Qui aurait pensé, dans les années 80, que des expositions seraient un jour consacrées aux descendants de Super Mario Bros et Prince of Persia ? Pratique culturelle et industrie de masse, le jeu vidéo repose toujours sur le savoir-faire des game designers, bien sûr, mais aussi sur celui des petites mains, à commencer par les dessinateurs et les peintres derrière les fameux croquis préliminaires ou autres concept arts… C’est surtout ces talents que l’exposition L’Art dans le jeu vidéo met à l’honneur au musée Art Ludique. En se concentrant sur les artistes français.
Petit à petit, le jeu vidéo gagne ses lettres de noblesse. En témoigne l’émergence de musées dédiés – le fameux Computerspielemuseum de Berlin dès 1997, par exemple – ou la mise en place d’expositions comme celle installée au Museum of Modern Art de New York en 2013 avec Tetris, Les Sims et Another World (cocorico !), etc. La France n’échappe pas au phénomène avec la création du Musée du jeu vidéo à Paris le 14 avril 2010. Il sera cependant fermé le 24 avril de la même année pour cause d’ascenseurs défaillants… et jamais rouvert depuis. Heureusement, le musée Art Ludique a pris le relais avec son exposition L’Art dans le jeu vidéo qui fait suite à celles sur Aardman (Wallace et Gromit), Ghibli, Marvel et Pixar.
Le titre même de l’exposition interpelle car il semble suggérer que le jeu vidéo « contient » de l’art, sans en former un à part entière. Ce n’est pourtant pas la position de Jean-Jacques Launier, fondateur du musée et commissaire de l’exposition, qui affirme sur le site officiel que le jeu incarne pour lui « l’Art Total car il fait appel au dessin, à la peinture, à la sculpture, à la création d’univers entiers et de centaines de personnages par jeu, à la mise en scène, à l’animation, au scénario, à la musique, et bien sûr à la conception d’un mode de jeu destiné à transcender l’interactivité. »
De très beaux paysages urbains réalistes ou futuristes
En réalité, L’Art dans le jeu vidéo ne cherche pas à embrasser le jeu vidéo dans toute sa complexité, un objectif qu’il serait de toute façon hardi d’entreprendre dans une simple exposition. Si des problématiques de narration et de gameplay sont bien évoquées au détour de certaines courtes interviews vidéo projetées – celle de Benoît « Syberia » Sokal notamment –, presque aucune séquence in game hors cinématique n’est montrée (et encore moins jouable). Pas forcément, car l’exposition fait le pari de se concentrer sur la dimension visuelle du jeu vidéo, et plus particulièrement sur le travail artistique en amont de la réalisation de l’œuvre. Il s’agit donc de présenter les créations des artistes (dessinateurs, peintres, mais aussi sculpteurs, cf. les argiles de Dishonored 2 au début de l’article) qui inspireront plus ou moins directement l’esthétique et l’atmosphère du jeu final : personnages, créatures, costumes, décors, etc.
Promenade dans Assassin’s Creed Unity sur écran géant
Du modeste croquis de lapin crétin au crayon de bois à la superbe peinture numérique de Néo-Paris (Remember Me), l’exposition propose plus de 800 œuvres de studios français. Ubi Soft est très clairement à l’honneur avec des jeux tels qu’Assassin’s Creed Unity (une promenade dans les rues de Paris via un écran géant courbé offre des sensations proches des casques de réalité virtuelle), Far Cry 4, Child of Light, Red Steel, Soldats Inconnus et Rayman. On retrouve par ailleurs DONTDOD (Life is Strange, Remember Me), Quantic Dream (Beyond : Two Souls, Heavy Rain) et Ankama (Wakfu, Dofus), entre autres. L’accent a aussi été mis sur des jeux prévus pour 2016 tels que Wild(nouveau projet de Michel « Rayman » Ancel), The Technomancer (RPG se déroulant dans le même univers que Mars : War Logs) et le très attendu Dishonored 2. Un bon coup de promo mais aussi un beau cadeau pour les fans.
Michel Ancel intarissable sur ses lapins crétins…
L’Art dans le jeu vidéo choisit de limiter le blabla (une présentation écrite pour chaque partie de l’expo + quelques légendes, c’est tout) pour favoriser le visuel, le tout enrobé dans une très belle scénographie. Ce qui fonctionne franchement bien. Et pour ceux qui voudraient davantage d’informations, un audio-guide permet d’écouter une vingtaine de commentaires courts et plutôt intéressants. 15,50 € l’entrée (plein tarif), cela semble un peu cher, mais la promenade dure facilement deux heures, voire beaucoup plus si l’on prend le temps d’admirer chaque œuvre. La visite pourrait même convaincre certains non-joueurs de s’intéresser au monde vidéo-ludique…
30 photos en guise d’avant-goût :
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Expo L’Art dans le jeu vidéo, du 25 septembre 2015 au 6 mars 2016 au musée Art Ludique, dans le bâtiment de la Cité de la mode et du design à Paris (34, quai d’Austerlitz, métro Gare d’Austerlitz). Les horaires sont là.
Bercé par X-Files, Les Contes de la Crypte et Les Animaux du Bois du Quat'sous, j'ai eu une enfance troublée. Une fois initié au monde de la japanime (Ghost in the Shell, Cowboy Bebop, Seirei no Moribito...), j'ai développé une fascination pour les cinémas asiatiques contemporains (Lee Chang-Dong, Johnnie To, Hirokazu Kore-eda...). Mes écrivains favoris s'appellent Philip K. Dick et G.R.R. Martin. J'aime les RPG qui se jouent à la souris (Fallout, Arcanum, Torment...) et la musique qui fait secouer la tête. Miaou !