
Effluvium : la magie dans les vapeurs steampunk
Mégapoles d’acier et vaisseaux volants, Art nouveau et montagnes suisses : l’univers steampunk (et plus encore) de Didier Graffet trouve, dans ce grand livre publié par Bragelonne, un havre de toute beauté.
Le livre : Ce beau livre rassemble des reproductions de peintures “steampunk” de Didier Graffet, accompagnées de légendes rédigées par l’écrivain et essayiste Xavier Mauméjean. D’un Paris alternatif à un New York fantasmé, des flots légendaires aux mégapoles d’acier, le peintre emmène le lecteur au cœur de panoramas uniques faits de rigueur architecturale et de bâtiments à vapeur.
Mon avis : En un mot, tout est beau dans ce grand ouvrage (28,5 x 36,5 cm) édité par Bragelonne. Dans sa préface, Mathieu Gaborit dit, avec beaucoup de justesse, voir dans la « poésie mécanique » de Didier Graffet « la preuve évidente d’une fidélité aux textures symboliques du steampunk ». Et dans le peintre originaire de la région lyonnaise, un « poète panoramique des grands espaces liés à l’exploration ».
Dans ces œuvres picturales se confrontent, coexistent ou se répondent la nature immémoriale et l’acte humain technologique. Ce que Gaborit définit comme « notre désir de réconciliation entre les promesses de progrès et la clameur pressentie des forces élémentaires ». D’où, aussi, l’image du conquistador (prêt à “violer” la forêt vierge ou la jungle intouchée), mais aussi celle de Robur (un nom qui fait référence au roman Robur-le-Conquérant de Jules Verne, une influence évidente sur le travail de Graffet), homme en armure, dont on ne sait s’il a fusionné avec la machine ou si le métal a contaminé sa propre chair pour faire de lui un robot cliquetant.
Dans l’univers visuel de Graffet, tout communique et s’entremêle. Les époques, avec ce vaisseau volant, l’Imperator, surplombant la basilique Notre-Dame de Fourvière, ou ce métro (très) aérien dont une rame s’arrête devant la gare du Nord à Paris. Pierre et métal ne font plus qu’un, dans un mariage d’une certaine froideur.
Quand tout est possible, même ce qui ne saurait exister se présente à nos yeux. Au-dessus du Petit Palais, ces créatures étranges ressemblent à des Furies biomécaniques, rappelant la mythologie et la tragédie grecques à l’ère de l’acier vibrant de vapeur. Sans oublier le faux paradoxe de ces bateaux volants dans l’éther et qui, en retour, adoptent la forme magnifique de poissons exotiques.
Au fait, pourquoi ce titre, Effluvium ? Xavier Mauméjean offre la réponse à l’entame de l’ouvrage : au 1er siècle de notre ère, Héron d’Alexandrie a domestiqué la vapeur, ouvrant ainsi l’ère du flux aérien, l’âge de l’Effluvium, qui autorise une conquête pacifique de notre monde basée sur l’exploration. Quant à notre Vieux Continent, il se construit désormais sous le double patronage – très belle idée, au passage – de Dédale (cités gigantesques) et d’Icare (appareils qui sillonnent le ciel).
Au fil de ses 112 pages très riches, ce livre égrène 42 peintures ainsi que de nombreux crayonnés, croquis préparatoires, essais de composition, travaux sur un détail. En fonction du lecteur, certains éléments pourront évoquer Olivier Ledroit (ces monstres volants noirs de jais, assez gothiques dans leur structure organique), Schuiten et Peeters (la tour Eiffel), Raymond Loewy (ce vaisseau effilé, comme un bus Greyhound revisité par le Rocketeer).
L’extrait : « Sous la voûte à la ferronnerie arachnéenne, les vaisseaux évoluent comme des danseurs de pavane. L’un d’eux, aux ailes nervurées, contourne une roue à aube et file vers sa destination. Tout est précis, ordonné, répondant aux plans tracés par un génie universel. »
Effluvium
Peintures de Didier Graffet
Légendes de Xavier Mauméjean
Édité par Bragelonne