DOCTOR WHO 7×11 – Journey to the Center of the TARDIS (Critique de l’épisode)

DOCTOR WHO 7×11 – Journey to the Center of the TARDIS (Critique de l’épisode)

Note de l'auteur

Dans Doctor Who comme dans toutes les séries, il y a des hauts des bas. Et puis il y a « Journey to the center of the Tardis »

‘‘Now, that’s just showing off!’’

Trois pieds-nickelés de l’espace décident de piller le Tardis juste au moment où le Docteur a baissé ses boucliers pour laisser Clara le piloter (c’est ballot). Le Docteur se retrouve éjecté à l’extérieur du vaisseau, Clara enfermée à l’intérieur (c’est incompréhensible, le scénariste se garde donc bien d’essayer de l’expliquer). Le Docteur embarque les pieds-nickelés dans un voyage jusqu’au centre du Tardis, pour qu’ils l’aident à retrouver Clara et à empêcher la destruction du vaisseau, dans lequel le passé (quelques extraits sonores) et le futur (des zombies moisis) s’entremêlent.

Ce que j’aime dans Doctor Who, c’est la montagne russe émotionnelle. J’aime ressortir d’un épisode partagé entre de multiples sentiments, avoir ri, pleuré, eu peur et claqué des mains. Quand, comme à l’issue du visionnage de « Journey to the Center of the Tardis», j’en ressors avec un sentiment unique, c’est qu’il y a un problème.

Un très gros problème, même, vu que le sentiment en question est la consternation.

Le brief confié par au scénariste Steve Thompson n’est pas seulement maladroit, il est profondément stupide. ‘‘Ecris-moi un épisode dans lequel on irait au centre du Tardis’’… Ce n’est pas un sujet d’histoire, juste un cadre. Et même un cadre impossible, qui ne permet rien d’autre que la déception, ce qui explique en large partie que le scénariste se retrouve acculé à présenter un pathétique enchaînement incohérent de séquences, et à tenter de le faire passer pour un scénario.

L’exploration du Tardis, c’est un petit bonus excitant à insérer dans un épisode plein d’autre chose, comme lorsqu’on a vu la penderie du Docteur dans « The Christmas Invasion » ou l’ancienne salle de pilotage dans « The Doctor’s Wife ». En cinquante ans de série, il y a eu un seul moment où quelqu’un a été assez fou pour en faire le point central d’un épisode. C’était en 1978 dans le serial « The Invasion of Time » ; les contraintes de l’époque et des conditions de production particulièrement complexes (à cause d’une grève qui empêcha la construction de décors en studio) conduisirent à ce que l’intérieur du Tardis soit finalement un hôpital désaffecté dont on avait simplement pris soin de boucher les fenêtres. Tout à son désir de blockbuster, et visiblement incapable de comprendre que l’art de la série télé est aussi celui de la frustration, Steven Moffat a donc voulu remettre le couvert. Son égo l’a poussé à être celui sous l’égide duquel serait montré un Tardis spectaculaire et hollywoodien. C’est là une autre des incompréhensions fondamentales de l’actuel showrunner au regard de cette série : l’imagination de tout un chacun sera toujours plus puissante que ce que l’on peut montrer à l’écran, même avec un budget hollywoodien – que Doctor Who n’a d’ailleurs pas.

Le plus frappant est l’affligeant manque d’imagination de ce qu’on nous montre. La source d’énergie du Tardis, cet Eye of Harmony évoqué dans la série classique ? Un soleil à l’intérieur du Tardis. La manière dont le Tardis se reconfigure ? Une machine à fabriquer n’importe quelle machine bien pratique, dont on se demande un peu pourquoi le Docteur ne l’utilise pas plus souvent, et au design qui régurgite trente ans de technologies organiques vues au cinéma, des œufs d’Alien aux arbres-internet d’Avatar. L’implosion du Tardis ? Des barres de fer qui traversent les couloirs, façon Indiana Jones du pauvre et illogique.

Le Tardis est déjà une machine puissante et fantastique. L’épisode pousse la démonstration jusqu’à l’absurde, jusqu’à briser la magie. Jusqu’à ce qu’on n’y croit plus. Tragique.

Et puis on aperçoit une bibliothèque et un livre sur la Time War, occasion de teaser vainement et de manière hyper-irritante. Et puis on voit le bout d’un plongeoir et d’une piscine. Super. Quelqu’un pour dire à Moffat que c’était beaucoup plus drôle de se demander si le Docteur était sérieux quand il en avait parlé à la jeune Amy, plutôt que de nous montrer le truc trois secondes, comme un passage obligé de fan-service particulièrement poussif ? Le gag impliquant la piscine dans « Day of the Moon » était suffisamment affligeant comme ça.

Sinon, oui : Clara a une jolie robe…

Seule séquence à surnager dans ce triste gloubi-boulga, celle du Docteur au centre du Tardis, dans le moteur figé au milieu de son explosion. C’est bien peu et ça ne compense pas les manques flagrants de l’épisode.

Je veux bien être un peu indulgent. Je veux bien admettre que je regarde la série depuis 2005, ce qui fera 100 épisodes samedi prochain, que j’ai aussi vu pas mal de ce qu’il y avait de bien dans l’ancienne série et que ça diminue la possibilité que je sois surpris. La série s’adresse toujours à de nouveaux publics, chaque saison a pour mission de recruter une nouvelle génération de spectateurs qui, par définition, ne seront jamais encombrés d’un sentiment de routine ou de déjà vu.

Je n’oublie pas non plus les ratés du passé. Les heures sombres de la saison 2, lorsque l’équipe avait dépensé tout le budget pour tourner en même temps le double épisode sur les Cybermen et le final de la saison, sans parler du double épique de « The Impossible Planet », et qu’elle en fut réduite à proposer un épisode dans lequel 10 et Rose étaient attaqués par un gribouillage géant. Un gribouillage géant. (Il y a des choses qu’il faut écrire deux fois pour se convaincre qu’elles existent, même cinq ans après.)

Il n’empêche. Rien n’a jamais ressemblé à la déroute que constitue cette septième saison toute entière, où surnagent deux épisodes dans une enfilade sans fin, tristement routinière, d’épisodes imparfaits, sans vie, sans enthousiasme.

Pour reprendre une formule que Dominique a employée en me parlant de la quatrième saison de Community, les épisodes actuels ne sont plus Doctor Who. Ils sont de la fan fiction. J’ai l’impression terrible d’un Steven Moffat qui n’a plus rien à dire dans l’univers de la série et qui se force à continuer, et à tourner en rond dans des imitations artificielles de ses réussites d’antan et dans du fan service déplorable parce qu’il ne vise même pas juste, s’intéressant aux détails et aux gadgets plutôt qu’au cœur.

Il est temps de revenir aux fondamentaux. Aux histoires. Aux personnages. A la chair et à la profondeur. Les trois guests de cet épisode, qui parviennent à ne pas être totalement transparents que parce qu’ils sont parfois très agaçants, sont un cruel rappel de la difficulté de la période actuelle à façonner des personnages intéressants. Un défaut qui avait déjà marqué toute la saison 5, avant que « Vincent and the Doctor » ne vienne sauver la mise, et qui n’a jamais été vraiment résolu. En revoyant « Voyage of the Damned » aujourd’hui, le personnage de Kylie Minogue passerait presque pour un sommet de profondeur psychologique.

‘‘My ship, my rules / mon vaisseau, mes règles’’ dit le Docteur, s’entêtant dans la mise en danger de ses compagnons de voyage. Ces mots pourraient être ceux de Steven Moffat. Force est de reconnaître que ses règles ne sont pas bonnes. L’approche posters de cinéma de cette saison est une catastrophe. Ce n’est pas un hasard si le meilleur épisode du lot, celui de la semaine dernière, était celui qui ne respectait pas cette règle et cherchait au contraire à retrouver l’esprit petit budget des temps anciens. Steven Moffat doit distribuer à ses scénaristes des histoires, des conflits, des personnages, ou bien rechercher des scénaristes qui en proposent (comme Tom McRae avec « The Girl Who Waited ») plutôt que de leur confier des cadres grandiloquents et impossibles à remplir, qu’ils soient le cœur du Tardis ou un vaisseau spatial avec des dinosaures. Encore heureux qu’un épisode de Neil Gaiman se profile, pour donner un peu envie de continuer à suivre malgré la déroute.

Un épisode dans lequel il n’y a pas grand chose à sauver…

Le scénario cesse de tenir la route avant le générique (le mode le plus facile du Tardis, pour en confier le pilotage aux débutants, implique de baisser tous les boucliers, really ?). Les personnages de l’épisode ne méritent même pas ce nom (de toute façon, ils ne sont là que pour remplir un peu et surtout donner matière à ce qu’il n’y ait pas que deux time zombies). A peu près rien n’est original ni intéressant. Et le final en forme de reset button (au sens littéral, c’est dire à quel point on se paye notre tête !) annule le seul potentiel intérêt de l’épisode, à savoir la découverte par Clara que le Docteur a croisé d’autres incarnations d’elle-même. Mayday ! Mayday ! La série est au bord du crash. L’année de son cinquantième anniversaire, c’est embêtant. Sinon, Clara avait une jolie robe.

‘‘On one corner of that tiny…’’

On est naturellement incité à penser que Clara a vu le nom du Docteur sur le livre qui raconte l’histoire de la Time War. Mais lorsqu’elle lui en parle, elle explique qu’elle a vu ce nom ‘‘on one corner of that tiny… / sur un coin de ce petit…’’, avant d’être coupée par le Docteur. Or le livre n’était pas exactement petit. De quoi parle-t-elle ? Tout de même pas du Tardis miniature qui est probablement celui fabriqué par la petite Amy ? Le nom du Docteur est cependant censé être ‘‘hidden in plain sight / caché au vu de tous’’…

 

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