
Force de gravité (The Expanse s1 à 3 / Amazon)
Alors qu’elle colonise désormais Amazon (après avoir été abandonnée par Syfy), voici pourquoi The Expanse est le fleuron actuel du space opera sériel !
Lorsqu’elle fut lancée fin 2015, nombreux furent ceux qui empruntèrent le raccourci de la définir comme un Game of Thrones dans l’espace. Il y avait là une tentative un peu grossière de réduire The Expanse — façon oxymore — à une lutte de clans. C’est un peu vite oublier la tradition du genre (Star Trek, Battlestar Galactica) qui affectionne justement à développer un pluralisme des univers et des populations, confronter des enjeux géopolitiques et les relier, encore et toujours, à notre réalité, soit l’essence même de la science-fiction.
Néanmoins, ce lien avec l’œuvre de George R. R. Martin (lequel pratique la S.-F., rappelons-le) existe, même si de manière un peu plus subtile. The Expanse est l’adaptation d’une série de romans (au nombre de 7 à ce jour) signé James S. A. Corey. Derrière ce pseudonyme se cachent deux auteurs nommés Daniel Abraham et Ty Franck. Il se trouve que ce dernier est tout simplement l’assistant personnel de Martin ! Au départ, The Expanse était une proposition de jeu vidéo, imaginée par Franck, qui n’a pas abouti. Mais comme l’univers lui plaisait, il a creusé son idée en la déclinant sous forme de jeu de rôle qu’il évalua avec des amis (dont Martin et sa femme). Plus tard, il fera également participer Daniel Abraham (qui était lui, déjà, un auteur expérimenté) et qui le convaincra d’en faire un roman à deux plumes.
The Expanse fait ses preuves sur le papier et devient très naturellement une série pour le compte de Syfy. Le projet est développé par un triumvirat composé des scénaristes Mark Fergus et Hawk Ostby (Children of Men, Iron Man) d’une part et du producteur expérimenté Naren Shankar (Star Trek DSN & Voyager, CSI, Farscape) d’autre part. Néanmoins, Abraham et Franck font partie de la writers room et signent au moins un épisode par saison.
Si la série marque quelques différences avec son matériau d’origine, elle reste fondamentalement fidèle à sa galaxie spécifique dite intermédiaire, car située au-delà des débuts spatiaux de l’humanité et avant les récits qui imaginent le déplacement égal ou supérieur à la vitesse de la lumière.
L’action concerne trois ensembles principaux que sont la Terre et son satellite (Luna) bastion des Nations Unies, Mars et son complexe militaro-industriel, et enfin une ribambelle de colonies assemblées par le terme de “ceinture” qui fournit notamment en eau la planète rouge.
À partir de là, The Expanse se distingue essentiellement sur deux points cruciaux. Le premier aspect qui saute immédiatement aux yeux (dès la scène d’ouverture d’ailleurs), est ce soin tout particulier accordé à la réalité scientifique que représente l’espace. Voilà une série qui ne triche pas avec la gravité, les contraintes des manœuvres d’engins spatiaux, le temps conséquent des communications d’une planète à une autre, et bien d’autres détails. Cette rigueur, qui reste pourtant très simple dans ses applications, accompagne la série de manière si constante qu’elle change durablement la perception de son public, lequel finit invariablement par trouver ringard l’essentiel des autres propositions spatiales du champ pop culturel !
Et puis le deuxième prisme intéressant relève de son examen d’une lutte des classes à l’échelle de la voie lactée. Les “Belters”, les résidents de la ceinture dont la vocation principale se résume à un travail d’approvisionnement, constitue essentiellement une population ouvrière dont les conditions de vie sont souvent spartiates. Cette dimension sociale est parfaitement exploitée dans The Expanse et démontre avec une certaine justesse combien le facteur inégalitaire est parfaitement (et tristement) transposable dans le futur sans qu’il ne soit question de grossir le trait ou d’une quelconque dystopie.
Aujourd’hui, le destin de la série n’est d’ailleurs pas exempt d’une certaine ironie. The Expanse est sauvée de l’annulation par Amazon et Jeff Bezos, lui-même très intéressé par l’espace (et fan de Star Trek au passage). Si ce dernier facilitait la conquête de l’espace (voir sa société Blue Origin), il n’est en effet par certain qu’il en fasse un lieu accessible à tous et dans les mêmes conditions…
En attendant, voilà une proposition de science-fiction qu’il faut mettre entre toutes les mains. Alors, bien sûr, elle pourrait s’enorgueillir d’un casting un peu plus saignant. Elle souffre aussi d’une entrée en matière très éparpillée ; introduire un univers multiple n’est jamais simple. Mais ce qu’elle montre de l’espace et de ses enjeux demeure une remarquable réussite.
THE EXPANSE (Syfy/Amazon) saison 1 à 3
Disponibles chez nous sur Prime Video dès le 8 février.
Série créée par Mark Fergus et Hawk Ostby.
D’après les romans signé James S.A. Corey (chez Babel ne France).
Avec Thomas Jane, Steven Strait, Cas Anvar, Dominique Tipper, Wes Chatham, Paulo Costanzo, Florence Faivre, Shawn Doyle, Shohreh Aghdashloo, et Jared Harris.
Musique originale de Clinton Shorter.
Visuel : The Expanse © Alcon Entr. & Sean Daniel Co.
Rarement vu une série aussi « burnée » dans ses choix : immédiatement une situation complexe à multi-intrigues, pas de superstars, pas de clichés trop aisément reconnaissables, pas de romances ultra-balisées, très peu de feelgoodisme, l’espace dans toute sa complexité et sa froideur, et des thèmes parfois assez glauques que ce soit du point de vue social ou des choix stratégiques en temps de guerre froide.
Probablement pour cette raison que c’est ma série actuelle préférée, et quel soulagement qu’elle ait été reprises par Amazon.
On a besoin de ce genre de série (et de Star Trek Discovery, très bonne également dans un registre différend car beaucoup plus optimiste et relativement grand public).
Oui, je me rends compte que j’oublie pas mal de qualités pertinentes (sa gestion intéressante des relations, sa diversité).
Ah ben je pouvais toujours attendre la suite sur Netflix ! Je n’avais même pas remarqué que la série était sortie de leur catalogue.
Puisque vous parlez de G.R.R. Martin, je trouve The Expanse nettement plus passionnante que Nightflyers qui est un véritable foutoir qui mélange beaucoup trop de choses en part dans tous les sens.
Oui, j’ai failli faire une allusion à Nightflyers. Le texte de Martin était plus restreint puisque c’était une nouvelle. Il faut préciser aussi qu’il a écrit ça en 80. Bon maintenant, c’est vrai que la série ne décolle jamais vraiment. C’est plutôt dommage car elle tient la route sur la forme sinon.
Bon du coup, je ne connaissais pas nightflyers, comme y’a très peu de séries du genre j’irai jeter un coup d’oeil car vous m’avez appâté, quand bien même la qualité n’est pas au rendez-vous.
Su, si, ça reste de la bonne qualité, c’est juste que personnellement je n’aime pas quand on mélange trop de genres en même temps (anticipation, science-fiction, télépathes, extra-terrestres, intelligences artificielles, etc. Etc.). J’ai eu l’impression qu’ils voulaient y caser le maximum de thèmes. Mais ça reste agréable à regarder à mon avis.
Je serais un peu plus nuancé sur The Expanse (dont je regarde actuellement la saison 3).
D’abord parce que le casting est quand même loin d’être top. Pas un problème de stars ou pas stars, mais globalement, ça joue quand même pas très bien. Et c’est gênant tout de même, surtout quand ce n’est pas juste deux trois personnes, mais tout le casting à quelques rares exceptions près (je pense au flic Miller, au spationaute Amos qui devient de plus en plus intéressant, au député Errinwright).
L’autre point noir, c’est le rythme : il y a pour moi trop de scènes de meublage, de celles qui permettent d’adoucir le coût d’un épisode, de celles qu’on pourrait presque supprimer sans endommager l’épisode (parce qu’en général, ce genre de scène, qui existe dans toute série, mais qui bien écrite, va servir à construire les personnages, sauf que là ça construit rien).
Après, j’en suis mine de rien à ma troisième saison, parce que j’aime la SF, j’aime les idées qui sont développées, j’aime certains concepts (même si parfois mal exploités), et puis des SFX pas vilains.
Mais tout mis en commun, les pour et les contre, ça donne une série moyenne. Espérons que la reprise par Amazon va la libérer.
Rarement vu un acteur aussi cata que Strait. Kholossalement mauvais. Les autres : à peine mieux et pas dirigés. Dans le détail des scènes le scénario est souvent pathétique de ridicule (mon Dieu, et les dialogues !). Ne reste que l’univers et la courbe narrative générale…