Fleabag, Du rire aux Larmes (BBC Three)

Fleabag, Du rire aux Larmes (BBC Three)

Note de l'auteur

Aperçue dans la seconde saison de Broadchurch, déjà créatrice de Crashing, Phoebe Waller-Bridge revient avec Fleabag, adaptation de sa pièce de théâtre. L’occasion de mesurer sa plume fine et pertinente dans une expérience où le rire n’évacue pas le drame.

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©BBC

Certaines séries n’aiment pas jouer selon les règles et préfèrent déstabiliser leur public. Fleabag fait partie de ces œuvres un peu retorses, à la fois familières et insaisissables, qui n’aiment rien mieux que de mettre le bazar sur leur terrain de jeu. Taclé par des commentaires brisant le quatrième mur, bousculé par un rythme chaotique, déconcerté par la façon de ne rien raconter mais de dire beaucoup, interdit devant des sautes d’humeur, le spectateur doit savoir passer par des phases explicites ou complexes où il ne sait plus très bien ce qu’il regarde mais le fait avec plaisir.

Durant six épisodes, Phoebe Waller-Bridge, des mots au jeu, conduit un véhicule fou et pratique une sorte d’humour d’accident de la route. On ressent le besoin irrépressible de regarder même si cela nous met mal à l’aise. Six épisodes comme un vaste carambolage où l’humour à froid de l’auteure ne dédramatise jamais totalement une situation de plus en plus désespérée. Fleabag ne nous épargne rien et pourtant, on y rigole beaucoup. Comédie d’autodestruction introspective, la série se dévoile par petites touches, enchaînant avec un plaisir masochiste déceptions, maladresses, amertumes et impudeur. On n’est pas dans l’autofiction façon Louis C.K., mais dans une veine crash test où Phoebe Waller-Bridge ne s’épargne rien, fonce droit dans le mur sans mettre de casque.

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©BBC

Fleabag brouille les pistes. Est-ce le drame qui vient pimenter la comédie ou l’humour acide qui vient épicer le drame ? Alors que nous pensons débusquer la blague dans un style très british, c’est l’abattement qui nous cueille dans un flash impromptu. Particulièrement dans les quatrième et sixième épisodes où ruptures de ton et twists nous cueillent à froid. Nous comprenons que l’humour, la dérision sont des armes pour se faire entendre ou pour se faire oublier ; qu’il agit comme une soupape de sécurité et un exutoire ; qu’il masque la douleur ou l’expose. La révélation finale donne le vertige, change la donne, modifie notre perception. Un sentiment peu commun dans une comédie qui prouve, si besoin était, l’incroyable ambition d’une œuvre qui ne se refuse rien.

Phoebe Waller-Bridge amuse, émeut, électrise et nous foudroie. Un programme façon montagnes russes où le rire et les larmes se mélangent, entre dénuement et dérision. C’est dans ce mariage, dans le point d’équilibre que se trouve toute la réussite de Fleabag.

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