
FEFFS 2015 : The Survivalist, de Stephen Fingleton
Dans la dernière ligne droite de ce 8e Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg surgit un premier film qui réveille une compétition jusqu’ici un peu pépère. Post-apo naturaliste, captivant et d’une rigueur sans faille, The Survivalist fait l’effet d’un électrochoc.
Le réalisateur anglais Stephen Fingleton est formel : The Survivalist n’est pas un post-apo mais un “post-events”. Selon lui, la différence tient en ce que, dans son projet, la vie continue après la catastrophe mais sous une autre forme. On peut considérer cette précision comme une coquetterie de langage, qui oublie d’ailleurs que dans n’importe quel post-apo la vie continue aussi sinon il n’y aurait rien à filmer. Mais on peut également penser que l’auteur rattache son film au courant peu fourni des œuvres hyperréalistes du genre telles que Le Temps du loup (2003) de Michael Haneke, Threads de Jackson Mick (1984) ou, dans une moindre mesure, Malevil (1981) de Christian de Chalonge. Ainsi, l’air de rien, il nous pose cette question angoissante : que se passerait-il, ici et maintenant, si l’eau ne coulait plus du robinet, si l’électricité ne sortait plus de nos prises, si plus rien ne fonctionnait ? Que deviendrait la civilisation ? Que deviendrions-nous ?
Sans ressources
Au cœur d’une forêt, un homme s’abrite dans une cabane, cultive un potager ingrat sur une terre avare de ressources, attrape un lièvre famélique de temps en temps… Cet homme vit comme il peut dans un environnement hostile, où l’autre est toujours un danger, qui en veut d’abord à ta pitance et n’hésite pas à t’écraser pour l’obtenir. Ta part animale se doit alors de prendre le dessus si tu veux survivre, et tout sentiment qui t’amènerait à baisser la garde risquerait de te conduire à ta perte. Poussant le perfectionnisme jusqu’à recourir au son mono afin que chacun, où qu’il se positionne dans la salle, vive la même expérience du film, Stephen Fingleton adopte dès les premiers plans une démarche immersive qui enrôle le spectateur grâce à un dispositif minimaliste, qui d’ailleurs n’interfère en rien avec son ambition figurative. Dès lors, l’arrivée de deux femmes, la mère et sa fille, en quête d’un peu de nourriture en échange de faveurs, apparaît comme une menace qu’il est d’abord facile de tenir à distance. Jusqu’à ce que renaissent des comportements oubliés avec les derniers relents de civilisation…
Ethologie humaine
Il faut vingt bonnes minutes pour qu’on entende le premier dialogue dans The Survivalist, et ce qui y est dit n’a pas grande importance. On pourrait même se passer totalement de paroles s’il s’agissait seulement de montrer ce que font ou veulent les personnages. “Quand on parle, on manipule” rappelle Fingleton, évoquant l’éthologue Richard Dawkins. C’est de fait un comportement animalier que le réalisateur nous décrit dans ce film où l’être humain, fourbe qu’il est, ne se révèle vraiment que lorsqu’il parle. Et c’est alors toujours pour mentir, trahir ou dissimuler. Si, par sa rigueur, The Survivalist laisse une telle impression d’efficacité, c’est sans doute parce qu’il montre ce que le cinéma parvient parfois (rarement) à atteindre par ses propres voies : le sens profond de nos actes.
The Survivalist. Royaume-Uni. 2015. 1h45.
Réalisé par Stephen Fingleton, avec Martin McCann, Mia Goth, Olwen Fouéré…
En compétition du 8e Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg.