
FEFFS 2013 part 3 : Machete Kills !
Trois mille zombies titubant dans les rues strasbourgeoises, ça ne passe pas inaperçu. Mais pour le cinéphage, l’intérêt du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg se trouve plutôt dans les salles. Dernière étape de la compétition internationale jusqu’à la clôture en forme de feu d’artifice avec Machete Kills.
L’histoire du nouveau film Grindhouse de Robert Rodriguez (présenté hors compétition) se résume aux propos tenus par Machete lui-même : “Machete don’t die, Machete kills !” L’homme qui parle de lui à la troisième personne est donc de retour, il n’est pas content et il le fait savoir pendant 1h45 aussi réjouissantes qu’épuisantes. Meilleur que le premier opus, Machete Kills reste tout de même le demi-navet qu’était son prédécesseur, une qualité sans laquelle il perdrait sa saveur et aurait du mal à s’accorder avec la prestation évasive de Danny Trejo. L’ensemble du casting est d’ailleurs au diapason puisque ceux qui ont survécu au précédent épisode (Jessica Alba, Michelle Rodriguez, Tom Savini) sont rejoints par la sublime Amber Heard, Cuba Gooding Jr. (pour une fois pas trop mauvais), Sofia Vergara (la Gloria de Modern Family) ou encore une Lady Gaga en roue libre (pourrait-il en être autrement ?). Côté guests aussi, il y a du lourd : Carlos Estevez (aka vous savez qui) en Président des Etats-Unis légalisateur de la marijuana et maniaque des armes à feu, et un remarquable Mel Gibson qui parvient à ne pas s’auto-parodier ce qui, vu les circonstances, relève de l’exploit. Côté références, la machine fonctionne à plein régime et en distribue pour tous les goûts et toutes les générations de spectateurs, allant même jusqu’à citer l’air de rien un plan de Mad Max. On sort de ce spectacle complètement lessivé. Machete kills, oui, je vous le confirme.
Enfants terribles
Dans la dernière ligne droite de la compétition internationale, Dark Touch de Marina de Van. La réalisatrice de Ne te retourne pas et Dans ma peau s’intéresse une nouvelle fois à un personnage féminin qui apprend peu à peu à connaître sa nature profonde. Il s’agit de Neve, une enfant de 11 ans victime de maltraitance qui se découvre des pouvoirs télékinésiques dont elle va user pour se venger des adultes. Sur les traces de Carrie, Neve est un personnage à la fois attachant et terrifiant, filmé avec une grande sensibilité par la réalisatrice qui porte un soin particulier à une direction artistique exploitant admirablement la lumière blafarde des hivers irlandais. Car le film n’a pas pu être tourné en France parce que la DDASS a rejeté un scénario qu’elle aurait jugé trop dur pour que des enfants puissent y tenir un rôle. Il est regrettable de constater que des autorités estimées compétentes aient du mal à faire la part des choses entre ce qui se déroule sur un plateau de tournage et ce qui est projeté sur un écran. Toujours est-il que l’atmosphère irlandaise réussit très bien à une mise en scène de la peur qui recherche l’intimité avec un personnage dans un cadre composé plutôt que la tension artificielle dans l’urgence d’une caméra qui s’agite en tout sens. Une leçon dont pourrait s’inspirer le réalisateur de The Station.
ADN que pourra
Une station d’observation scientifique est assiégée par une redoutable créature qui fusionne son ADN avec celui des humains… Si vous pensez avoir déjà vu ça dans un film d’horreur du début des années 80, c’est que vous connaissez vos classiques. En situant l’action de The Station sur un glacier des Alpes autrichiennes, Marvin Kren, réalisateur de Rammbock en 2010, assume l’héritage de The Thing et tente le périlleux exercice de donner une nouvelle jeunesse au film de monstres. Croit-il réellement y parvenir en lui apportant un sous-texte écolo et une dimension parodique ? Si l’arrivée dans la station d’une ministre façon Angela Merkel plus tyrannique que nature amuse passablement la galerie et si le scénario pousse loin son sujet avec un charmant bébé homocanidé, le film manque sa cible. La raison est simple : abus de shaky cam et parodie mal dégrossie nuisent gravement à la terreur !
La synthèse de toutes les peurs
Le vrai film de monstre de cette sélection cache bien son jeu, c’est Borgman de Alex van Warmerdam. Un homme surgit de nulle part et le monde bascule… De Théorème à Twin Peaks en passant par Schizophrenia, l’idée est loin d’être nouvelle. C’est le traitement que lui confère le réalisateur néerlandais, fidèle à son humour absurde et noir depuis Abel (1986) et Les Habitants (1992), qui lui donne toute sa force. Dès le moment où Borgman frappe à la porte de cette maison de banlieue cossue, la famille qui y réside est précipitée dans un tourbillon de désir et d’angoisse jusqu’à échapper à la réalité. Le film préserve longtemps le mystère des motivations d’un personnage aussi providentiel que monstrueux, qui synthétise nos peurs et n’en finit pas de poser question bien après la projection. La compétition internationale s’achevait ainsi sur une note élevée avec ce qui ressemble fort à un chef d’œuvre.
Divine surprise
A l’impossible nul n’est paraît-il tenu. Je n’ai malheureusement pas eu la force d’explorer plus avant une section documentaire pourtant alléchante avec notamment Rewind this ! consacré à l’histoire de la VHS, et Journey to Planet X sur deux scientifiques qui assouvissent leur passion en tournant un film de SF avec trois bouts de ficelle, une compétence limitée et beaucoup d’enthousiasme. J’ai néanmoins pris le temps de retrouver la muse de John Waters dans I Am Divine, consacré à la vie et l’œuvre de l’icône de la contre-culture étatsunienne. Ce documentaire hagiographique et un peu trop “talking heads” (un docu télé américain, quoi) vaut surtout pour d’émouvantes et euphorisantes séquences, en particulier une reconstitution du film Zapruder sur l’assassinat de JFK avec Divine dans le rôle de Jackie Kennedy, ou encore cette scène incroyable où l’acteur travesti se fait violer par un homard. Il fallait oser, elle l’a fait.
Midnight movies
Peut-être aurais-je eu la force de voir plus de documentaires, d’assister à la compétition de jeux vidéos indépendants ou de rencontrer Michel Landi, auteur de bon nombre d’affiches mythiques des années 60 à 90 (les affiches françaises d’Il était une fois dans l’Ouest, de Duel, de Fog, c’est lui !) si je ne m’étais couché à pas d’heure tous les soirs à cause de la section “Midnight Movies”. Entre le rigolo Big Ass Spider, le found footage de nazizombification Frankenstein’s Army, le flippant (mais moins que le premier) V/H/S 2, et l’indien moins bollywoodien que stoner movie (et d’un très bon esprit) Go Goa Gone, c’est The Battery qui laisse la plus forte impression. Ecrit, réalisé et interprété par Jeremy Gardner, ce petit film de zombies, d’allure auteur Sundance, pallie son manque de moyens par une constante inventivité de son scénario et de sa mise en scène, sans jamais donner l’impression de faire cache-misère. Une véritable prouesse, un film qui aurait mérité sa place en compet’, et un réalisateur à suivre !
Dans notre prochain et dernier épisode du FEFFS 6e édition, nous serons en compagnie de Daniel Cohen, Directeur artistique du festival, pour tirer le bilan de la manifestation et commenter le verdict du jury présidé par Lucky McKee.