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Festival des Musiques à l’Image : compte rendu du concert au Grand Rex

Festival des Musiques à l’Image : compte rendu du concert au Grand Rex

Le week-end dernier se tenait la troisième édition du festival Musiques à l’Image. Outre un concours de talents et de mécénat organisé par Audi, c’est aussi une des rares manifestations françaises à mettre à l’honneur les compositeurs de cinéma.

Le samedi était consacré aux masterclass de la Gaîté Lyrique, et le dimanche au concert où ont été représentées les oeuvres des compositeurs présents. Le plus grand nom à l’affiche était Michael Giacchino, l’homme indissociable des films de JJ Abrams (en tout cas jusqu’à l’Episode VII), qui n’était pas là, étant en préparation du score de Inside Out/Vice Versa. Il a quand même assuré sa masterclass le samedi après-midi. Mais ceux qui étaient en chair et en os ne sont pas des pointures moyennes : Jean-Michel Bernard a collaboré sur plusieurs films de Michel Gondry, Fernando Velazquez à la musique de The Impossible…. Et le groupe Archive était aussi présent pour une création originale taillée pour le live, Axiom.

Axiom, présenté en seconde partie du ciné-concert. (Photo : Jean-Claude Guilloux)

Axiom, présenté en seconde partie du ciné-concert. (Photo : Jean-Claude Guilloux)

Pour ouvrir le bal, des extraits de la dernière BO en date signée Jean-Michel Bernard, le falot Duo d’Escrocs ont été proposés. Une BO à l’image du film : peu originale, mollement mécanique. Heureusement, cette portion du concert s’est vite rattrapée avec la série de BO de Gondry. La Science des Rêves est sans doute la plus réussie, avec une dissonance entre apaisement et alarme dans la conduite de l’orchestre. Kimiko Ono est apparue pour interpréter « Here With You » tirée de Human Nature, et Bert Van Looy, leader du groupe belge Das Pop, a remplacé Moe Holmes pour crooner « Mr. Fletcher’s Song » tirée du film Be Kind Rewind. Des interprétations touchantes, qui prouvent que Bernard sait aussi adapter ses talents pour créer des chansons mémorables et rétro à l’intérieur des films. Le score de Be Kind Rewind et son pastiche léger de musiques de film d’action est absolument calibré et bien recréé par les musiciens de l’orchestre symphonique de Paris.

Le deuxième compositeur qui a pris la direction de l’orchestre symphonique c’est Fernando Velázquez. D’emblée, évacuons la déception de cette portion du concert : aucun de son travail pour des films d’horreur n’a été mis à l’honneur. Un comble, quand on sait que lors de son bref entretien avec lui, Isabelle Giordano avait mentionné son travail pour Mama avec Jessica Chastain. Pourtant, aucune trace d’extraits du film dans ce qui suivra, ni de L’Orphelinat ou Devil, pourtant caractéristiques d’une grande partie de l’oeuvre du natif de Bilbao. Velazquez a une présence scénique tendue, et a choisi un score du peu connu (et inédit en France) Lope, datant de 2010. Une préparation pour les grandes envolées de The Impossible , dont le soliste emmène l’orchestre pour un mélodrame aussi élégant qu’intemporel. Beaucoup plus adapté au public ce soir-là, et bien dans le ton des films représentés, pour la majeure partie tous publics ou presque. Preuve que la musique sans l’image peut permettre de faire découvrir des pépites : le thème du récent Hercule de Brett Ratner, percussif, combatif, fait sensation et montre qu’outre le surplein d’émotions de beaucoup de ces compositions, Velazquez est aussi à l’aise dans des thèmes hollywoodiens d’aventure, d’une efficacité redoutable même si elle pâlit en comparaison des titans Williams ou Goldsmith.

On passe ensuite au plat de résistance : Giacchino et un pot pourri de ses créations depuis 10 ans. Le compositeur et chef d’orchestre Diego Navarro est à la barre, et première constatation : Giacchino utilise un orchestre symphonique à sa pleine puissance. Aucun musicien ne sera laissé de côté durant la douzaine de BOF représentées une heure durant, des percussions aux cuivres en passant par le tandem batterie/guitare plus classique. Un dynamisme à 200% qui fait décoller la salle, et pas uniquement sur les BO les plus attendues (à savoir, ce soir-là, Là-Haut, Ratatouille et Star Trek). Accompagnés par un montage d’extraits parfaitement synchro sur grand écran, Navarro a sorti la pyrotechnique pour le score le plus détonnant de Giacchino à ce jour, à savoir Les Indestructibles. Mais laisse aussi la place à quelques surprises souvent délaissées, comme ce dantesque thème de Cloverfield, Roar, composé pour le générique de fin et dont les choeurs alarmistes et la rythmique martiale accompagnant le monstre terrorisant New York n’ont rien à envier (ou si peu) au récent Godzilla d’Alexandre Desplat. La menace de John Harrison est parfaitement retranscrite dans les extraits choisis de Star Trek Into Darkness, comme la quintessence de ses très sombres compositions pour Dawn of The Planet Of the Apes. Les émotions sur l’arrivée d’un nouveau bébé dans le clan des Singes ou encore les tam-tams et xylophones schizophrènes sont mis en avant dans la partition, notamment sur « Monkey To the City ».

Michael Giacchino a parfaitement digéré ses influences, et sait jouer sur tous les tableaux, offrant une palette d’émotions cyclothymique d’une mesure à l’autre. Que ce soit le score doux et intimiste de l’aventure Super 8 ou les incorporations de musette dans Ratatouille, rien n’est cliché, toutes les idées sont savamment dosées et incrustées en toile de fond. Impossible de ne pas verser la larmichette aux extraits choisis de Lost, dont la musique des 6 saisons serviraient au best-of, et dont les passages plus menaçants (concernant Widmore, Ben ou le Smoke Monster) ont été éludés pour des questions de temps.

Le ciné-concert était donc un quasi-sans faute, tirant plein parti des 90 musiciens présents sur scène, et évitant le medley pour servir des portions généreuses de l’oeuvre de ces compositeurs émérites mais souvent en second plan (on pense surtout à Velázquez).

Les compositeurs présents à la remise de prix : Fernando Velazquez, Jean-Michel Bernard, Maria Giacchino (représentant Michael), le groupe Archive. (Crédit : Jean-Claude Guilloux)

Les compositeurs présents à la remise de prix : Fernando Velazquez, Jean-Michel Bernard, Maria Giacchino (représentant Michael), le groupe Archive et Diego Navarro. (Crédit : Jean-Claude Guilloux)

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