
FNC 2014: C’est pas ma faute (Critique d’Evolution of a Criminal de Darius Clark Monroe)
Auteur d’un braquage de banque à seulement 16 ans, le réalisateur Darius Clark Monroe revient sur les événements qui l’ont poussé au crime. Interrogeant tour à tour ses anciens camarades de classe, sa famille et ses victimes il tente de comprendre quel impact il a eu sur leur vie. Si le projet est intéressant sur papier il cependant cruellement de fond et de forme. Dommage.
Tout avait pourtant bien commencé. Prémisse intéressante en effet que d’aborder le crime d’un point de vue personnel tant pour son auteur que son entourage et ses victimes. Qu’est ce qui amène un gamin de 16 ans à braquer une banque ? Comment sa famille n’a-t-elle pas senti que le gentil Darius allait mal tourner ? Comment ce braquage a perturbé la vie des personnes présentes au moment des faits et surtout, comment réagissent elles lorsque 10 ans plus tard le John Dillinger en culottes courtes revient pour s’excuser, caméra au poing ?
Seulement voilà, malgré toute la sympathie qu’on peut avoir pour Darius et pour son projet tout ça ne nous fait pas un film. Evidemment personnel, Evolution of a Criminal sonne comme une mauvaise lettre d’excuse. Un « désolé je sais que c’est pas bien mais c’est pas ma faute » un peu trop larmoyant et pas assez étayé pour être sérieux. Entre les interviews de sa mère qui pleure, de son beau père, les extraits de leur mariage sur VHS et les interventions à deux balles de Mamy, Tatie, de sa cousine et de sa prof d’anglais, le réalisateur nous explique maladroitement comment il est devenu braqueur de banque de manière un peu pataude. Juste assez pour l’excuser.
Alors oui, les raisons existent bel et bien (la misère, les parents qui ont 15 jobs mais qui ne s’en sortent pas, un cambriolage qui fout la famille sur la paille…) mais elles ne sont pas suffisantes pour expliquer comment un gamin entreprend un braquage du jour au lendemain. Du point A au point B il y a bien trop de zones d’ombre pour qu’on y croie.
En plus d’un manque de sérieux dans le traitement de son sujet, Darius Clark Monroe se perd dans un flou artistique assez indigeste côté réalisation : ralentis agaçants sur fond de guitare acoustique, plans en contrejour permanent (parce que la lumière du soleil c’est joli tout plein), plans d’illustration à côté de la plaque et filtres instagram à gogo. Cerise sur la péloche, le réalisateur a jugé bon de tourner des reconstitutions toutes plus mal foutues les unes que les autres, dont la scène du braquage et la découverte du butin par sa maman. Un choix de bien mauvais goût en plus d’être inutile.
Oui, je suis un peu dur. Oui, certaines scènes sont réussies (la confrontation avec ses victimes, la réaction de la magistrate chargée de l’affaire à l’époque, celle de ses professeurs de cinéma…) mais au final, on est déçu par cet Evolution of a Criminal. Si l’approche est originale, le résultat est malheureusement loin d’être satisfaisant. Sur le sujet, mieux vaut regarder The Wire. C’est plus pertinent, plus intelligent et beaucoup mieux réalisé.
Evolution of a Criminal de Darius Clark Monroe. Présenté au Festival du Nouveau Cinéma de Montréal 2014.