
EDITO : quel avenir pour les Wachowski ?
Je n’ai pas encore vu Jupiter : le destin de l’univers. J’ai raté la projection parisienne organisée en catimini par Warner voici une dizaine de jours (une copie sans sous titres) et vais probablement attendre sa sortie salles pour me faire un avis. Cet édito n’est donc pas une critique du dernier conte SF d’Andy et Lana Wachowski mais plutôt une observation attristée du destin annoncé d’un blockbuster qui, sauf miracle, risque de coûter très cher à ses instigateurs.
Projet risqué entièrement sorti du cerveau des Wacho, Jupiter… a flambé entre 150 et 175 millions de dollars, financés par Warner Bros et (à hauteur d’un tiers) par son partenaire australien Village Roadshow. Une somme à laquelle il faut ajouter 100 millions supplémentaires en dépense marketing au niveau mondial, entièrement assumés par Warner. Connu pour être l’un des derniers sanctuaires hollywoodiens où il est encore possible de rêver grand sans s’appuyer sur une franchise, le studio a fait preuve d’une sacrée paire de bollocks en acceptant de prendre en charge Jupiter Ascending. Les Wachowski avaient certe en partie redoré leur blason critique avec Cloud Atlas, mais cela n’a pas empêché le film de se planter magistralement au box office en 2012. Un autre échec dispendieux après la cata Speed Racer.
Si Jupiter : le destin de l’univers essuie à son tour un rejet en salles, la fratrie a-t-elle encore un avenir chez Warner (distributeur de tous leurs films depuis Matrix), voire dans le système d’un grand studio ? Parce que cette fois, tout comme Speed Racer en 2008 et contrairement à Cloud Atlas en 2012, les Wachowski semblent avoir bel et bien raté leur copie. Warner, qui avait déjà sollicité quelques reshoots en janvier et avril 2014 pour “clarifier des points de scénario”, a provoqué la stupeur l’été dernier en annonçant, à quelques jours de la sortie du film en juillet, son report au 12 février 2015. Officiellement pour permettre aux cinéastes de compléter leurs effets visuels mais les gazettes n’étaient pas dupes : elles savaient que fin avril, une première projection-test des plus décevantes avait sérieusement refroidi Warner quant au potentiel de son space opera. Les inconditionnels du binôme persistaient dans leur méthode Coué : Jupiter Ascending ne POUVAIT pas être raté, le report de sept mois allait lui donner simplement plus de chances. D’ailleurs, Gravity avait lui-même été décalé de plusieurs mois suite à des premières projections-test plutôt fraîches, tout espoir était donc permis.
Les premiers échos français, y compris de confrères partisans acharnés du cinéma d’Andy et Lana, ne laissent hélas guère de place au doute. Les mots « catastrophe » et « désastre » circulent, à vérifier par tout un chacun bien entendu. On pourra toujours avancer, en cas d’échec de Jupiter… (car rien n’est joué tant que le film n’est pas sorti), mille théories du complot comme à l’époque de John Carter chez Disney. Mais ici, l’explication du foirage semble tout simplement la bonne. Le film n’est montré qu’à la dernière minute à la presse puis aux blogueurs (alors que Gravity l’avait été presque deux mois avant sa sortie) et généralement, ce symptôme ne ment pas.
Rois du monde entre Matrix et Matrix Reloaded, les Wachowski se sont-ils laissé engloutir par le vertige nombriliste de la surcharge intello-référentielle de leur cinéma ? Intronisés prophètes d’une SF visionnaire porteuse d’un fantasme révolutionnaire, n’ont-ils pas fini par y croire eux-même un peu trop ? On y croyait aussi, d’ailleurs, à l’époque du premier Matrix ! Le film avait beau fourmiller d’emprunts, ces derniers étaient si magistralement fusionnés qu’on n’avait tout simplement jamais vu ça. Dix ans après McTiernan dans Die Hard, les Wachowski imposaient une nouvelle grammaire cinétique et un nouvel univers graphique, encore singés aujourd’hui.
Mais dés Matrix Reloaded, en 2003, l’ambition a tourné à la prétention. Trop occupés à étaler leur culture livresque et réinventer la roue, les Wachos se laissaient vampiriser par une pompe ridicule et oubliaient l’humanité de leurs personnages. Les mines graves de Neo et ses copains en lunettes noires dans la matrice ressemblaient à une ficelle déjà usée, de même que ces colonnes interminables de dialogues techno-philosophico-abscons et rixes kung-fu tournant à vide. La déroute artistique fut totale dans Revolutions – dont la déception commerciale et le rejet critique sonna le début de la disgrâce des frangins. Avec Cloud Atlas, les Wachowski retrouvaient la formule d’un cinéma plus empathique, mais encore trop souvent noyé dans la prétention de la virtuosité narrative, la naïveté démago sur le pouvoir de l’amour et moult scènes visuellement gênantes.
Et toujours, cette folie des grandeurs, ce je-ne-sais-quoi d’exaspérant à s’enfermer dans un énième récit hypertrophié d’élus déconstruisant un système. Jupiter – le destin de l’univers semble parti sur les mêmes voies mais en ayant cette fois déraillé dans le nawak, si l’on en croit les premiers retours. Je n’exclue pas d’aimer le film, tout est possible et peut-être alors regretterai-je amèrement cet édito. Mais une chose est sûre : sur un plan à la fois commercial et artistique, les Wachowski ont absolument besoin de se réinventer pour renouer un contact rompu avec le public depuis Matrix Revolutions. Déconstruire leur système. Ou revenir à plus de modestie, comme au bon vieux temps du petit thriller malin Bound. Sacré chantier.
Jupiter, le destin de l’univers, d’Andy et Lana Wachowski, sortira en France le 4 février. Critiques à venir sur le site.
Cloud Atlas a aussi (surtout ?) eu la mauvaise idée de sortir sur les grands écrans d’Europe alors que le DVD/BR était déjà disponible aux US…et le tonton d’Amérique a ramené pas mal de VHS dans sa valise…
Pourquoi parler de foirage quand, au final, tout repose sur le manque de confiance de Warner ? Qui plus est un manque de confiance probablement dû à des projections-tests qui sont loin d’être une référence concernant la qualité des films.
À partir du moment où Warner ne soutient pas son film (peu de marketing, peu de promo de la part des acteurs, peu de projo presse), ce serait surprenant que la presse se mette à défendre le film. Et, dans la foulée, que le public adopte spontanément un gros blockbuster qu’on ne lui a pas vendu des mois durant.
Seule la sortie du film permettra de clarifier les choses, mais croire que Jupiter Ascending part avec les mêmes chances qu’un autre blockbuster, c’est naïvement ignorer à quel point l’avis du public et de la presse peut être grandement conditionné par des facteurs totalement externes au film.
En outre, c’est dommage d’intituler un article « quel avenir pour les Wachowski ? » et de ne même pas mentionner qu’ils ont co-écrit et co-réalisé Sense8, une série pour Netflix, avec J. Michael Straczynski.
Et bien, tout est dit. Les Wachowski n’ont rien fait de génial depuis Matrix. Cloud Atlas ? Sympa, oui, mais vraiment sans plus. Qu’attendre de ce film après les Gardiens de la Galaxie ?
Marrant comme l’article passe sur Speed Racer, qui vient pourtant complètement annihiler la théorie des Wahcowski noyés dans la prétention et les discours « techno-philosophico-abscons » depuis Matrix Revolutions.
Mais bon, vu la tronche de l’article sur le mode « je l’ai pas vu mais c’est pourri », ce genre de licence déontologique n’est peut-être pas très surprenant.
Je suis assez d’accord avec ce papier, bien qu’il me paraisse complètement déplacé de parler de foirage pour leur dernier film, que personne n’a pu voir, et dont les premières images sont tout sauf laides.
Si la virtuosité des Wachos ne fait aucun doute dans mon esprit, j’ai un énorme problème avec le ton de leur film. C’est froideur intellectuelle, comme s’ils étaient parfaitement détachés, désimpliqués de leur sujet, qui m’a toujours laissé un peu mal à l’aise avec leur filmographie.
Je suis le premier à m’extasier devant les Matrix, Speed Racer, et même Cloud Atlas. Mais je n’arrive tout simplement pas à établir avec leur filmo ce rapport direct, empathique, avec ce qu’ils me montrent. Depuis la trilogie Matrix, j’ai l’impression que ces gars sont enfermés dans une démarche à la prétention énorme : que l’intérêt de leurs films est dans la méthode, qu’ils font de chaque film une démonstration virtuose (Narration en trompe l’oeil dans Matrix, mise en scène et découpage d’avant-garde dans Speed Racer, narration parallèle dans Cloud Atlas) qui oublie en court de route l’histoire, les personnages, et le spectateur.
Pour Matrix, il a fallu que je me bouffe des tonnes de critiques, des bouquins, et les explications de Rafik Djoumi (Matrix : The Happening), pour comprendre le génie de l’oeuvre. Pour Speed Racer, je suis resté sur le cul par l’innovation en terme réalisation, mais juste l’histoire et les personnages ne m’ont pas emballé plus que ça. Et Cloud Atlas idem : on reste scotché par ce scénar et ce découpage incroyables, mais jamais émotionnellement emporté.
Des films à chaque fois uniques dans l’histoire du cinéma, de vraies perles rares à découvrir absolument. Mais des films populaires ? Capables de parler directement au coeur des spectateurs ? Certainement pas. Autour de moi, tout le monde a déjà oublié ces réalisateurs et se moque de leur film. Ils ne passionnent qu’un cercle restreint de cinéphiles.
C’est de là que viennent les échecs commerciaux à répétition de ces deux artistes formidables. Ils leur manque ce rapport simple et direct à leur oeuvre et à leur public, sans lequel toute cette débauche de sophistication semble un peu vaine.
assez d’accord avec le post de BROTCH…
Pour Jupiter on verra bien, mais si se sont les même critiques qui n’ont vu dans speed racer qu’une bouillie numérique, alors je suis plutôt confiant pour leur nouveau film d’un point de vu qualitatif bien sur.
Concernant un échec commercial probable, c’est fort possible voir inévitable malheureusement…
Petite erreur dans l’article : Speed Racer n’est en rien raté.
Ce n’est pas une erreur, mais un avis comme un autre, tout simplement.
Pour ma part j’aime énormément Speed Racer, je pense sincèrement qu’à sa sortie aucune critique n’a cerné son niveau de lecture, ni ses références.
Après les Watchowski ont toujours eu des ambitions dantesques, mais ne l’ont jamais non plus caché. Pourquoi cela serait si mal que ça? Fidèles à eux-même, même dans le moins bon, c’est au final plutôt respectable. Jupiter Ascending se tape tellement une salle réputation depuis plus d’un an déjà que je commence à croire que plus personne n’est vraiment neutre avec ce film. J’attends donc de voir, même si la plantade reste probable.
« Pourquoi cela serait si mal que ça? »
En fait, leur démarche est tout à fait légitime. Le problème étant toujours que, dans une industrie, on ne fait pas des films pour le plaisir d’innover ou d’exprimer sa créativité, mais pour faire du profit.
Tant qu’ils feront des films, j’iraient les voir et les revoir. Mais peut-être qu’ils y gagneraient s’ils intégraient dans leurs ambitions le fait de s’adresser à un public un chouilla plus large.
En même temps je veux pas dire mais j’ai été surpris de voir que la bande annonce était incroyablement cliché. Ca a beau ne pas être une franchise, il n’y a strictement aucune originalité dans ce qu’ils nous proposent. Le scénar’ à l’air d’être « Le Voyage du Héro » réduit à son stricte minimum.