
Existe-t-il une recette Uncharted ?
Pour fêter la sortie du quatrième opus des aventures de Nathan Drake, quoi de plus normal qu’une série d’articles durant toute la semaine pour revenir sur la franchise Uncharted et ce qu’elle a apporté, en attendant de savoir si cet ultime épisode parvient à conclure brillamment une licence qui aura marqué toute une génération.
Uncharted a établi une série de codes depuis l’avènement du second opus, qui a consacré la saga sur le panthéon des grandes licences Sony. Ce cocktail explosif de séquences spectaculaires, d’action et de plates-formes est depuis associé à la saga de Naughty Dog. Mais est-il possible de reproduire ces codes pour les adapter et créer le genre du Uncharted-like ?
Les bons ingrédients
Mais d’abord, qu’est-ce que la recette Uncharted, quels sont ses codes ? Résumer la licence à un simple mélange de gameplay (la fameuse trinité « plates-formes – action – énigmes ») serait une erreur. Uncharted, c’est avant tout une approche cinématographique du jeu vidéo pour en faire exploser la narration. Contrairement à des titres très portés sur l’histoire mais poussant le joueur à être plutôt passif (Heavy Rain, Beyond Two Souls, tous les jeux récents de Telltale), Uncharted le laisse maître de ses mouvements sans sacrifier l’histoire et sa mise en scène. Ça permet même de rendre l’aventure complètement lisible pour un spectateur qui n’a pas la manette en main. Naughty Dog a réussi à mixer la passivité du jeu vidéo presque obligatoire (comme quand on regarde une cutscene) sans omettre son gameplay. Les cinématiques sont alors destinées uniquement à faire le liant entre les niveaux et balancer les dialogues importants. Mais pour le reste, l’action est agencée afin que ce soit agréable à regarder visuellement, même pour la petite copine assise sur le canapé. D’autres jeux, comme Bioshock Infinite par exemple, rendent l’expérience à la limite de l’ennui quand le joueur est presque forcé à fouiller dans chaque poubelle du jeu pour y trouver des ressources. C’est une façon de combler les trous comme une autre, mais aussi un cruel témoin d’importantes faiblesses dans le game design.
Uncharted mise aussi sur une tripotée de scripts qui rajoutent un effet de mise en scène invisible dans le gameplay. Une chute, un ennemi particulier qui débarque, et la progression ronronnante du titre se transforme en un moment inédit qui vient désamorcer la routine du jeu. On pense à la poursuite de Talbot dans la ville du Yémen sur le troisième opus, qui multiplie les petits effets pour casser l’aspect morne que pourrait avoir cette séquence sans tous ces artifices : une voiture qui débarque à l’improviste, un saut entre deux immeubles où Nate se loupe et traverse une vitre, etc. Plein de petits ajouts qui viennent diversifier et rendre immédiatement la séquence spectaculaire et jouissive, cassant les rouages du gameplay en surprenant le joueur. Ce sera moins le cas une seconde fois, mais de la même manière qu’un film, on apprécie le moment pour le plaisir d’y jouer et de la regarder.
L’histoire et les personnages jouent aussi un rôle important, puisque les protagonistes ne se contentent pas d’attendre les cutscenes pour discuter. Les héros vivent, parlent entre eux, représentent plus que de simples PNJs venus là pour renforcer les rangs. Nathan commente ce qu’il voit de façon naturelle lors de ses pérégrinations, et le quatrième épisode viendra renforcer cet aspect grâce aux commentaires de tout ce petit groupe de personnages, influencé par les actions de Drake. Le joueur n’est jamais lâché par l’histoire (ce qui arrive fréquemment dans les open-world, par exemple), comme le prouve l’absence totale de temps de chargement une fois le jeu lancé. Certes, on trouve bien évidemment des QTE ici et là, mais qui sont présents pour renforcer la tension de certaines séquences et les rendre interactives. C’est un vrai travail sur l’aspect cinématographique et une mise en scène constante pour ne jamais laisser le joueur et les potentiels spectateurs sur le carreau. Et s’il y a bien un jeu récent qui a tenté d’exploiter les mêmes ingrédients, c’est The Order 1886.
The Order 1886 : celui qui voulait être roi
Je passe rapidement sur ce jeu catastrophique, une merveille visuelle pleine de rien (je vous renvoie à notre petite critique très tolérante) pour me concentrer sur les différents points communs. Une technique impeccable, une scénarisation importante, pratiquement pas de chargements, des cutscenes régulières en pleine action : sur le papier, The Order répond parfaitement au cahier des charges pour en faire un bon Uncharted-like, surtout que les membres du studio Ready at Dawn sont des grands amis de Naughty Dog et il est facile de penser qu’ils se sont filés quelques « bons » tuyaux. Mais alors que s’est-il passé ? Pourquoi ça ne fonctionne pas ? Tout simplement parce que The Order n’est pas à la hauteur sur le storytelling. On constatera déjà avec effarement la pauvreté des dialogues et de l’écriture, qui transforme chacun des personnages du jeu en caricature à peine attachante. On rajoutera dans le panier des QTE qui sentent le renfermé (au secours les combats contre les monstres) ou encore un gameplay archi-classique, qui ne tire jamais parti des situations pour tenter quelque chose. The Order aurait pu se passer à une autre époque que cela n’aurait aucune influence sur le jeu lui-même, mis à part l’aspect artistique.
Mais il y a une différence fondamentale entre The Order et Uncharted : ce dernier n’oublie à aucun moment qu’il est un jeu. Dans The Order, tout est fait pour créer une distance avec le joueur et le forcer constamment à être spectateur. Que ce soit les bandes noires pour faire plus « cinéma », le petit bruit par-dessus l’image ou cet aspect « sans défaut » de la partie graphique, The Order perd complètement de vue le gamer et préfère le harasser de séquences sans saveurs pour justifier le côté ludique de la chose. Dans Uncharted, toute l’action est gérée par le joueur. Quand on y réfléchit, les scripts ne servent pas à diriger Nathan mais à le piéger, à simplement mettre sur sa route des obstacles imprévus mais sans jamais retirer le contrôle du personnage. On vit l’action, on ne la regarde pas. Uncharted, malgré son ambition cinématographique, n’a pas pour but de vous faire regarder un film (ce que fait The Order, malheureusement) mais de vous en faire vivre un. Et c’est ce qu’arrive à faire l’un des jeux qui reprend bon nombres d’éléments (roulements de tambour) : Dead Space 2.
Dead Space 2 : l’étalon sauvage
Oui, j’aurais pu citer le reboot de Tomb Raider, mais j’y reviendrai. On oublie beaucoup trop souvent la saga d’horreur de Visceral Games. Mais l’une de ses particularités, c’est que chacun des trois épisodes qui la composent a sa propre spécificité, du fait que la licence n’a jamais réussi à décoller et qu’Electronic Arts a voulu à chaque fois modifier la recette. Après un premier épisode dantesque qui plongeait le joueur dans les affres d’un vaisseau cauchemardesque, il a fallu éponger les pertes engrangées et changer son fusil d’épaule. Sur le second opus, on garde l’aspect horrifique mais on rajoute une touche de spectaculaire pour pimenter les choses. Tous les ingrédients d’Uncharted sont présents : une narration forte, aucun temps de chargement pour renforcer l’immersion (contrairement au premier opus, découpé en vrais niveaux), des scripts réguliers… Dead Space 2 a réussi à récupérer les points forts de la saga de Naughty Dog tout en y incorporant ses qualités propres.
Première surprise : Dead Space 2 ne quitte à aucun moment le point de vue d’Isaac, le héros. Le jeu ne fait jamais aucune coupure, et Dead Space 2 pourrait être facilement interprété comme un plan-séquence d’une grosse dizaine d’heures, ce qui est un joli exploit quand on y pense. Même lors des cutscenes, la caméra ne fait que de légers travellings pour laisser la place à Isaac de discuter. On se souvient de ce fameux moment où, fatigué et exténué, Isaac se pose contre un mur et discute avec la vision de sa femme morte dans le premier volet. Tout ça, sans jamais effectuer de coupure dans la narration. Une progression très fluide, immersive au possible, hérité d’Uncharted. Tout comme certaines séquences scriptées, très similaires. Il y a par exemple cette fantastique séquence où Isaac se retrouve à bord d’une rame de métro et utilise ses propulseurs pour en rattraper une autre, puis doit dégommer des aliens en glissant sur le sol pour se retrouver la tête en bas, obligé de repousser les vagues d’ennemis. Tout ça en ayant un contrôle sur votre personnage, et sans QTE. Une prouesse typique des Uncharted, qui a parfaitement accepté la confiance du joueur pour ne pas lui prendre la manette des mains et bêtement poser une cinématique.
Tomb Raider : l’élève trop sage
L’une des influences principales d’Uncharted a été la saga Tomb Raider, pour l’esprit aventurier qui jalonnait constamment les épisodes de la belle brune. Lorsque Eidos opère un reboot de la série, il est presque logique de voir l’équipe de développement s’inspirer à son tour des aventures de Drake. Tomb Raider version 2013 récupère bon nombre d’ingrédients de la saga de Naughty Dog, à commencer par son aspect spectaculaire. Si on met de côté l’aspect survie de ce nouvel épisode qui représentera au final plus un gimmick qu’autre chose, on obtient là aussi des choses très similaires, comme cette volonté de ne pas lâcher le joueur et le laisser profiter de l’action. Le passage du crash d’avion avec cette glissade dans les rapides en évitant les empalements surprises est représentatif de l’esprit Uncharted : une succession de scènes destinées à en mettre plein les yeux en gardant le point de vue du jeu pour ne pas faire une bête cinématique.
Mais Tomb Raider arrive à trouver sa propre force, notamment par l’évolution de son personnage qui gagne de l’expérience, ou encore sur le côté ouvert des niveaux permettant d’y revenir pour en découvrir tous les secrets. Mais ces ajouts lui jouent des tours sur le storytelling et n’arrivera jamais à être aussi efficace, la faute à tous ses à-côtés qui viendront ruiner l’immersion du joueur dans la narration, en lui rappelant constamment qu’on est bien dans un jeu. Sa suite, Rise of the Tomb Raider, enfoncera le clou en noyant le joueur d’un tas de gimmick annexes (craft et ressources dans tous les sens) qui l’achèvent alors qu’il voulait juste qu’on lui raconte une histoire sans qu’il passe son temps à crafter un carquois en peau d’élan de Sibérie. À ce niveau, Uncharted est incontestablement le seul à plonger aussi bien le joueur dans une histoire et ne plus le lâcher. C’est The Last of Us qui réussira à le détrôner, mais c’est évidemment Naughty Dog qui sera derrière le jeu, renouvelant l’exploit de la plus belle des manières.
Alors, existe-t-il une recette Uncharted ? Pourrait-on dire qu’un Uncharted-like est un mélange de séquences spectaculaires, avec une touche de grimpettes et d’énigmes ? Pas simplement. Qu’est-ce qu’on retient d’un Uncharted ? Son histoire, ses personnages, l’écriture toute entière et son immense maîtrise du storytelling que peu de jeux peuvent se targuer d’obtenir. The Last of Us est peut-être le meilleur Uncharted-like qu’on puisse avoir, mais le terme serait usurpé, parce qu’il reprend finalement très peu d’éléments de gameplay. Non, il en est pourtant proche parce qu’on y ressent les mêmes choses : celui d’avoir véritablement vécu une histoire, et d’avoir été plongé dedans sans s’en rendre compte. Et le fait de l’avoir fait dans un tout autre genre que de l’aventure-action pop-corn prouve qu’on peut parfaitement réussir à reproduire son succès. Dead Space 2 l’a aussi prouvé, même si son histoire est loin d’être aussi maîtrisée. Mais on se doute que certains studios planchent déjà sur leur Uncharted-like (on murmure que Visceral Games – encore eux – bosse sur un jeu du même type dans l’univers Star Wars), et on attend de pied ferme les futurs concurrents.
la recette est simple, un peu d’Indiana Jones pour la chasse aux trésors , un peu/beaucoup de James bond pour le rythme et les situations périlleuses ou le héros sans sort sans problèmes.
Ça c’est le contenu, mais tu peux aussi dire ça de tous les Tomb Raider, de certaines quêtes de jeux open world (Witcher 3 par exemple), Resident Evil 4 ou d’autres jeux d’aventure du même genre.
Uncharted, c’est une mise en scène, une narration, un langage particulier qu’il n’est pas évident de reproduire
C’est une saga marquante qui a toute sa place au côté de metal gear, silent hill, etc… Test ici : https://bit.ly/27kb79G