Edito : Tendance à la comédie romantique

Edito : Tendance à la comédie romantique

Les modes sont cycliques. Chaque année une tendance semble se détacher et, pour sa seconde année consécutive, touche les sitcoms. L’an dernier, la famille était au centre de l’attention. The Goldbergs, The Millers, Dads, Mom, les nouveautés exploitaient un noyau commun pour des réussites… discutables. La famille, vieille antienne de la télévision, devenait sujet d’étude, sujet à rire, en brassant, le plus souvent, de vieux clichés, de vieux automatismes. Et si la famille nucléaire n’est plus l’unique modèle, l’évolution des moeurs n’a pas provoqué de réelles avancées dans l’imaginaire. Spécialement quand deux anciennes sitcoms (Modern Family et The Middle alors dans leur cinquième saison) utilisaient déjà la famille comme matériaux de base.

a2zAujourd’hui, la mode est aux comédies romantiques. Comme si l’on remontait le temps, avant la famille, il y a la rencontre. A to Z, Manhattan Love Story, Marry Me utilisent le genre comme matière première mais avec des exploitations différentes pour un point commun : une vision post-moderniste. Le temps est à la déconstruction. Faire de la rom’com’ un objet pop, sucré avec un soupçon de cynisme pour montrer que l’on n’est pas dupe. Les plus belles histoires d’amour ont déjà toutes été écrites.

Alix Kerrest, dans un précédent article, imaginait la nouvelle comédie romantique à l’aune de New Girl, The Mindy Project ou encore Girls. Une comédie écrite par des femmes et qui utilisait une représentation de la femme loin d’une version papier glacé, idéalisée, vision d’hommes souvent maladroits (dans le meilleur des cas) quand il s’agit d’écrire sur l’autre sexe. La comédie romantique existe au coin de la rue, à la porte de notre voisin, voilà le créneau de ces séries qui diluent néanmoins une partie de leur propos dans l’humour.

L’an dernier, How I Met Your Mother tirait sa révérence dans un final controversé où la quête de l’amour comme sujet principal était détournée pour une (pas si) banale comédie romantique. Déjà la série jouait de sa narration poupée russe, d’une voix off destructurante pour une version plus élaborée de l’idée que l’on se fait du genre. Aujourd’hui, la comédie romantique joue de sa nature, s’inscrit dans un arbre généalogique aux multiples ramifications et s’appuie sur sa descendance pour prouver sa singularité.

A to Z, Manhattan Love Story et Marry Me, autour d’un geste identique, imaginent le genre selon trois angles légèrement différents mais faisant partie d’une même pièce. Comme une vision pyramidale (en volume) de la comédie romantique. Scolaire dans A to Z, la sitcom annonce un produit avec une date de péremption. Programmatique dans sa façon d’aller de A à Z pour narrer, par le menu détail, une histoire par mots clés, la sitcom parvient à tirer son épingle du jeu par une indéfectible croyance dans le genre et par une inversion des pôles masculin/féminin. Tout le contraire de Manhattan Love Story qui pense qu’ajouter, en voix off, les commentaires des personnages principaux, donne une plus value post-moderne à un récit balisé et des sujets caricaturaux. La voix off en annotation comme on regarderait les digressions sportives d’un consultant lors d’un match de foot. Le procédé est artificiel, mauvais calcul d’une expérience qui vire à la catastrophe.

Le cas Marry Me est plus délicat, plus complexe également. Comédie de mariage plus que comédie romantique, le couple possède déjà une histoire (que le pilote revisite). Pierre-Alexandre Chouraqui mettait en parallèle la précédente oeuvre de son auteur Happy Endings, où Marry Me serait l’exact opposé pour un résultat similaire. La comédie romantique pour Caspe est un prétexte à une écriture ciselée, hystérique qui voit dans la romance une cartographie émotionnelle de l’humain. Très actuel dans le ton, très référencée pop culture, Marry Me devient un objet un peu étrange mais très efficace et appliqué.

The Affair AlisonIl y a une autre série, en cette rentrée, dont on n’a pas encore parlé dans cet article et qui s’inscrit également dans la thématique : The Affair. La série raconte l’histoire d’une rencontre adultérine. Pas tout à fait de la comédie romantique comme on l’entend, surtout passé entre les mains de Hagai Levi (Betipul). La série, par sa volonté d’opposer deux points de vue, possède un côté clinique, quasi scientifique dans l’application méthodique d’un procédé. Le travail de l’auteur est immédiatement reconnaissable : décomposition comportementale, rigueur de l’observation, un point de vue presque médical dans la dissection d’une rencontre. C’est autant du travail d’archéologue (quelques clichés) que de légiste (la romance – ou l’aventure – comme un corps mort). L’enjeu sentimental est froid, la passion passe par une intellectualisation. La série ne réfute pas le principe de comédie romantique, le ballet de la rencontre, la légèreté des émotions, la naissance de l’amour (sous une forme quelconque) mais elle en fait un motif grave, source de drame et d’un danger dont on ne devine pas grand chose pour le moment.

La quête de l’amour reste un enjeu suffisamment fort pour motiver quelques auteurs à exploiter le filon. Et si le genre répond encore à des codes strictes, il reste suffisamment permissif pour voir des approches différentes où le cynisme actuel n’est plus l’unique ingrédient pour moderniser le résultat. Seulement une crainte pointe : combien de temps vont-elles tenir ? Car l’enjeu crée une attente qui se marrie, par principe, mal avec l’idée de la sitcom. La comédie privilégie le statut quo à l’évolution, meilleure façon d’exploiter la veine comique que de reproduire une situation initiale dans laquelle vont évoluer les agents perturbateurs. Or la comédie romantique promet un idéal, un but à atteindre qui ne peut trouver valeur que dans son accomplissement. En prenant ainsi d’assaut la comédie romantique, les sitcoms se sont assurés la paternité d’un genre tout en s’engageant dans une voie bien inconfortable.

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