
En eaux troubles : quand Hollywood coule à pic
Moulé dans une belle combinaison, Jason Statham bastonne un requin préhistorique géant de 23 mètres. Un blockbuster décérébré qui tente de plagier Les Dents de la mer.
Cet été, Hollywood n’en finit plus de vidanger ses fosses septiques, sans la moindre gêne, avec des séries Z revendiquées comme Skyscraper, Ant-Man et la Guêpe, Equalizer 2, Mission : impossible 6 (oui, je sais, il y a plein de super cascades dedans), ou aujourd’hui, The Meg (pour Megalodon), En eaux troubles en VF.
Lancé comme un énorme blockbuster second degré, fun et grand public, le film est une aberration artistique et économique, le summum hallucinant d’un système voué à l’échec : un budget de 150 millions de dollars, un pitch au-dessous du niveau de la mer, une romance à l’eau de rose, des acteurs peu inspirés, un tâcheron derrière la caméra, des effets spéciaux bâclés. Bref, de la série Z vendue comme une superproduction de qualité, le néant mais en 3D, du rien mais avec une campagne marketing à 100 millions !
Inspiré d’un roman à succès, En eaux troubles n’a pas de scénario, mais un simple pitch : Jason Statham se frite avec un requin préhistorique géant. Point final ! Il aura fallu pas moins de trois scénaristes pour démouler ce nanar, trois tocards déjà coupables d’avoir « écrit » Lara Croft, Red ou Battleship. Incapables de construire le moindre arc narratif ou de dessiner un personnage, ils donnent naissance à des clichés sur patte, de la chair à requin, que les acteurs peinent à faire exister. Monolithique, spécialiste du haussement intempestif de sourcils, Jason Statham mime à la fois Robert Shaw et Roy Scheider des Dents de la mer, et les autres comédiens en délicatesse avec les impôts, pétrifiés par la nullité de l’entreprise, semblent comme absents et balancent toutes les 5 minutes des répliques d’une débilité confondante (« Ce fossile vivant a dévoré mon ami »). La palme revenant au top model tatoué Ruby Rose, censée incarner une scientifique et qui garde le même air sexy-constipé pendant 90 minutes. Coproduit par le Chine, En eaux troubles est également interprété par plusieurs acteurs chinois, le moins typés possible (je pense au scientifique et sa fille, Li Bingbing), comme ces personnages de manga qui ont des yeux d’Occidentaux. Hollywood lave plus blanc…
Embauché un temps sur le projet, Eli Roth (Hostel, Green Inferno) aurait probablement fait pisser le sang et multiplié les séquences de massacre. Viré, il a été remplacé par Jon Turteltaub (Benjamin Gates ou L’Apprenti sorcier) « réalisateur » plus grand public et beaucoup plus consensuel. Problème, Turteltaub n’a pas l’ombre d’une idée de mise en scène, il coupe ses plans toutes les cinq secondes et est incapable de produire une seule séquence de cinéma. Il aurait dû se remémorer la recette de Steven Spielberg qui déclare régulièrement qu’il doit le succès des Dents de la mer au fait que son requin en plastique ne fonctionnait pas. Spielberg a dû renoncer à l’idée de le montrer, pour le métamorphoser en menace invisible, en monstre mythologique tapi dans l’obscurité et multiplier les trouvailles de mise en scène. Avec son fric et informaticiens, Turteltaub montre son requin sous toutes les coutures. Un monstre de synthèse qui ne fait jamais peur…
Bien sûr, En eaux troubles n’est pas bon. Mais le vrai problème, c’est qu’il n’est même pas assez mauvais ou second degré. Pendant des mois, la bande-annonce nous promettait une série B déconnante, bercée par la chanson de 1959 de Bobby Darin, Beyond the Sea, du requin géant top vénère, des baigneurs stupides à boulotter, bref du Sharknado puissance 1000. Le résultat final n’est ni gore, ni drôle, ni dingue. Juste un truc débile destiné au public chinois et américain, aux enfants et aux vieux nostalgiques de Jaws, à tout le monde et surtout à personne, une histoire d’horreur sans hémoglobine, une comédie sans humour, une romance sans sentiment, un film d’aventure sans aventure. Pour conclure, on pourrait dire qu’En eaux troubles est au cinéma ce que MacDo est à la cuisine. Ça a l’air appétissant et ça sent bon, mais c’est juste de la merde industrielle.
En eaux troubles
Réalisé par Jon Turteltaub
Avec Jason Statham et Li Bingbing.
En salles le 22 août 2018
Je pense que la critique aurait pu juste contenir ces 2 mots : Turtletaub- Statham et onnaurzit compris le niveau du machin. Tu as eu bien du courage de faire plus long 😀