
Edito : Vers une Violence Trop Explicite ?
The Day Will Come You Won’t Be (The Walking Dead 7×01, encore lui) a réactivé un vieux débat concernant la violence et sa représentation à l’écran. « Trop » est souvent le terme qui est revenu au fil des commentaires. Trop gore, trop violent, trop malsain, trop complaisant, trop, trop, trop… S’il faut reconnaître le caractère particulièrement graphique des séquences incriminées, est-ce que la série est coupable d’une utilisation gratuite et dangereuse de la violence (des appels au boycott de la série ont fleuri sur les réseaux sociaux) ?
The Walking Dead n’a jamais caché sa nature. C’est une série d’horreur, option zombies post-invasion. Difficile de ne pas être gore dans ces conditions. Mais si l’adaptation du comic book s’est toujours montrée généreuse, jamais elle n’avait essuyé de reproches aussi conséquents. Pour Greg Nicotero, si la mort des personnages n’avait provoqué aucune réaction, il aurait vécu ça comme un échec personnel. Le voilà certainement rassuré.

The Walking dead
L’épisode était-il trop violent ? La réponse est peut-être plus compliquée qu’un simple oui ou non. La série a repoussé ses limites, atteignant probablement un nouveau palier, voire le sommet. Il y a bien complaisance. Elle s’attarde, prend son temps, ne nous épargne rien et le fait lentement. Les plans sur Lucille ensanglantée, sur les crânes explosés, la matière grise fuyant de sa cavité éclatée ; l’acharnement gratuit de Negan ; le son des coups ; les petits détails comme un morceau de chair accroché au barbelé. C’est long, explicite et pas particulièrement agréable. Ni nécessaire, au point de brouiller les pistes : doit-on être choqué par le choix des personnages ou par le mode d’exécution ? Le gore annihile l’émotion, il le supplante. Comme si les auteurs voulaient choquer son audience avant de l’émouvoir. Et c’est peut-être là le principal problème du résultat.
La violence ne sert pas l’émotion, elle la condamne. The Walking Dead est entrée dans cette spirale où les auteurs ne savent plus très bien dans quel sens tourner leurs effets et quel sens leur donner. C’est une violence vidée de toute signification qui est servie sur un plateau aux spectateurs. Mais ce vide peut aussi nous dire quelque chose. La pratique d’une brutalité explicite est devenue un vecteur de spectacle. Du gore pour du gore au détriment de l’histoire, en quête d’une audience venue chercher sa ration d’émotion forte. Avec cet épisode, The Walking Dead livre moins un modèle d’écriture qu’une expérience, un test sur notre propre capacité à recevoir une telle violence.
Avons-nous passé un cap dans la représentation du gore à la télévision ? De The Walking Dead à Hannibal en passant par Game of Thrones, Criminal Minds ou The Knick, peu avares en effusion d’hémoglobine, le curseur semble s’être légèrement déplacé pour offrir une plus grande latitude aux auteurs (sur le câble comme les networks) et une plus grande tolérance des spectateurs. La question d’une désensibilisation progressive restera en suspens, mais mérite que l’on s’y penche sérieusement. Sans donner pour autant raison aux ligues familiales qui voudraient aseptiser la production télévisuelle, nous pouvons légitimement nous demander s’il n’existe pas une forme de banalisation à l’œuvre et si l’on fermerait davantage les yeux sur la pente glissante qui s’amorce que devant une surenchère gore qui le mériterait peut-être.
Preuve d’une contamination générale : MacGyver 2016 n’est plus un militant écolo prônant la non-violence, mais un proto-agent secret dont les bidouillages sont tournés vers un usage de la force jusqu’à provoquer la mort d’assaillants. Bien sûr, ce n’est pas aussi choquant qu’un épisode de The Walking Dead ou de Game of Thrones, mais cela participe à la création d’un paysage général comme illustration de notre époque. Et pose une simple question : Y a-t-il de la place pour un personnage non violent à la télévision aujourd’hui ?
Il y a de la place pour n’importe quel type de héros dans les séries aujourd’hui. Par exemple Sense 8 des soeurs Wachowski.
Ce que l’on voit sur nos écrans – et plus seulement la télévision – est le résultat du souhait des auteurs mais aussi des enquêtes marketing pour attirer un certain type de public et d’annonceurs. Si Games of Throne est de mon point de vue une série aussi méprisable – exceptée la dernière saison qui s’est affranchi des écrits de RR Martin -, c’est parce que Georges RR Martin a une vision dégueulasse des femmes.
Je n’ai jamais regardé Walking Dead – les morts vivants me les brisent -, je trouve la bd sans intérêt, mais cette surenchère dans la violence gratuite, graphique et glauque se sent dans les différentes bandes-annonces que j’ai pu voir.
Ce qui devrait nous étonner dans ce monde hyper violent que nous habitons tous c’est de voir à quel point la « réalité » montrée aux infos est dégraissée de toute forme de violence frontale. Si on voyait les vraies images liées aux guerres que nous menons, nous et nos alliés de part le monde, les gens seraient tellement horrifiés que les gouvernements sauteraient. Par contre la fiction étale une violence de plus en plus réaliste et gratuite – la violence quand elle n’est pas à usage défensif est toujours gratuite – grâce aux effets visuels que la puissance des ordinateurs permet aujourd’hui.
La vraie violence est donc reléguée à l’imaginaire, là où elle ne révolte que des gens incapables de faire la différence entre l’imaginaire et la réalité; les bigots, les imbéciles et ceux qui peuvent tirer partie de la peur en monnaie électorale.
Je suis en parfait désaccord avec toi, mais je te félicite d’avoir bien étayé ton argumentation, ça devient tellement rare dans des commentaires.