chasse aux démons via son agence privée, le « Devil May Cry ». Après avoir découvert l’existence de son frère Vergil dans le troisième volet, il fait connaissance avec Nero dans Devil May Cry 4, lui aussi doté de cheveux blancs et de pouvoirs démoniaques, ce qui le lie à Dante d’une manière ou d’une autre. Retour dans le présent : un mystérieux jeune homme affublé d’une canne et simplement appelé V, débarque au Devil May Cry et demande à Dante de l’aider à vaincre un puissant démon, tandis que Nero, de son côté, part à la recherche du mystérieux guerrier qui lui a arraché le bras. Comme par hasard, une horde de démons attaque la petite ville de Red Grave après l’apparition d’une structure gigantesque au centre de la ville, et les trois personnages vont se réunir pour éclater la tronche du mystérieux Urizen.

Si l’histoire ne brillera pas par ses multiples niveaux de lectures, elle a le mérite d’être d’une clarté à toute épreuve, parlant avant tout aux habitués de la licence. On y retrouve des personnages perdus de vue depuis des lustres, comme Trish ou Lady, jusqu’à même faire des clins d’œil aux fans hardcore comme ce J.D. Morrison qui rappellera des souvenirs aux spectateurs de la série animée. Des easters eggs, il y en a plein : du nom des créatures accompagnant V jusqu’aux différentes armes faisant hommage à certains monstres du passé, Devil May Cry 5 est un vrai petit concentré de la saga. Comme un hommage de presque vingt ans d’histoire condensé dans un seul épisode. Mais le jeu n’oublie pas d’intégrer de nouvelles têtes, comme Nico, une armurière sans pitié mais aussi chauffeur à mi-temps d’un véritable arsenal sur roues. Une camionnette qui devient fort utile quand il faut acheter améliorations et équipements avant un combat de boss. Accessible via une cabine téléphonique, le jeu vous récompensera par une petite cutscene crétine mais géniale pour introduire l’arrivée de Nico dans des endroits de plus en plus incongrus. Mais si cet épisode marque le coup, c’est bien par la présence de trois protagonistes jouables, tous plus stylés et classes les uns que les autres.

Nero Gyro Pocket

Numéro 1 de la liste : Nero. S’il est toujours le petit con de la bande, il fallait bien le distinguer des deux autres pour qu’il s’envole du nid parental et devienne indépendant. Certes, il y avait plus simple que de l’amputer d’un bras, mais cela donne accès à une véritable panoplie de prothèses différentes. Un choix malin qui permet de justifier la présence de la fameuse Nico qui lui fabriquera un nouveau joujou à chaque boss terrassé, ce qui est une bonne entrée en matière pour se faire la main (pardon). Si l’épée et les flingues sont toujours présents pour faire voltiger ses adversaires avant de leur asséner une volée de plomb (avec une fonction Exceed pour ajouter quelques flammèches à ses estocades), ce sont bien ses mains artificielles, les Devil Breakers, qui sont le cœur de ce personnage.

En utilisant la touche associée à ces engins, le joueur pourra allègrement parfumer ses combos de coups ravageurs pour occire les ennemis sur son chemin. La panoplie est nombreuse, et les effets le sont tout autant : quand Overture permet de créer une impulsion électrique ébouriffante, Gerbera permettra de se propulser en un bond vers son ennemi, voire même annuler son attaque en le déclenchant au bon moment, tandis que Punch Line offre un poing détachable avec option fusée, permettant même de grimper dessus pour faire quelques cabrioles dans la face des ennemis. Attention toutefois : une pichenette d’un ennemi durant l’utilisant du Devil Breaker et il se brisera aussitôt, laissant la place au suivant dans la liste. Il n’y a aucune possibilité de switcher en cours de jeu, il faudra veiller à organiser efficacement l’ordre de ses Devil Breakers avant chaque mission. Mais chaque prothèse possède une botte secrète : en appuyant longuement sur sa touche d’attaque, on déclenche par exemple un puissant rayon d’énergie ou bien un coup de poing fulgurant et imparable mais ce dernier recours détruit également l’engin, de même que son autodestruction possible, plus rapide mais moins efficace. Une sacrée bonne pioche que Nero, qui a profité de ces quelques années pour se distinguer de Dante, et de forte belle manière.

V ta vie de vinaigrette

Second pilier de cet épisode : V. Le petit nouveau de la bande est peut-être le plus atypique puisque ce brun ténébreux recouvert de tatouages ne combat jamais directement. Ce sera le rôle de Shadow et Griffon, respectivement une panthère noire et un volatile ombrageux. Ces deux familiers peuvent être invoqués quand on le souhaite, se substituant aux touches habituelles des attaques au corps à corps (Shadow) et à distance (Griffon). Chacun possède sa propre barre de vie, et doit se recharger une fois à terre, laissant V à la merci de la hargne de ses adversaires. Étonnamment, ça marche divinement bien. On jongle entre les deux coéquipiers pour attaquer à distance, chargeant une ligne de foudre avec Griffon avant d’alterner avec les attaques transformistes de Shadow. L’impression de dominer le combat de loin, comme un méchant sur sa falaise, est palpable. À une différence près : V est obligé d’achever chaque ennemi avec sa canne (et donc de se rapprocher du conflit) pour clôturer définitivement le combat.

Une fois la barre de Devil Trigger pleine, une simple pression sur la gâchette permet d’invoquer Nightmare et de retourner la situation en combat. Nightmare, c’est une espèce de golem capable de déchaîner l’enfer avec lasers tournoyants et uppercuts surpuissants, jusqu’à ce que sa jauge se vide toute seule. Une friandise souvent bienvenue permettant de se sortir d’un mauvais pas, voire même d’ouvrir des passages secrets lorsque Nightmare débarque dans l’arène en écroulant un pan entier de bâtiment et libérant l’accès à une zone cachée. Du trio principal de ce Devil May Cry 5, V est peut-être le personnage le plus simple à appréhender puisqu’il demande surtout d’être attentif à ce qui vous entoure plutôt que de maîtriser vos combos. Mais cela n’enlève en rien le petit plaisir à contrôler ce nouveau venu.

Dantiste à temps plein

Enfin, achevons ce tour de table par le meilleur d’entre tous, le patron des patrons : Dante. Le bougre sait se faire attendre puisqu’il faudra patienter jusqu’à la moitié de l’aventure pour le voir débarquer dans une introduction aussi tonitruante que prévue. Jouable depuis le premier épisode de la série, il montre à quel point la saga n’a pas pris une ride et se pose en digne héritier des opus précédents, laissant de côté la montée en puissance habituel pour tout balancer dès le début. Difficile de faire un tour complet de la palette de possibilité qu’il offre, tellement son arsenal et ses styles disponibles permettent les mélanges les plus improbables. Dante pourra user de son fameux combo Rebellion/Ebony & Ivory pour racler les démons au visage avant de leur coller quelques bastos dans le buffet, mais on peut compter également sur Balrog et ses combos pieds et mains enflammées ou encore la fameuse Cavaliere, une moto découpée en deux dont les roues pourront vrombir sur vos adversaires à chaque coup porté.

En plus des habituelles armes à feu, on compte également un lance-roquettes et un chapeau démoniaque, le Dr. Faust, capable de faire du dégât en misant vos démonites rouges à vos risques et périls. Mais ce n’est pas tout ! Puisqu’en digne héritier de Devil May Cry 3, Dante peut switcher entre quatre styles différents suivant votre affinité avec une manière de jouer particulière. Swordmaster fera la part belle aux passes d’armes, déverrouillant des coups supplémentaires sur toutes les armes au corps à corps, Gunslinger privilégie les armes à feu, octroyant également des techniques inédites, Trickster permet aux aficionados des esquives de se déplacer rapidement voire même de se téléporter et enfin RoyalGuard donne au joueur l’occasion de bloquer n’importe quelle attaque avant de balancer un contre, une fois la barre remplie, pour des dégâts renversants.

Avec tout ça, Dante est sans conteste le personnage le plus complet de cet épisode, pouvant s’adapter à tous les styles de jeu avec une propension aux joueurs émérites de varier les styles ou les armes en cours de combo pour laisser parler la créativité. Chacun des personnages peut débloquer des améliorations et de nouvelles compétences en échange de démonites rouges, facilitant encore plus la progression. DMC 5 est tellement généreux avec le joueur que chaque mission sera l’occasion de tester un nouveau mouvement, un nouveau coup, qui sera toujours surprenant et fun à utiliser. Le jeu ne présentant pas beaucoup de challenge sur le premier run tout en étant très généreux en vies supplémentaires, les amateurs de beau spectacle repartiront pour un second tour s’ils veulent profiter au maximum du panel intégral de coups, surtout en sachant que les modes de difficultés supplémentaires modifient l’emplacement des ennemis.

Make me Cry

Si Devil May Cry 5 est impeccable sur son gameplay, profitant de somptueuses animations rendant justice à la chorégraphie des combats, il faudra un petit temps d’adaptation en ce qui concerne l’attribution des touches sur la manette. Le ciblage en gâchette haute n’est pas forcément une très bonne idée, surtout quand l’utilisation des Devil Breaker ne peut se faire que sans cette fonction, sans quoi Nero continuera d’attirer les ennemis avec son grappin. Un coup à prendre quand on est entouré d’une bande de démons. Même son de cloche pour l’esquive, placé sur la touche Croix alors que l’amateur du genre ayant terminé Bayonetta est plus habitué à la gâchette basse. Un menu défaut corrigeable facilement dans les options, et que l’on pardonne facilement.

Ce que l’on pardonne moins en revanche, c’est la variété des environnements traversés. Autant le RE Engine fait des merveilles dans la plupart des cas, notamment sur les personnages tous aussi splendides les uns que les autres, autant les décors sont loin d’être inoubliables, la faute à des choix esthétiques souvent douteux. Le mobilier urbain ressemble au tout-venant du blockbuster japonais, et il est difficile d’y voir un charme particulier. Ici, en alternant les ruines de boulevards étriqués et les constructions démoniaques génériques, le level design fait ce qu’il peut pour proposer un peu d’originalité mais se retrouve le plus souvent à enchaîner simplement les arènes. Comme l’action est presque omniprésente, on n’y fait jamais vraiment attention, mais l’esthétique gothique du premier volet nous manque un peu. La caméra elle aussi fait parfois des siennes, mais les rares cas où elle fait réellement défaut se comptent sur les doigts de la main, surtout avec la possibilité de donner plus de recul pour s’éloigner du personnage.

Terminons par le scénario et l’écriture du titre, jamais bien loin de la vulgaire série B bas de gamme. Mais Devil May Cry 5 n’est pas un jeu où la faiblesse de narration limite l’intérêt de son histoire, elle est plutôt là comme prétexte pour habiller les personnages et leur donner de la couleur. Si Dante confirme son rôle paternel un peu cool envers un Nero toujours aussi énervé, c’est Nico qui sort son épingle du jeu. Jeune femme qui n’a pas froid aux yeux et toujours d’un optimisme à toute épreuve, elle illumine les séquences de sa verve et sa légèreté sans omettre un peu de vulgarité gentillette propre à la série. Heureusement d’ailleurs, quand on voit le rôle anecdotique de Trish et Lady, donnant l’impression d’assurer le quota féminin. Signalons également la présence sur l’édition collector de séquences live reprenant toutes les cinématiques du jeu avec un goût pour le kitsch assumé. Une vraie bonne idée qu’on aurait aimé retrouver en bonus de base et pas pour quinze euros de plus.

Si Bayonetta 2 avait su confirmer son énergie et son accessibilité au sein d’un gameplay basé sur l’esquive et l’excessivité, Devil May Cry 5 préfère le beau geste et la technicité mais assume son héritage en proposant un beat’em all exigeant et incroyablement généreux. Pas moins de trois personnages totalement différents se tirent la bourre, et un seul aurait suffi à remplir un épisode entier. Le gameplay pointu, la classe folle et le plaisir de jeu de chacun de ces héros font de cet épisode le nouvel porte-étendard de la saga qui, à de rares occasions (merci l’épisode 2) n’a jamais véritablement déçu. Des décors redondants et une maniabilité un peu complexe peuvent ternir le tableau mais pour l’amateur de combat stylé, c’est du pur caviar.

Devil May Cry 5
Développeur : Capcom
Éditeur : Capcom
Prix : 60 euros
Plate-formes : PS4  / XBOX ONE / PC

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