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Fabrice du Welz : “ Faire des films sans risques n’a aucun sens…”

Fabrice du Welz : “ Faire des films sans risques n’a aucun sens…”

Pour notre plus grand bonheur, Fabrice du Welz retrouve la foi après s’être frotté au veau d’or du star system franchouillardo-pathétique de Colt 45. Violent, drôle, gore, grotesque… les facettes d’Alleluia, seconde plongée dans les relations perverses en milieu ardennais après Calvaire, sont aussi nombreuses que ses qualités, au premier rang desquelles une remarquable maîtrise formelle, une interprétation magistrale et un sacré paquet d’audaces de scénario.

Du Welz portrait

Fabrice du Welz (© Damien Grandjean)

Nous avons rencontré ce réalisateur qui n’a pas la langue dans sa poche à l’occasion du récent Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg (le FEFFS, quoi), où le jury présidé par Tobe Hooper lui a décerné une mention spéciale. Entretemps, Alleluia a également été présenté en compétition au Paris International Fantastique Film Festival (le PIFFF, donc).

Alleluia sort en salles le 26 novembre.

Retrouvez la critique du film par Gilles Da Costa ici.

 

Qu’est-ce qui vous a intéressé dans l’histoire du couple meurtrier formé par Martha Beck et Raymond Fernandez, qui faisait la une des journaux américains dans les années 1940, et comment avez-vous abordé la transposition de ce fait divers des Etats-Unis d’hier aux Ardennes d’aujourd’hui ?

Shirley Stoler et Tony Lo Bianco dans Les Tueurs de la lune de miel.

Shirley Stoler et Tony Lo Bianco (Les Tueurs de la lune de miel).

J’étais très jeune quand j’ai vu Les Tueurs de la lune de miel (The Honeymoon Killers, 1969), le film de Leonard Kastle qui raconte ce fait divers. J’ai toujours profondément aimé cette histoire, mais Alleluia n’est pas particulièrement né de la volonté de la réadapter. En réalité tout est parti de Yolande Moreau. Quand je l’ai rencontrée, j’ai tout de suite eu envie de lui écrire un rôle de méchante, un personnage très cruel, une vraie salope quoi. Je lui ai parlé de cette envie et elle m’a répondu que ça l‘amuserait beaucoup. Peu de temps après j’ai vu Carmin profond (Profundo Carmesi, 1996) où le réalisateur Arturo Ripstein prend ce fameux fait divers et le déplace dans son Mexique natal. J’ai pensé que cette idée de déplacer l’histoire ailleurs et à une autre époque était géniale et qu’il y avait là un personnage idéal pour Yolande. Avec mon camarade Vincent Tavier nous avons écrit un scénario et l’avons proposé à Yolande qui ne l’a finalement pas fait, probablement parce qu’il était trop violent et à la sexualité trop débridée. Du coup je suis parti sur autre chose, j’ai perdu le casting que j’avais commencé à constituer et j’ai mis le film de côté, ne sachant pas si j’allais le faire un jour. Puis, après l’expérience désastreuse qu’a été pour moi Colt 45, je suis retourné vers Alleluia en me disant que je devais faire ce film comme une nécessité, pour retrouver l’essence même de mon cinéma. C’était comme une urgence, quelque chose d’essentiel. A partir de là, la transposition s’est faite très simplement, j’ai considéré le fait divers comme un matériau théâtral que j’ai intégré dans un environnement que je connais bien, les Ardennes, avec une famille d’acteurs et de techniciens que j’aime et dans une économie raisonnable.

 

Laurent Lucas et Lola Dueñas dans Alleluia.

Laurent Lucas et Lola Dueñas (Alleluia).

Une proximité apparaît naturellement entre Calvaire (2004) et Alleluia par rapport aux deux autres longs métrages que vous avez réalisés, Vinyan (2008) et Colt 45 (2014). Pas seulement en raison de la présence de Laurent Lucas et du décor des Ardennes, mais aussi par le récit, les personnages, une certaine tendance à l’excès et au grotesque, et jusque dans les titres aux résonances christiques… Cette dimension grotesque a-t-elle été inspirée par l’histoire, par les personnages ou par le décor des Ardennes ?

Le grotesque est inspiré par les sentiments excessifs de personnages qui se situent au-delà du bien et du mal, qui sont comme des enfants ou des pervers polymorphes. D’ailleurs ce qui m’a toujours fasciné dans le fait divers original, c’est ce que les psychiatres appellent “la folie à deux” : des individus qui indépendamment l’un de l’autre auraient eu des parcours certes veules mais pas criminels, et qui ensemble, par la combinaison et la complémentarité de leurs personnalités, deviennent des tueurs. Ça, c’est vraiment fascinant à construire, surtout avec des acteurs de la trempe de Lola Dueñas et Laurent Lucas. Le grotesque découle assez naturellement des situations dans lesquelles ces deux personnages tortueux qui se retrouvent en terrain fragile, dans une sorte d’abandon, s’enfoncent d’eux-mêmes. Pour moi c’est très important le grotesque, et il fallait l’assumer. Sur le papier beaucoup de gens me disaient que c’était trop, que ça ne marcherait pas. Mais moi c’est ça que je cherchais justement, cette sorte de grotesque poétique.

Laurent Lucas dans Alleluia.

Laurent Lucas, énigmatique et pervers (Alleluia).

Et avec une part d’absurde puisque les personnages ne parviennent pas à se contrôler, ils gaffent sans arrêt et sont de parfaits incapables dans tout ce qu’ils entreprennent… Ce mélange des genres entre horreur et comédie est-il une façon de fermer les différentes pistes que le film aurait pu emprunter afin de mieux se concentrer sur les personnages ? Car vous filmez très proche des corps, ce qui donne l’impression que vous cherchez avant tout le cœur des personnages, leur essence…

L’enjeu principal était de rester cohérent sur le couple, de ne pas perdre de vue Gloria (Lola Dueñas) et Michel (Laurent Lucas). Les ruptures de ton sont là parce que je vais sans cesse dans l’excès, je souffle le chaud et le froid, le très chaud et le très froid, et surtout parce que je passe de l’un à l’autre sans transition. Mais il était effectivement fondamental pour moi de garder cette cohérence du couple tout en creusant la comédie, la comédie romantique, la comédie musicale, le thriller, le gore… Mais attention, je n’étais sûr de rien. La prise de risque était totale sur ce film ! Déjà, il fallait être un peu inconscient pour reprendre Les Tueurs de la lune de miel… Mais aujourd’hui, alors que j’ai quand même acquis un peu d’expérience, que j’ai vu le feu à plusieurs reprises, d’ailleurs ça a parfois été douloureux, je n’envisage toujours pas, jamais, de faire des films autrement qu’en prenant des risques. Faire des films sans risques n’a aucun sens, j’ai besoin de me mettre en danger, parfois même physiquement. Ça me procure de l’énergie, ça me rend vivant et libre. En fait voilà : Alleluia est un film libre. Ça ne veut pas dire qu’il est réussi, mais il est libre. Alors bien sûr ces ruptures de ton sont une prise de risque dans un contexte très propice, mais par exemple la séquence de comédie musicale, avec la chanson de Gloria, je n’étais pas sûr du tout de la garder. On l’a tournée, à la table de montage je l’ai gardée, à la première vision les gens ont réagi différemment, mais moi je restais focalisé sur Gloria et Michel. Tant que leur histoire d’amour restait cohérente, ça m’allait. On est constamment avec eux, attentifs au dérèglement de leur système entropique, à la dichotomie entre la volonté d’amour fou, transcendante d’idéal de Dieu, d’amour et de foi, et cette immanence d’instinct, de bestialité et de pulsion.

Jackie Berroyer et Laurent Lucas dans Calvaire.

Jackie Berroyer et Laurent Lucas (Calvaire).

Ces ruptures de ton se font au risque du ridicule, comme dans Calvaire. Là encore les deux films se répondent…

Ce sont effectivement deux films sur le fil, alors que Vinyan est plus sérieux, plus métaphorique, plus visuel et plus expérimental. J’y ai aussi pris des risques mais là, maintenant, avec le temps j’ai appris à ne plus passer en force. Si j’ai un petit budget, ça ne sert à rien d’avoir des ambitions démesurées. J’ai fait deux fois la même connerie, sur Vinyan et sur Colt 45, et aujourd’hui j’ai compris que les ambitions doivent être à la hauteur du budget.

Dans Vinyan cette ambition fonctionne plutôt bien, grâce à l’aspect expérimental et métaphorique justement.

Ce n’est pas à moi d’en parler mais, avec le recul, même si j’aime profondément ce film, qu’il est très cher à mon cœur et que j’ai vécu une grande histoire de tournage comme j’en avais toujours rêvé, l’équilibre n’est pas le bon. J’ai péché par jeunesse, par fougue, par enthousiasme, et là non plus je n’ai pas pu m’empêcher de prendre des risques. Ce n’est pas une pose, vraiment. Je ne peux tout simplement pas m’empêcher de me dire qu’à chaque film, je vais tout jouer.

Les enfants sauvages de Vinyan.

Les enfants sauvages de Vinyan.

D’un film à l’autre cette liberté dont vous parliez semble gagner du terrain, notamment dans votre rapport aux acteurs. Pensez-vous qu’avec Alleluia, aussi bien dans le travail avec l’acteur que dans la plastique de l’image, ici en 16 mm, vous avez enfin trouvé votre style ?

Je pense que ça peut encore évoluer. Je choisis de tourner en pellicule parce que ça me paraît une évidence en tant que cinéaste. Quant aux acteurs ma méthode est très particulière, j’investis profondément les scènes. Je suis autant acteur qu’eux, même si je ne suis pas filmé. Je leur parle, je leur dis de refaire, je prends la caméra, je modèle… C’est très physique. Tout ça se fait d’une manière très bienveillante et en collaboration, mais je vis la scène avec eux, je leur crie dessus pendant les prises.

Fabrice du Welz dirige Laurent Lucas et Lola Dueñas. (© Kris Dewitte)

Fabrice du Welz dirige Laurent Lucas et Lola Duenas. (© Kris Dewitte)

C’est l’ingé son qui doit être content…

Ah oui, c’est terrible ! Mais c’est une équipe que je connais, ils sont habitués. Et de toutes façons je ne peux pas faire autrement, je ne suis absolument pas un metteur en scène qui reste derrière son combo et dit “action” et “coupez”, je ne sais pas faire ça. Je suis sous la table ou à côté des acteurs, je les pousse tout le temps. Sur certaines scènes d’Alleluia il y a un bond incroyable qui est fait par les acteurs entre la première et la dernière prise, parce qu’on était attentif, qu’on avait envie d’aller plus loin ensemble, de creuser, de réinventer. Oui, j’ai trouvé une manière de travailler avec les comédiens qui me convient, et je ne veux plus m’emmerder avec des gens qui font ce métier pour d’autres raisons que les miennes, des gens nocifs qui ne sont pas constructifs. Ça ne m’intéresse pas, j’ai besoin de sentir qu’on a envie de travailler et de se dépasser. Ça fait quand même un petit moment que je fais des films, et pour moi c’est essentiel. Ça paraît con à dire mais ce n’est pas du tout quelque chose que je fais en dilettante. C’est une vraie foi, j’ai commencé à faire du cinéma comme on entre en religion. Je crois profondément à ce que je fais et si je n’ai pas encore goûté au gros succès d’un film, je m’en fous. Je m’en fous de faire des millions d’entrées. Bien sûr je sais que c’est une industrie et je cherche à trouver un équilibre économique, mais si le prix à payer c’est de faire des films à un ou deux millions d’euros toute ma vie, je le ferai.

Gérard Lanvin, acteur dans Colt 45.

Gérard Lanvin, acteur dans Colt 45.

Joey Starr, acteur dans Colt 45.

Joey Starr, acteur dans Colt 45.

Dans ce cas, comment avez-vous été amené à réaliser Colt 45 ?

Visuellement, mes films ont une facture que certains trouvent parfois intéressante, alors il arrive qu’on m’appelle… Je me suis perdu sur Colt 45, en tout cas j’ai eu d’énormes difficultés à traverser cette expérience, et maintenant je veux être entouré de gens bienveillants. J’ai compris beaucoup de choses en travaillant dans le star system avec des acteurs qui cachetonnent, qui prennent beaucoup d’argent et qui se foutent complètement de toi. Je l’ai fait une fois et je ne le referai plus. Colt 45 m’a vacciné. Si je dois repartir sur un film de commande, je le ferai avec plaisir mais à condition que ce soit avec des gens compétents. Je ne partirai plus comme ça, la fleur au fusil, entouré de gens… étranges.

Revenons aux bons acteurs, ceux d’Alleluia. Comment les dirigez vous pour obtenir des scènes aussi fortes que celle de la crise de Gloria ?

Lola Dueñas, belle et cinglée dans Alleluia.

Lola Dueñas, belle et cinglée (Alleluia).

Lola Dueñas est capable de monter très vite et très haut. C’est un volcan d’émotions qui, du coup, n’est pas toujours dans ses marques, ce qui est un problème parce que mon cinéma est assez technique. Laurent, lui, est tout le contraire, une véritable horloge suisse, très dans ses marques, pouvant reproduire un même jeu ou jouer sur d’infimes variations. Ce sont deux énergies très différentes et, dans une séquence comme celle que vous évoquez, l’énergie est très volontaire, c’est-à-dire que j’investis la scène, je pousse Lola qui répond très vite. Même si à l’écran ça ne transparait jamais, il y avait aussi des tensions assez fortes entre Laurent et Lola, hors champ, pour mille et une raisons. Et ce jour-là j’ai bénéficié de ces tensions, mais j’ai poussé énormément les choses. Un film m’a profondément accompagné pendant toute la préparation et la production d’Alleluia, c’est Possession de Zulawski (1981). Il y a quelque chose dans l’hystérie, dans l’excès qui me plait énormément chez ce cinéaste et en particulier dans ce film, la théâtralité, les regards caméra, la distanciation, un aspect borderline et grotesque qui s’incarne…

Anna (Isabelle Adjani) dans Possession d'Andrzej Zulawski, une référence pour le personnage de Gloria.

Isabelle Adjani dans Possession, une référence pour le personnage de Gloria.

Même si ses derniers films sont ce qu’ils sont et que, comme beaucoup de grands maîtres, il a aujourd’hui du mal à tourner, Andrzej Zulawski a connu un état de grâce, une espèce de pulsion, un cinéma éminemment physique. J’ai montré beaucoup d’extraits de Possession à Lola pendant la préparation pour lui faire comprendre vers quels excès je voulais qu’elle aille. Ensuite, bien sûr, l’équilibre des scènes se fait ou ne se fait pas, mais il était important pour moi d’investir les comédiens, de les pousser. C’est ce que j’ai beaucoup fait avec Héléna Noguerra aussi, dans le dernier acte.

Dans Les Tueurs de la lune de miel de Leonard Kastle, Martha est infirmière et dans Alleluia, Gloria est thanatopractrice. Pourquoi avoir choisi de mettre le personnage de l’autre côté de la barrière entre la vie et la mort ?

Le film joue sans arrêt sur la dualité Eros / Thanatos. Les personnages sont vraiment guidés en alternance par une pulsion de mort et une pulsion de vie. Ce qui m’intéressait aussi c’est la théâtralité de la structure, le fait qu’une scène réponde à une autre, comme le fait qu’elle lave un mort au début puis qu’elle lave Michel par la suite. Dans un premier temps Gloria est dans un rapport morbide, puis elle s’illumine. Mais ça, ce n’est que mon interprétation a posteriori

Laurent Lucas et Lola Dueñas (Alleluia)

Laurent Lucas et Lola Dueñas (Alleluia).

Au moment où vous avez proposé Alleluia à Yolande Moreau, était il déjà question d’une trilogie ardennaise que vous auriez initiée avec Calvaire ?

Secrètement, j’ai toujours voulu faire quelque chose avec Laurent Lucas sur plusieurs films. C’est un acteur formidable d’ailleurs honteusement sous employé par le cinéma français, surtout par rapport aux cachetonneurs dont on parlait tout à l’heure. Mais cette idée s’est construite par paliers, je n’avais pas vraiment pensé à une trilogie mais plutôt à faire des ponts entre les personnages. Très vite, le personnage dans Alleluia s’est appelé Gloria, ce qui m’amusait, il y avait même Marc Stevens (personnage interprété par Laurent Lucas dans Calvaire, NDRF) qui revenait, mais ça devenait un peu complaisant. Tout ça s’est épuré avec le temps, à une époque où je travaillais sur beaucoup de projets dont la plupart se sont cassés la gueule. Quand je suis revenu de Colt 45 tout s’est éclairé et l’idée d’une petite trilogie autour de Laurent s’est dessinée. C’est pas pour faire le malin, parce que ça peut paraître un peu pédant de vouloir faire une trilogie, mais parce que maintenant que le troisième volet prend forme il commence à y avoir une vraie cohérence à tout ça. Il y a quelque chose qui m’amuse dans cette conjonction de trois films, même si chacun d’eux pourra se voir indépendamment des autres.

Peut-on en savoir plus sur ce que raconte ce troisième opus à venir ?

Tout ce que je peux dire c’est que ça se déroulera à nouveau dans les Ardennes et qu’il y aura Laurent Lucas. Ce sera probablement aussi adapté d’un fait divers.

Fabrice du Welz au FEFFS. (©Ray Fernandez, ouais je sais, c'est flou)

Fabrice du Welz au FEFFS. (Copyright Ray Fernandez. Ouais je sais, c’est flou.)

Ce ne sont pas les faits divers qui manquent dans les Ardennes… Un biopic de Michel Fourniret ?

Effectivement ce n’est pas ce qui manque dans les Ardennes, mais ce sera plus probablement inspiré d’un fait divers américain. Cela dit je me suis énormément passionné pour l’histoire de Fourniret. Une histoire sordide, atroce. Les gamines rescapées, celles qui ont pu échapper à son emprise, parlent toutes de son regard de serpent, froid et impassible. C’est une véritable machine à tuer, il est trop froid pour moi. J’ai besoin qu’un personnage puisse véhiculer des sentiments, j’ai besoin que la passion réponde à la pulsion. Comme dans Alleluia.

Propos recueillis par Ray Fernandez le 20 septembre 2014 à l’occasion de la 7e édition du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg.

 

Alleluia. En salles le 26 novembre 2014.

France. 1h30. Réalisé par Fabrice du Welz. Avec Laurent Lucas, Lola Dueñas, Héléna Noguerra, Edith Le Merdy, Anne-Marie Loop…


Alleluia de Fabrice Du Welz : Bande annonce par carlottafilms

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