
Diagnostic émotionnel (Dr. Foster / D8)
A priori, il n’y a rien de plus classique qu’un thriller autour des soubresauts de la vie de couple. C’est pourtant l’emprise de cette série anglaise qui surprend de bout en bout d’une courte saison à voir, dès ce mardi, sur D8. Malgré une approche formelle très classique, Doctor Foster offre à Suranne Jones – dans le rôle titre – l’occasion de délivrer une performance proprement bouleversante.
Le docteur Gemma Foster est à la tête d’un cabinet médical implanté au sein d’une commune anglaise de taille moyenne. En plus de cette situation professionnelle enviable, elle mène une vie familiale bien rangée, avec mari et fils adorables, tout du moins en apparence. Car, entre deux consultations, Gemma trouve un long cheveu blond (qui n’est pas le sien bien sûr ; elle est brune) sur l’écharpe de son mari…
Ce titre de Dr. Foster pouvait faire croire à un drama médical. Il n’en est rien et la série de trouver là un rapprochement avec Happy Valley. Toutes deux affichent un titre désarçonnant et ont en commun une actrice principale expérimentée (Sarah Lancashire et Suranne Jones donc) aux parcours pas si éloignés (elles ont chacune participé à Coronation Street et Doctor Who par exemple). Enfin, ces séries ont été créées par des scénaristes ayant fait leurs armes à l’écriture pour le théâtre et nous verrons, en l’occurrence, que cela a son importance.
Dr. Foster a justement été imaginée par Mike Bartlett. Le dramaturge anglais est relativement jeune (35 ans) mais ça ne l’empêche pas de bien connaître son sujet. En effet, bien qu’il s’agisse là d’une œuvre de fiction, il ne cache pas s’être inspiré des mésaventures de divers couples de son entourage. Et si le contexte est très convenu, le point d’inflexion qu’il développe est moins courant dans la production actuelle. (Je n’entre volontairement pas dans les détails ici afin de ne pas dénaturer la surprise du lecteur).
De manière assez synchrone, la mise en scène s’astreint également à une certaine simplicité. La photographie est naturaliste et les plans sont à la limite du barbant. C’est tout juste si l’on remarque un dynamisme du montage, phénomène qui va s’amplifier au fur et à mesure que la saison s’écoulera et ainsi relever notre perception d’ensemble.
Ce choix de départ minimaliste étonne, notamment à l’heure où les formats anglais succombent sans réserve à une esthétique – souvent froide et bleutée – en provenance du polar scandinave. Néanmoins, Dr. Foster n’échappe pas complètement à l’influence nordique grâce en particulier à l’accompagnement d’une musique signée du danois Frans Bak (Forbrydelsen, The Killing, Lilyhammer, Disparue).
Mais la grande force de Dr. Foster est, de fait, son personnage principal. Bartlett la fait vivre avec un mélange permanent de conviction et de fébrilité, de joie et de tristesse. Ce basculement incessant – véritable casse-tête de l’acteur – se matérialise grâce au travail d’une actrice au sommet de son art. Suranne Jones est non seulement chargée d’une émotion à fleur de peau, mais elle touche au sublime en y adjoignant des fissures presque imperceptibles qui viennent interrompre, presque à son corps défendant, les poses d’une femme qui tente de masquer son désarroi. Du reste, cette performance lui a valu un Bafta plus que mérité le mois dernier.
Vous l’avez compris, sous une blouse de médecin ordinaire se cache un portrait de femme touchant et inattendu si l’on considère la nature classique du sujet de départ. En se gardant bien d’en révéler la teneur, le dernier épisode impressionne par une scène d’une férocité rare lors d’une mise en place des plus simples. Dr. Foster fascine ainsi par ce caractère théâtral parfaitement assumé qui accompagne son récit jusque dans ces derniers retranchements.
La BBC, portée par des audiences de diffusion conséquentes, mise pourtant sur une deuxième saison que l’on n’attend pas forcément après les cinq épisodes. Toutefois, retrouver Suranne Jones devrait mettre tout le monde d’accord.
DOCTOR FOSTER SAISON 1 (BBC) en 5 épisodes diffusés sur D8 le 14 juin (3éps) et le 21 (2éps).
Écrite par : Mike Bartlett.
Réalisée par : Tom Vaughan (1 à 3) et Bruce Goodison (4 et 5).
Photographie par : Jean-Philippe Gossart et Joel Devlin.
Avec : Suranne Jones, Bertie Carvel, Clare-Hope Ashitey, Cheryl Campbell, Jodie Comer, Navin Chowdhry, Victoria Hamilton, Martha Howe-Douglas, Adam James, Thusitha Jayasundera, Sara Stewart, Neil Stuke et Robert Pugh.
Musique originale de : Frans Bak.
La série british de l’année, #DrFoster, arrive mardi à 21h ! https://t.co/ObNaQZIyfx
— D8 (@D8TV) 11 juin 2016
Visuel : Doctor Foster © Drama Republic & BBC