FEFFS 2013 part 2 : the sequel

FEFFS 2013 part 2 : the sequel

Le Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg se poursuit avec toujours plus de films en provenance de toujours plus des quatre coins du monde. Mais en quoi diable ce festival est-il européen? vous demandez-vous. Je manque de place pour vous l’expliquer, parlons plutôt des films.

Comment ne pas trouver formidable qu’un festival réunisse 500 spectateurs selon les organisateurs, 498 selon la police, pour une projection de Retour vers le futur en plein air, sous des trombes d’eau et  en VF s’il vous plait ? Quant à la compétition internationale, elle avait démarré plutôt sagement mais monte en puissance avec deux films qui se distinguent du lot : The Returned et Big Bad Wolves.

The Returned aborde le thème du zombie d’une manière atypique, selon un postulat proche de la minisérie britannique In the Flesh. De nos jours, un virus fait passer les infectés de vie à trépas puis de trépas à vie. Heureusement il existe un traitement à prendre quotidiennement afin de mener une vie normale, à condition d’avoir été soigné dès les premiers temps de la contamination.

The Returned, de Manuel Carballo

Si la nature métaphorique du virus donne l’impression d’être en terrain balisé, les orientations choisies par le réalisateur espagnol Manuel Carballo – l’amour à mort d’une jeune femme et d’un infecté, le coût du traitement pour la société, la discrimination des malades au risque de la déportation – apportent une vraie originalité à un film qui décevra peut-être les fans de chairs putréfiées mais ravira tout amateur de suspense et de tragédie romanesque.

Les loups entre eux

Saluons surtout le tour de force du duo de réalisateurs israéliens Navot Papushado et Aharon Keshales, déjà responsable d’un remarqué Rabies en 2010 et revenant aujourd’hui avec Big Bad Wolves, une comédie noire qui ne baisse jamais de rythme et tient en équilibre sur le fil de son subtil sens de l’humour pendant près de deux heures. Plus qu’une comédie noire d’ailleurs, les deux réalisateurs inventent un nouveau genre : la torture porn comedy. Partant de la traque d’un homme soupçonné de pédophilie, le film dévie peu à peu vers l’horreur la plus sombre sans que le spectateur ne perde le sourire, avec en filigrane la satire d’un pays en guerre et d’une population israélienne paranoïaque.

Big Bad Wolves, de Navot Papushado et Aharon Keshales

Brillant, Big Bad Wolves fonctionne grâce à sa mise en scène d’une rigueur remarquable qui imprime une légèreté de ton sans jamais sombrer dans la vulgarité, ce qui est loin d’être le cas de Bad Milo, délire coloscopsychanalytique signé Jacob Vaughan qui commence par déclencher quelques éclats de rire, laissant planer l’ombre bienfaitrice de Frank Henenlotter, mais confirme vite un vieil adage : les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures.

Signe des temps ou hasard de la sélection, cette édition du FEFFS est décidément placée sous le signe de l’humour noir puisque Love Eternal de l’Irlandais Brendan Muldowny aborde par la bande le thème du suicide à travers le personnage solitaire et dépressif de Ian, qui découvre l’amour nécrophile en aidant de jeunes femmes à mettre fin à leurs jours. Mignon tout plein et joliment filmé, le film perd malheureusement son enjeu dans le dernier acte.

Smartphone but not smartfilm

App, de Bobby Boermans

Premier film officiellement transmedia, le néerlandais App peut se voir comme un long métrage projeté de manière traditionnelle sur un écran. Mais vous pouvez aussi télécharger une application sur votre smartphone, appli qui fonctionne uniquement durant la projection grâce à sa synchronisation avec la bande son du film. Véritable prouesse technique selon les spécialistes, cet astucieux procédé serait-il susceptible d’engendrer une nouvelle façon de consommer les films ? Ayant volé le smartphone dernier cri de John Plissken, j’ai pu tenter l’expérience. Ma conclusion est que l’appli permet de passer le temps pendant les quatre-vingts pauvres minutes que dure le film de Bobby Boermans. Non qu’elle soit passionnante en soi, cette appli – vous pouvez voir certains contrechamps, recevoir des infos sous forme de clins d’œil, connaître le contenu de sms échangés entre les personnages… – mais elle a le mérite de poser une question théorique assez fondamentale sur la limite de ce qu’il est bon de dévoiler ou non au spectateur selon que l’on souhaite entretenir le suspense ou au contraire ménager la surprise. Non, ce qui m’inquiète vraiment dans tout ça c’est que l’appli fonctionnait alors que le téléphone était en mode avion. Je croyais pourtant que rien ne passait en mode avion ? On nous cache des choses, je vous le dis !

Passons rapidement sur Kiss of the Damned, premier long métrage de Xan Cassavetes filmé avec un mauvais goût qui finirait par faire style si on pouvait un tant soit peu s’intéresser aux intarissables arguties existentialistes de ces vampires chics et tocs, pour aller voir du côté des autres sections du festival.

 Salade verte

Corruption, de Robert Hartford-Davis

En séance spéciale, le rarissime Corruption de Robert Hartford-Davis, pas rarissime pour longtemps à en croire la copie parfaitement remastérisée qui annonce sans doute une prochaine édition DVD. Dans cette relecture des Yeux sans visages de Franju, l’immense Peter Cushing tente de redonner un visage séduisant à une Sue Lloyd défigurée par un accident de shooting de photos de mode, ce sont des choses qui arrivent. Cheesy mais fun avec sa poursuite au pas de course légèrement accélérée préfigurant involontairement Benny Hill, Corruption vire de manière inattendue vers un home invasion où une bande de hippies (on est en 1968) séquestrent le très distingué Cushing et son épouse. Mention spéciale au hippie Groper (David Lodge), sosie dégénéré de John Lennon qui, pour avoir l’air bien dégueu, fait des grimaces avec la bouche pleine de laitue. Miam.

Cette sixième édition du FEFFS s’intéresse également à l’icône de la culture populaire mexicaine, le mythique El Santo. Parmi les films proposés, Santo el enmascardo de plata vs la invasion de los marcianos, en français ça donne Superman contre l’invasion des martiens, de Alfredo B. Crevenna (1967).

Nos héros sont morts ce soir, de David Perrault

Je n’avais jamais vu de film de Santo. Ben voilà, ça, c’est fait. Mais puisque nous parlons catch, sachez que la section “Crossover” proposait hors compétition Nos héros sont morts ce soir. Dans un noir et blanc somptueux, ce premier long métrage de David Perrault plonge au cœur d’années 60 fantasmées où Le Spectre, catcheur professionnel attaché aux valeurs d’amitié et d’intégrité, se heurte à l’impitoyable loi du milieu. Nous reviendrons sur ce remarquable film noir à l’occasion de sa sortie en salles.

Dans notre prochain épisode du FEFFS 6e édition, nous ferons un tour sur une base scientifique assiégée par d’étranges créatures, nous rencontrerons une enfant aux pouvoirs surnaturels et retrouverons un fameux mercenaire latino armé de sa non moins fameuse machette…

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