ePawn Arena, un aperçu sur le futur du jeu de plateau

Nous parlons ici régulièrement de projets Kickstarter qui retiennent notre attention, en particulier dans le domaine du jeu. L’ePawn Arena est un de ces projets, et le concept m’a semblé tellement intéressant que j’ai contacté Christophe Duteil et Valentin Lefèvre (le PostCarbone de l’Agence tout geeks), les fondateurs d’ePawn pour une interview. Ils ont accepté et m’ont sympathiquement reçu dans leurs locaux qui feraient rêver plus d’un geek (électronique, ordinateurs et jeux de plateau dispersés un peu partout), locaux situés dans un des incubateurs de start-up que la mairie de Paris a intelligemment créés (pour une fois qu’on fait les choses bien, il faut le souligner !).

Ce que j’ignorais en arrivant dans leurs locaux, et que j’ai compris au cours de notre très intéressante conversation, c’est que notre rencontre allait précéder de quelques heures l’arrêt de la campagne de financement de leur projet sur Kickstarter. Toutefois, l’économie participative bouscule beaucoup de règles établies, et l’arrêt d’une campagne n’est pas nécessairement synonyme d’échec ! Elle peut, au contraire, être le signe d’un intelligent constat et l’étape nécessaire à un reboot du projet sur de nouvelles et meilleures bases.

Je vais vous expliquer tout ça, mais commençons par le début : c’est quoi l’ePawn Arena ?

L’ePawn Arena, le jeu de plateau connecté

Pour faire très simple, l’ePawn Arena est un plateau de jeu capable de localiser avec grande précision (au millimètre près) les pièces qui sont posées dessus, et d’interagir avec une application dédiée sur tablette ou smartphone. Une fois recouvert par un plateau de jeu en néoprène (correspondant au jeu auquel vous allez jouer), l’ePawn Arena vous permet de jouer à des jeux de plateau de façon interactive, et avec des partenaires qui peuvent être aussi bien autour de la table qu’à l’autre bout du monde.

L’ePawn Arena est fourni avec deux types de pièces : des tags dont le plateau repère la position et l’orientation, ou des bots qui sont en plus dotés d’une capacité de déplacement. Vous  allez donc pouvoir aussi bien faire un Wings of War, et voir vos avions qui se déplacent sur le plateau en fonction des ordres que vous leur donnez, qu’un Dungeon Crawler dans lequel vous déplacez vos personnages dans l’exploration du plateau. Dans les deux cas, l’application se chargera de gérer les règles du jeu, de répercuter vos choix et actions et de vous informer de nouveaux événements (comme l’apparition d’un monstre dans une nouvelle salle).

Bon, une vidéo vaut souvent un long discours, donc la bande-annonce vous donnera une bonne idée du projet. La page du projet Kickstarter également.

Un projet Kickstarter…

L’ePawn Arena est donc un projet offrant de nombreux attraits pour les amateurs de jeux de plateau. Pourtant, la campagne a connu un succès mitigé ; et bien qu’elle aurait encore pu réussir (nous étions à 50% du financement à mi-campagne), les porteurs du projet ont préféré y mettre temporairement fin, un choix à mon sens tout à fait judicieux !

Quelles sont les raisons de ce relatif échec ? Elles sont en fait multiples : une période de lancement pas vraiment propice (juillet-août…), un manque de communication pré-lancement qui n’a pas permis de créer LE buzz, une déception de personnes qui suivaient le projet de longue date suite à la disparition de l’écran interactif prévu, un prix tout de même important, une offre logicielle assez légère au lancement du produit (mais susceptible de vite grandir avec le SDK gratuit). Oui, il y a tout ça. Mais surtout, de l’aveu de ses créateurs, leur offre n’était pas suffisamment en adéquation avec les attentes du public.Car il suffit de regarder le succès d’autres campagnes Kickstarter et les sommes faramineuses parfois dépensées pour comprendre que le prix n’est vraiment pas le principal frein pour le gamer passionné ! Celui-ci claquera aisément des centaines de dollars (ou d’euros) pour peu qu’on tape dans le mille ! Et c’est là toute la difficulté lorsqu’on travaille sur un projet comme l’ePawn Arena : le packaging – qui est finalement accessoire au regard de ce qui est avant tout une techno – va faire toute la différence auprès des joueurs ! Et si Christophe Duteil et Valentin Lefèvre, qui sont des industriels chevronnés ont réussi à concevoir une impressionnante technologie, l’écueil auquel ils se sont heurtés à été de réussir à réaliser un package exploitant les possibilités de leur invention.

Mais si je parle d’échec relatif, c’est que ce n’est finalement qu’un faux départ ! En effet, cette campagne aura permis à ePawn de recueillir d’innombrables commentaires, avis, critiques, tous plus ou moins constructifs, mais qui s’avèrent être une mine d’or pour repenser leur offre produit et préparer leur seconde campagne. Car c’est aussi ce que permet un projet Kickstarter : soumettre son projet à l’épreuve du public pour un coût bien plus réduit qu’un lancement en magasin. Dès lors, une campagne, même si elle n’aboutit pas, peut se révéler très riche d’enseignements et constituer finalement un excellent investissement. Et c’est clairement l’état d’esprit que j’ai perçu chez Christophe Duteil et Valentin Lefèvre : même si une pointe de déception n’était pas totalement absente, ils étaient plus que déterminés à préparer une seconde campagne en tirant partie de leurs erreurs et en utilisant tous ces retours reçus.

J’attends donc avec impatience le second lancement du projet ePawn Arena !

… qui n’est que la pointe de l’iceberg !

Mais ce que j’ai également découvert lors de cette rencontre avec les gens d’ePawn, c’est que ce projet Kickstarter n’était en fait qu’un de leurs nombreux projets !

Il faut en effet comprendre que la rapprochement du jeu (ou jouet) physique et du digital est aujourd’hui un des enjeux majeurs pour les entreprises du domaine ludique ! Il suffira pour s’en convaincre de regarder l’arrivée massive de jouets connectés ou le succès des Skylanders (et la fournée de concurrents qui sont sortis ou s’apprêtent à débarquer : Amiibo, Disney Infinity, Lego Dimensions, etc.). Il ne s’agit plus seulement de s’amuser avec le jeu, il s’agit d’interagir avec, ainsi qu’avec ses amis via des applications ou portails dédiés !

Amiibo, Skylanders, Disney Infinity, … (photo OtakuGame.fr)

Dès lors, l’interface entre le jouet et l’informatique devient un élément d’une extrême  importance. Et si je vous explique maintenant que la technologie dont dispose ePawn fonctionne également avec des puces NFC (qui équipent justement des jouets comme les Skylanders), ou est capable de détecter même des pièces situées à plusieurs centimètres au-dessus du plateau, vous comprenez aisément que celle-ci pourrait bien très vite être adoptée par de gros acteurs du marché. Et donc apparaître très bientôt, déclinée d’une façon ou d’une autre, dans les jeux connectés de nos petites têtes blondes ou dans nos jeux de plateau.

Si les possibles applications restent floues pour vous, cette petite vidéo devrait vous éclairer !

Il y a donc fort à parier que nous retrouvions donc bientôt cette technologie dans nos jeux et jouets. Peut-être même inspirera-t-elle de nouvelles idées à ceux qui travaillent aujourd’hui à ce que seront nos loisirs de demain.

C’est pourquoi l’ePawn Arena préfigure à mon sens ce que seront nos jeux dans quelques années (voire avant !). Et c’est pour cette raison que je vais suivre désormais avec beaucoup d’attention la suite des aventures de cette petite start-up française : car ce Kickstarter annulé me semble finalement marquer davantage un début qu’une fin !

Encore un grand merci à Christophe Duteil et Valentin Lefèvre pour leur disponibilité et leur accueil. La richesse des informations qu’ils m’ont fournies a été des plus appréciées !