Dracula : la veine littéraire

Dracula : la veine littéraire

La sortie aujourd’hui d’un nouveau film sur Dracula est l’occasion de se pencher sur un mythe avant tout littéraire. Le succès de Bram Stoker n’a pas seulement permis la naissance d’un personnage charismatique, passionnant et immortel. Il a donné naissance aussi à tout un genre littéraire, avec des canons à respecter : sort la nuit, ne supporte pas les croix, boit du sang… S’il souffre parfois de sa condition, le vampire est surtout devenu un compagnon de papier pour accompagner nos froides nuits d’automne. Un bon vampire n’est pas forcément un bon film, mais donne parfois de bons livres!

Dracula : un mythe toujours vivant

dracula_book_cover_1902_doubleday_89Dracula de Bram Stoker est un roman épistolaire, publié en 1897. Ce n’est pas le premier roman de vampire, Sheridan Le Fanu ayant déjà publié sa Carmilla, vampire prédatrice lesbienne, livre qui met déjà en avant les thèmes de la tentation, de la prédation et du sexe. Mais c’est le mythe de Dracula qui restera le plus réinterprété dans les livres.

De nombreux ouvrages mettent en avant un monde où Dracula existe toujours. Je passe rapidement sur le livre Dracula l’immortel de Dacre Stoker, qui est plus proche du roman harlequin que du feuilleton passionnant, où les Harker et leurs amis doivent combattre un Dracula de retour de parmi les morts, alors que Mina se pâme en souvenir des passions partagées. L’historienne et Drakula d’Elizabeth Kostova reprend une écriture de même type mais est bien plus fouillé et intéressant. Comme l’indique le titre, l’héroïne est une historienne et part à la recherche de Vlad Tepes, le mythe et le monstre. On garde l’aspect fantastique, tout en recherchant le passé du comte et l’histoire de la Roumanie. Un roman instructif et très recherché, Kostova ayant effectué des recherches pour son livre, notamment en Europe de l’Est, pendant environ dix ans.

Petite préférence pour Anno Dracula de Kim Newman qui met en scène un Londres cauchemardesque où le Prince des Ténèbres a épousé la reine Victoria. Jack l’éventreur sévit sur des prostituées vampires alors que Sherlock Holmes a été déporté dans un camp. Anno Dracula, c’est un mix de culture pop, où il faut repérer les clins d’oeils de Kim Newman, et de fange londonienne. Roman assez graphique, une écriture très directe, en fait assez facile d’accès.

Parmi les livres outrageants et grivois, on est obligé de s’arrêter sur L’autre Dracula de Tony Mark. Réinterprétation pornographique du livre de Bram Stoker, il en reprend la structure narrative pour offrir une histoire où Jonathan Harker découvre le plaisir dans les bras du comte, Mina et Lucy sont tout sauf de belles innocentes et Van Helsing est complètement fou. Plaisir coupable de voir le château de Transylvanie transformé en la maison de Marc Dorcel.

La Nouvelle-Orléans et ses vampires

c1-riverdreamAu-delà de Dracula, les vampires les plus connus se nomment sans doute Lestat de Lioncourt et Louis de Pointe du Lac. Phénomène littéraire majeur d’Anne Rice, les Chroniques des Vampires reprend les fondamentaux de Bram Stoker et déménage de la vieille Europe au Nouveau Monde, des montagnes enneigées à la moiteur des bayous. Entretien avec un vampire, c’est l’histoire de Louis, propriétaire d’une plantation en Louisiane, et de sa transformation par Lestat, un vampire arrogant et charmeur. Avec ce roman, Anne Rice introduit le concept d’âme du vampire et montre les difficultés qu’il y a à tuer, à se nourrir, quand on donne de la valeur à la vie humaine. Où est le bien ? Où est le mal ? Qu’est-ce qui est « naturel » quand on est un vampire. « Oh, que tu aimes ta souffrance » dit d’ailleurs Lestat à Louis…  J’avoue avoir perdu le fil à partir de Memnoch le démon,et le retour d’Anne Rice à la foi (ce qui fait partir le roman dans un délire mystico-religieux, mêlant Dieu, le diable et la Bible au premier degré). Un onzième roman doit cependant voir le jour, le 28 octobre prochain. Intitulé Prince Lestat, Anne Rice présente ce roman comme la suite directe de La reine des damnés. Un retour aux sources qui redonnera peut-être du peps à une série qui s’est un peu perdue en cours de route.

Mais Anne Rice n’est pas la seule a avoir investi les rives du Mississippi. En 1983, bien avant Le Trône de fer, Georges R. R. Martin publie Riverdream. Le personnage principal, Abner Marsh est le capitaine de bateaux à vapeur et va se lier d’amitié avec un être étrange, Joshua York. Martin reprend l’idée des vampires luttant contre leurs instincts, pour qui tuer est un cas de conscience. York a inventé un élixir qui lui permet, à lui et à ses amis, de se passer de sang. Il doit cependant se battre contre d’autres vampires qui eux, refusent de s’abaisser à boire un tel breuvage. Un bon roman, en un seul tome, qui se revele assez inventif, tout en gardant les bases du mythe.

Au cas où, pour ceux qui veuillent un livre magistral sur la question, ne passez pas à côté de Vampires et Bayous : sexe, sang et décadence, la résurrection du mythe en Louisiane de Morgane Caussarieu. Une petite bible du vampire des bayous, qu’il soit de papier ou de celluloïd.

La bit-lit : Sookie, Bella et Anita Blake

sookie_stackhouse_books-500x251En restant du côté de la Louisiane, on retrouve aussi Sookie Stackhouse et La Communauté du Sud de Charlaine Harris. La série télévisée s’est achevée cette année, la série de livres se termine elle au bout de treize romans. Les livres s’adressent plus spécifiquement aux jeunes adultes et adolescents, comme beaucoup de romans de Bit-Lit. À base de : avec qui Sookie terminera-t-elle, et de faux-rebonds, de tigres-garous, de ménades, un joyeux bordel. À l’opposé, nous avons Bella et Twilight de Stephenie Meyer. Dans ce cas, l’écriture est peut-être plus recherchée, mais par contre Bella est bien moins actrice de sa propre vie que peut l’être Sookie. Avec qui couchera-t-elle se transforme en : comment vivre avec mon seul et unique ? Roman assez divertissants malgré tout, grâce à la réinvention d’une mythologie, qui adoucit certes l’image du vampire mais qui a le mérite d’exister. Vampires vénitiens maitres du monde, contes indiens et pouvoirs magiques, Twilight a montré qu’il existe encore une place pour les princes charmants.

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Le comic d’Anita Blake, adapté par Stacie M. Ritchie, dessiné par Brett Booth, aux éditions Milady.

Mais parmi la bit-lit, et ses plaisirs coupables, rien ne pourra battre dans mon coeur les aventures d’Anita Blake. Dans cette série de Laurell K. Hamilton, la jeune femme travaille en collaboration avec la police de Saint-Louis pour résoudre toute les affaires ayant lien avec le paranormal. Il faut dire que dans ce monde, les vampires tiennent des clubs, les loups-garous font du SM… Anita, c’est un petit bout de nana avec un caractère bien trempé, qui finit par avoir de nombreux amants, parfois en même temps. C’est du sang, de la sueur, du sexe, de la baston, bref, c’est très reposant. Et avoir dans son lit un vampire hyper-sexy qui s’appelle Jean-Claude, mine de rien, ça donne le sourire à la lecture. La série a eu un tel succès qu’elle a été adaptée en comic. Petit bémol : avec 24 volumes en anglais, j’avoue m’être lassée assez vite des intrigues qui ne finissent qu’à englober des scènes d’orgies. Et ne plus se souvenir qui est qui et quel est son histoire dans la liste des amants d’Anita, c’est un peu dommage. Mais sinon, haut pouvoir divertissant.

Des vampires de cinéma

cineterre okUn roman fait le lien entre cinéma et littérature, il s’agit de Cinéterre de Michel Pagel. Livre à destination des jeunes adultes, il met en scène un monde qui existe  à la fin des films. Un monde né de l’imaginaire des téléspectateurs, où s’affrontent Victor Frankenstein, alias Peter Cushing, et Dracula, alias Christopher Lee. Livre hommage aux films de la Hammer, il présente Yann, jeune projectionniste dans un cinéma de quartier, qui doit entrer de l’autre côté de l’écran, pour libérer Marion, la fille du propriétaire du cinéma, dont il est tombé amoureux… et qui a été kidnappée par Mircalla, alias Ingrid Pitt. La boucle est bouclée du livre au cinéma au livre. Un roman qui se lit facilement, où Michel Pagel utilise des arcs narratifs vus et revus pour le plus grand plaisir du lecteur. Pas la peine de connaitre par coeur la filmographie de la Hammer pour apprécier Cinéterre.

Enfin, Je suis une légende de Richard Matheson, à découvrir avant tout en livre, publié en 1954. D’abord, parce que la fin, différente de celle offerte par le film de Francis Lawrence, donne toute sa saveur à l’histoire. Celle-ci est écrite du point de vue de Robert Neville, dernier survivant d’une pandémie qui a transformé le monde entier en vampires. Une histoire de survie, du dernier homme sur terre et surtout une réflexion sur ce qui fait notre humanité.

Et vous quels sont vos conseils de lectures vampiriques ?

 

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