
Et 6 l’été m’était conté… 1996 (première partie) : California Love de 2Pac
L’été est finalement arrivé et l’équipe de la section Musique du Daily Mars est partie se faire implanter des souvenirs de vacances factices chez Rekall ou effectuer une retraite de méditation Jedi sur Dagobah. Mais nos sympathiques rédacteurs vous ont laissé leur collection de capsules temporelles pour que vous puissiez vous faire une idée de ce à quoi le monde de la musique ressemblait il y a 10, 20, 30 ou 40 ans.
Chaque mercredi de cet été, le Daily Mars vous propose un petit retour en arrière sur un album (et un titre) emblématique des années 1976, 86, 96 et 2006. Après Metallica il y a deux semaines, nous restons en Californie, mais nous troquons cette fois-ci amplis et guitares contre boîtes à rythmes et platines vinyles. Parés de vos plus beaux atours – chemise ouverte, chaîne en or qui brille… et gilet pare-balles – en route pour le « Sunshine State » !
Vous n’aimez pas le rap ? Vous pensez que ce n’est qu’un ramassis de ce que le show-business a produit de plus bling-bling et misogyne au cours de ces 30 dernières années ? Force est de reconnaître que vous n’avez pas complètement tort… mais, que vous soyez amateur de hip-hop ou pas, si vous n’étiez pas dans le coma pendant les années 90, vous avez forcément entendu trois trucs : Who Am I (What’s My Name)? de Snoop Doggy Dogg (1993)*, Gangsta’s Paradise de Coolio (en 1995 – si si, n’ayez pas honte) et ça :
“California knows how to party…”
Ce single, sorti à la fin de l’année 1995 aux États-Unis, débarque sur le tard de notre côté de l’Atlantique. Il entre dans le Top 50 à la fin du mois de mars 1996 et va squatter les hit-parades jusqu’au début de l’été. A posteriori, il est facile de constater que tout concourait à faire de ce titre de 2Pac un hit planétaire : son refrain chanté à la talk box par Roger Troutman*, son clip aux allures de blockbuster « mad-maxien », la production surpuissante de Dr. Dre…
Avant de nous pencher sur l’interprète principal de ce tube de l’été improbable, arrêtons-nous un instant sur le cas de son coauteur : Andre Young, membre fondateur du groupe culte N.W.A. et plus connu sous le pseudonyme de Dr. Dre. Pour mémoire, au début des années 90, soit plus de vingt ans avant de vendre des casques audio hors de prix et de voir sa vie portée à l’écran dans le biopic élégiaque Straight Outta Compton, Dre est surtout connu comme le cofondateur – avec son acolyte Suge Knight – de Death Row Records.
Avec Death Row, Knight et Dre popularisent le « gangsta rap ». Ce sous-genre du hip-hop US est peut-être celui qui traîne la plus mauvaise réputation, tous styles musicaux confondus. Il faut dire qu’à l’époque, entre des récits fantasmés de leur vie de voyou, leurs clips remplis de grosses voitures et de femmes-objets, sans compter leur fâcheuse tendance à défourailler pour un oui ou pour un non et à se dépecer dans la joie, on est loin du slogan d’origine du hip-hop : « Peace, love, unity and having fun » (paix, amour, unité et s’amuser).
“Out on bail fresh outta jail…”
Tupac Shakur, alias 2Pac, le petit prodige du rap west coast de l’époque débarque donc au milieu de cette nouvelle scène au début des années 90. Personnage atypique** – à défaut d’être sympathique – c’est surtout un artiste extrêmement prolifique. L’album dont est extrait le single California Love, All Eyez On Me (premier double album de l’histoire du rap « grand public »), a été enregistré en deux semaines à l’automne 1995, pour une sortie en février de l’année suivante.
“Out on bail fresh outta jail…” (« Libéré sous caution, tout juste sorti de prison ») : lorsqu’il attaque son couplet, 2Pac annonce la couleur. En février 1995, Shakur entre au pénitencier de Clinton pour purger une peine de prison pour viol en réunion (quand on vous disait quelques lignes plus haut que c’était un individu charmant). En octobre, le procès en appel doit commencer mais Tupac n’a pas les moyens de payer la caution pour sa libération, dont le montant s’élève à 1,4 million de dollars.
C’est là qu’intervient Suge Knight. Il propose à Shakur de lui prêter l’argent. Ce dernier s’acquittera de sa dette en enregistrant trois albums pour Death Row. En acceptant ce pacte avec ce diabolique « parrain » (au sens mafieux du terme), 2Pac ne peut pas se douter qu’il est en train de sceller son destin. Car, si sa gloire a été soudaine et intense, elle sera tout aussi brève. En septembre 1996, il meurt à Los Angeles, dans un règlement de compte à l’arme automatique.

Dessin de Tupac Shakur par Makaveli75 (Wikimedia Commons)
Sur nos platines CD, à l’été 1996, il y tournait…
… une sorte de gloubi-boulga musical improbable. Comme tous les étés, direz-vous. Certes… Mais cette année-là, entre les dernières poussières tombées de la queue de comète de l’eurodance, et les derniers spasmes qui agitent le cadavre du grunge (après le suicide de Kurt Cobain, le leader du groupe Nirvana en 1994), le paysage musical est comme atteint d’aphasie, sans réelle mode ou courant dominant. Jugez plutôt…
Cet été-là, un DJ italien – de son vrai nom Roberto Concina – signe l’un des nombreux succès sans lendemain de la musique électronique des années 90.
Au moment d’imploser, l’autre grand groupe de Seattle (avec Pearl Jam) tire sa révérence avec un album et un single imparable.
Avant de devenir la coqueluche (puis la risée) du métal extrême européen, un petit groupe britannique sort son deuxième album, tout à fait estival.
[Notez l’utilisation comme musique d’entrée en scène de l’Ave Satani de Jerry Goldsmith, évoqué ici il y a quelques semaines par notre cher Herr Professor]
Et, enfin, n’oublions pas non plus que l’été 1996 était aussi placé sous le signe de la danse… Alors pour vous aider à réviser votre chorégraphie…
Bonus
* Histoire de « boucler la boucle », après vous avoir parlé, au début de cet article, de Snoop Dogg↑ et de Roger Troutman↑↑ (membre tardif du collectif Parliament-Funkadelic et fondateur du groupe Zapp), jetons une oreille sur le morceau samplé sur Who Am I (What’s My Name)?, Atomic Dog, de George Clinton.
Après vous avoir fait planer la semaine dernière avec Top Gun, Herr Professor vous entretiendra la semaine prochaine de la musique d’un film sorti à l’été 1996. Quant à nous, rendez-vous dans quinze jours, pour une entrée en grande pompe dans le XXIe siècle.
** Et pour en savoir plus sur la surprenante vie de Tupac Shakur, nous ne pouvons que vous conseiller l’écoute du documentaire radiophonique Tupac Shakur, la dernière panthère, de Doria Zenine et Martin Quenehen, diffusé en février 2015 dans le cadre de l’excellente émission Une vie, une œuvre, sur la non moins indispensable station de radio France Culture (l’un des seuls remèdes dont il est scientifiquement prouvé qu’il aide à lutter contre la bêtise).