FEFFS 2013 part 4 : the final chapter

FEFFS 2013 part 4 : the final chapter

La 6e édition du Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg referme ses portes. Debrief et palmarès en compagnie de Daniel Cohen, sélectionneur et directeur artistique du festival.

 

Composé du scénariste et réalisateur Lucky McKee, de l’acteur Carlos Areces, du musicien et critique de cinéma Julien Gester, de l’acteur Tómas Lemarquis et du producteur Travis Stevens, le jury long métrage de cette 6e édition du FEFFS a rendu son verdict (la définition des récompenses est donnée dans l’entretien qui suit).

Un prix du public a également été décerné grâce au vote des spectateurs après les projections.

 

Palmarès

Octopus d’or : Kiss of Damned, de Xan Cassavetes

Méliès d’argent : Borgman, de Alex van Warmerdam

Mention spéciale du Jury : Dark Touch, de Marina de Van

Prix du public : Uma História de Amor e Fúria, de Luiz Bolognesi

Un jury court métrage a également décerné ses prix départageant 23 films en en trois catégories (internationale, française, animation) :

Octopus d’or : Yardbird, de Michael Spiccia

Méliès d’argent : No tiene gracia, de Carlos Violadé

Mention spéciale du Jury : The Hunt, de Spencer Estabrooks

Prix Made in France : The Things they Left Behind, de Guillaume Heulard et Stéphane Valette

Prix Animation : Pryg-Skok, de Leonid Shmelkov

Prix du public : Yardbird, de Michael Spiccia

Le jury de la compétition de jeux vidéo indépendants (poétiquement intitulée “Indium Game Contest” 2K13) a donné ses prix (non moins poétiquement baptisés Octopix) à :

Octopix (jeu complet) : Element4l, de i-illusions

Octopix (work in progress) : Pathogen, de Zach Bohn

 

Entretien avec Daniel Cohen, Directeur artistique du FEFFS

Daniel Cohen.

D’où est venue l’idée, il y a six ans, de créer un festival de films fantastiques à Strasbourg ?

On a commencé en 2006 avec une rétrospective de films de la Hammer, on avait appelé ça le “Hammer Film Festival”, tout simplement parce qu’on était un groupe de quelques fans des productions du studio anglais et qu’on avait envie d’en montrer. On avait réuni une dizaine de films provenant des cinémathèques : Le Cauchemar de Dracula, La Revanche de Frankenstein, La Gorgone, La Femme reptile, Quatermass, Quatermass and the Pit, La Malédiction des pharaons, et on avait invité Jimmy Sangster, le scénariste de Terrence Fisher. Il n’était pas du tout prévu de refaire une édition l’année suivante mais on avait tellement pris plaisir à faire ce travail d’archéologue, sélectionner, retrouver la trace des films, qu’on a eu envie de montrer d’autres choses. Alors en 2007 on a fait une édition dédiée à la science-fiction, avec une soirée space opera où on a montré Flash Gordon et Starcrash, Luigi Cozzi nous avait d’ailleurs fait le plaisir de venir. On avait aussi fait une soirée Jack Arnold avec ses deux films 35 mm projetés en 3D, L’Etrange créature du Lac Noir et Le Météore de la nuit.

Donc au départ le festival était uniquement composé de rétrospectives ?

Oui mais je circulais déjà pas mal dans d’autres festivals et j’avais pris une grosse claque au BIFFF, le Festival de Bruxelles où ils montrent vraiment toutes les nouveautés, pour le meilleur et pour le pire, en même temps que des rétros très bien faites. Et j’adorais ça, sortir de la projection d’un film récent pour aller voir Maniac en présence de William Lustig ! J’avais l’impression qu’il n’y avait pas vraiment d’équivalent chez nous. Bien sûr des festivals de fantastique existaient déjà en France mais, par ailleurs, j’avais aussi envie de mettre l’accent sur la création européenne. On a alors établi une compétition de films fantastiques européens en 2008, avec six films en compétition et un jury présidé par Lamberto Bava, qui a remis le prix qu’on avait créé pour l’occasion, l’Octopus, à Fabrice du Welz pour Vinyan. La machine était lancée, et l’année suivante on a eu Roger Corman en président de jury.

La zombie walk du FEFFS, une occasion de faire de belles rencontres !

Comment le festival est-il devenu compétitif ?

C’est en 2010, lorsque Brian Yuzna était président du jury, qu’on a commencé à décerner le Méliès d’Argent car on était devenu membre de la Fédération Européenne des Festivals Fantastiques, ce qui ne s’était jamais fait en France. Il y a donc désormais le Méliès d’Argent pour la France, comme il y chaque année un Méliès d’Argent pour la Belgique avec le BIFFF, la Suisse avec Neuchâtel, les Pays-Bas avec le festival d’Amsterdam, l’Angleterre avec Leeds, etc. Et les neuf Méliès d’Argent de l’année concourent pour le Méliès d’Or qui est décerné en octobre prochain au festival de Sitges, en Espagne. J’ai toujours trouvé intéressant de travailler avec d’autres festivals, de voir comment ça se passe ailleurs, d’avoir des échanges, de s’entraider. Et puis c’est réconfortant de rencontrer des gens qui ont les mêmes difficultés que vous (rires).

A partir de quel moment la compétition s’est-elle ouverte à l’international ?

En 2011, lorsque George Romero était président du jury. Il avait remis l’Octopus à The Woman de Lucky McKee. C’était la première fois qu’on avait à la fois le prix du festival international et le Méliès d’argent, le prix européen. On a reconduit ce principe en 2012 quand Mick Garris était président, puis cette année avec Lucky McKee, président à son tour.

Comment se déroule la sélection des films pour un festival tel que le FEFFS ?

Il y a des films qu’on nous soumet spontanément, d’autres que l’on voit sur des marchés du film, certains en screener. Ce n’est pas toujours facile d’obtenir les films, ça dépend du distributeur, des enjeux qu’il y a derrière, des questions de premières ou d’exclusivité dans d’autres festivals, à l’international ou en France. Les cas de figure peuvent être très différents. La très grande majorité des films qui ont été sélectionnés cette année n’avaient pas de distributeur français au moment où nous avons essayé de les obtenir. Nous avons donc essentiellement travaillé avec des vendeurs internationaux, ou parfois aussi en direct avec les producteurs.

Big Bad Wolves, de Navot Papushado et Aharon Keshales, en compétition.

Le fait d’avoir vu beaucoup de films pour préparer cette sélection 2013 vous permet-il de déterminer des tendances dans le cinéma fantastique actuel ?

Il y a plusieurs tendances. Ces dernières années on a eu des vagues de films très horrifiques, des torture porn très durs avec notamment toute une école française qui est assez appréciée pour ça à l’étranger. Et puis il y a une vague de films que je trouve très intéressants et qu’on a programmés aussi bien en compétition qu’en section “crossover”, des films comme Borgman, Big Bad Wolves, Cheap Thrills qui mélangent les genres en ajoutant une forte dose d’humour noir. Des films de genres pas toujours très identifiables, qui ne sont pas enfermés dans un carcan et sont assez subtils et complexes, jouant avec le fantastique, l’horreur et l’humour. Et qui, surtout, ont des histoires à raconter !

Que pensez-vous du palmarès de cette année ?

Kiss of the Damned, de Xan Cassavetes, Octopus d’or.

D’une manière ou d’une autre j’aime tous les films qui étaient en compétition sinon je ne les aurais pas sélectionnés. Donc j’aime naturellement ce palmarès même si Big Bad Wolves, qui est un des films que j’ai vraiment beaucoup aimé cette année, en est absent. Néanmoins Kiss of the Damned et Borgman sont pour moi parmi les meilleurs films de la sélection. Kiss of the Damned est une très belle variation sur le thème du vampirisme, à la fois moderne et respectueuse des codes, qui par sa mise en scène, sa façon de montrer les choses de manière très crue, sa charge érotique, fonctionne sur un registre très sensoriel. Mais les délibérations du jury ont été âpres et Kiss of the Damned ne faisait apparemment pas l’unanimité. C’est normal, après tout la programmation était assez éclectique et le jury regroupait des sensibilités très différentes. Quant à Borgman, c’est un film d’une richesse incroyable, d’une étrangeté permanente et qui a beaucoup de choses à dire sur la famille ou en tant que critique sociale. C’est selon moi un des grands films de l’année. Je suis donc content de ce palmarès, et je trouve également très bien d’avoir attribué une mention spéciale à Marina de Van pour ce film singulier, très esthétique et perturbant qu’est Dark Touch.

Borgman, de Alex van Warmerdam, Méliès d’argent.

C’est la première année qu’il y a aussi une compétition de jeux vidéo indépendants au FEFFS. Quel bilan en tirez-vous et comptez-vous renouveler l’expérience l’an prochain ?

Nous allons continuer. Nous sommes les premiers à avoir fait ça en France et de nombreux créateurs nous ont contactés pour nous proposer leurs jeux, qu’ils soient terminés ou en work in progress. C’était très excitant, en termes de programmation, de se lancer sur ce terrain encore en friches et très foisonnant. On pourrait presque créer des sections : expérimentale, stratégie, horreur… Il y a beaucoup à faire dans ce domaine et j’ai pris énormément de plaisir à organiser cette compétition. Je ne suis pas un hardcore gamer, question de temps, mais j’essaie quand même de suivre un peu ce qui se passe. Je suis impatient de voir ce que propose la PS4 et la prochaine Xbox aussi, voir un peu les jeux qui vont suivre. A la maison j’ai une Wii U, une PS3 et une Xbox 360. La Wii U était très critiquée mais en fait elle propose une expérience très intéressante avec le pad, quand tu joues à Zombie U tu as une carte sur le pad et tu entends ce que te dit ton sidekick dans l’oreille !

Lucky McKee, Président du Jury long métrage, captivé par les propos de Daniel Cohen.

Une importante manifestation consacrée au cinéma fantastique se déroule depuis de nombreuses années à Gerardmer, qui est géographiquement assez proche de Strasbourg. Existe-t-il une compétition entre festivals ?

Au FEFFS, on essaie vraiment de faire la meilleure programmation possible, on voit des films, on a envie de les montrer, c’est ce qui nous motive. De fait on ne demande pas d’exclusivité sur les films et, s’il s’avère que nous avons eu cette année beaucoup de premières françaises et européennes, ce qui nous fait bien entendu plaisir, ce n’est pas du tout un critère de sélection pour nous. Je n’ai jamais voulu faire notre festival contre un autre mais plutôt rester sur une énergie positive et faire le meilleur festival qu’on puisse faire, avec nos moyens, dans le lieu où on se trouve et avec les choix de programmation qui nous plaisent. C’est vrai que la question de l’exclusivité ou de l’avant-première peut paraître importante en termes de presse et de rayonnement, mais je pense que les choses ont beaucoup changé, il y a de plus en plus de films qui se font et de moins en moins qui sortent en salles ou sont édités en DVD. Dans ce contexte, le plus important n’est-il pas avant tout de montrer des films qui risqueraient de ne pas être vus ? Les festivals sont précieux car ils sont souvent la seule occasion de voir des films sur grand écran.

Propos recueillis par Ray Fernandez. Photos de Nicolas Busser. Merci à Lucie Mottier (Dark Star) et à toute l’équipe du FEFFS.

Dans un prochain épisode bonus de la 6e édition du FEFFS, nous nous retrouverons en tête à tête avec le Président du Jury Lucky McKee, également venu présenter hors compétition son nouveau film : All Cheerleaders Die.

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