
Fringe (bilan de la saison 5)
Ca y est, Fringe, c’est fini. Celle que JJ Abrams avait imaginée comme une petite sœur d’X-Files avait réussi à trouver, durant ces cinq saisons, son identité propre. Ce vendredi 18 janvier, la série s’est conclue après une saison de 13 épisodes conçue comme une histoire presque indépendante de l’histoire générale. Après une saison 4 ratée dans les grandes largeurs (à quelques contre-exemples près), Fringe a-t-elle réussi sa sortie ?
L’année des observateurs. En 2036, le monde a bien changé. Il a été envahi par les observateurs. C’est pour contrecarrer leurs plans qu’Etta Bishop a sorti de l’ambre Peter et Walter Bishop, en attendant d’en sortir Olivia Dunham et Astrid Farnsworth. Ce groupe, qui formait l’ancienne cellule Fringe du FBI, sait comment venir à bout des observateurs et redonner sa liberté à la race humaine.
Cette saison a forcément fait écho dans nos esprits franchouillards. La saison 5 de Fringe nous offre un récit qu’on trouve traditionnellement chez nous: un récit de résistance. Vous avez un envahisseur puissant et froid, des collaborateurs faibles et corrompus, des résistants nobles mais désorganisés…
JH Wyman, unique showrunner cette année, a pris le pli de sortir complètement du schéma habituel de la série, qui mêlait fil rouge complexe à des récits d’enquêtes avec un « monstre de la semaine ». Sachant la série condamnée, Wyman s’est fait plaisir, en posant un récit des plus feuilletonnants. Une prise de risque qui ne s’est pas avérée payante d’un point de vue financier, les audiences de la série n’ayant jamais été aussi mauvaises. Mais payante d’un point de vue créatif.
Sans perdre de vue sa nature, la série a réussi à livrer un récit anxiogène, dérangeant, désenchanté par moments, mais foncièrement optimiste. Une fois sortie de l’ambre, l’équipe cherche à mettre le plan en place. Hélas, Walter, qui a ce plan en tête, ne s’en souvient plus. Afin d’arriver à leur but, ils doivent dés-ambrer des cassettes vidéos où sont consignées les démarches à suivre pour mener à bien ce plan.
Le procédé est hélas assez répétitif, et soulève des questions pas forcément agréables: pourquoi sur des cassettes et pas sur un support qui supporte le mieux les affres du temps ? Le rapport que Walter possède avec les appareils d’un autre âge ne justifient qu’à moitié ce choix. De la même manière, les cassettes sont disséminées dans le laboratoire. Pourquoi ? Les justifications qu’on peut trouver n’évacuent pas la vrai raison : tenir 13 épisodes.
L’équipe se lance dans une grande chasse au trésor, dont le but n’est pas seulement de collecter des objets ou des gens qui pourraient leur venir en aide, mais ben afin de savoir ce qu’ils sont censés faire. Pendant près de 10 épisodes, on va naviguer à vue avec eux, sans savoir vraiment où avancer.
Heureusement, la menace est réelle, tangible, terrifiante. Les observateurs veulent eradiquer la race humaine en changeant l’atmosphère de la planète pour le rendre plus vivable pour eux. L’avenir du monde se résumerait ainsi: une planète exclusivement remplie d’hommes chauves constipés. De quoi motiver une résistance.
La saison sert aussi à expliquer la nature des observateurs, ainsi que leur genèse. On en apprend beaucoup lorsque Peter, se rendant compte que les observateurs possèdent à la base de leur cerveau un appareil censé recalibrer leur cerveau afin qu’ils utilisent 100% de ses capacités, décide de s’implanter l’appareil. Peter devient plus intelligent, plus fort, peut voyager dans l’espace, et surtout, lire le temps et ses changements.
Cette arche narrative, aussi intéressante soit-elle, n’est pas totalement satisfaisante. Elle est rapidement évacuée et Peter de revenir normal très rapidement. Elle fait aussi doublon avec l’arche de Walter, qui, peu à peu, retrouve la totalité de la mémoire, et donc la personnalité qui était la sienne avant qu’on lui retire des morceaux de cerveau. Il se rapproche ainsi de Walternate, un homme qu’il ne veut pas redevenir.
Là où la saison 5 est une réussite, c’est sur l’émotionnel. Fringe a toujours été, au coeur, une série sur une famille. Les personnages de la série sont unis par des liens d’une force incroyable, qu’ils soient du sang ou pas. Les voir évoluer face à une menace aussi importante est assez terrifiant. L’approche de la fin de la série permet aussi cela: n’importe qui peut mourir.
Quand arrive le double-épisode final, c’est la grande question: un happy-end, peut-être, mais pour qui ? (ATTENTION, SPOILERS, LA SUITE DU TEXTE EST RESERVEE A CEUX AYANT VU LA SAISON 5 COMPLETE)
Le double-épisode est plutôt réussi. Il donne l’impression qu’il a complètement intégré le final de Lost, qui laissa tant de questions ouvertes. Le choix des auteurs de Fringe va aux antipodes: expliquer TOUT. Même s’il ne s’agit que d’un clin d’oeil. Les inter-actes seront expliqués (la pomme avec les phoetus, le papillon avec des os…), le titrage si particulier de la série aussi… Olivia va retourner dans le monde alternatif pour voir son double et Lincoln (qui ont juste chopé trois cheveux blancs en 21 ans… bref…), Peter et Olivia vont lancer une attaque biochimique sur les observateurs en utilisant le stock de saloperies qu’ils ont croisées pendant les quatre premières saisons…
Les auteurs vont même encore plus loin, réutilisant certains dialogues des saisons précédentes afin de lier la dernière saison aux autres (l’exemple le plus frappant venant de Walter, qui réalise que September, quand il lui dit dans le passé « the boy is important », ne parlait pas en fait de Peter, mais de l’enfant-observateur). Procédé un peu balourd, mais dont les intentions sont nobles. Fringe n’a jamais été conçu pour 5 saisons, mais défini saison par saison. Ca offre au final une histoire bien plus cohérente qu’un Lost ou qu’un Battlestar Galactica.
Le final, parlons-en. Si le dernier épisode souffre d’une volonté de trop en faire (la menace observateurs, le plan à finaliser, les multiples clins d’oeil à faire… comme permettre à Walter de saluer Gene une dernière fois…), il réussit tout de même à former un tout qui a du sens, et surtout, à provoquer des émotions incroyables. Les dernières images avant l’épilogue sont purement bouleversantes. Dans les regards échangés entre un Walter qui va vers son destin et un Peter qui lui déclare son amour forment une grande scène de télévision, qui ramène, encore une fois, à la nature même de la série.
L’épilogue en forme de happy-end ne vient pas gâcher ce flot d’émotions. Il semble même un peu court, anecdotique (parce qu’aussi très prévisible). Dans les derniers plans, Peter reçoit donc une lettre de Walter. Une tulipe blanche. Dans le dernier regard de Peter, subsiste un doute: se souviendrait-il de son père ? à la manière d’Olivia qui s’est souvenue de lui en saison 4. On le souhaite. Car si Walter mérite bien quelque chose après avoir fait le mal autour de lui, puis avoir autant changé, vécu dans la volonté de se rattraper, c’est bien que quelqu’un se souvienne de lui.
Fringe s’est offert une sortie clairement réussie, et en même temps à l’égal de cette série, inégale mais terriblement attachante, portée par un casting de grande qualité (John Noble est une merveille d’acteur). Il est des séries que l’on regrette, dont l’arrêt est une douleur parce qu’on se persuade qu’elles n’ont pas tout dit. Il en est d’autres qui durent, durent et durent encore, tant est si bien qu’une fois terminées, elles disparaissent de notre mémoire. Fringe ne fera partie d’aucune de ces deux catégories. Et c’est mérité.
FRINGE, Saison 5 (FOX)
Créée par Roberto Orci and Alex Kurtzman
Showrunnée par J.H. Wyman
Avec Anna Torv (Olivia Dunham), Joshua Jackson (Peter Bishop), John Noble (Walter Bishop)
Je veux bien concéder que sur le plan des émotions et des relations entre les personnages, Fringe a réussi sa sortie. Je ne peux hélas pas oublier qu’elle était aussi une série de SF, et que sur ce plan-là, je suis ressorti du final avec l’impression qu’on s’était copieusement foutu de moi.
(Attention, ça spoile !)
Le voyage dans le temps, c’est casse-gueule. Il faut pouvoir lui donner l’apparence de la cohérence. Ici, rien de tel. On veut aller modifier le futur de 2167 pour empêcher celui de 2609, alors qu’on est en 2036 et que les Observateurs ont déjà tout changé en envahissant la Terre de 2015. Les futurs ont fatalement changé. Le scientifique norvégien n’a plus de raison « d’inventer » les Observateurs, ils sont déjà là. L’époque de ces derniers, que l’on voit à quelques reprises, aurait aussi dû être modifié. Mais non.
En prime, pas d’Observateurs, c’est aussi pas de September pour distraire Walter quand il cherche un remède pour Peter. Peter ne meurt pas enfant. Walter ne passe pas de l’autre côté. L’ensemble de Fringe n’existe plus.
Et ça, c’est juste pour les incohérences introduites par cette dernière saison…
Alors j’ai passé du bon temps devant Fringe, la série avait aussi ses qualités, John Noble aura été extraordinaire de bout en bout, mais j’aime la SF, et là, il se sont bien loupés.
Pour le coup des observateurs et de la timeline bordélique, je suis tout à fait d’accord. Fringe n’en est pas à son coup d’essai. La gestion de l’univers parallèle pose multitude de questions sur l’existence même des personnages dans les deux univers.
Par contre, pour Peter, il ne faut pas oublier les évènements de la triste saison 4, qui l’ont vu réapparaître dans un univers qui l’avait fait disparaître. Dans cette réalité, Peter n’avait pas été sauvé par September. On peut râler sur les approximations sciencefictionnelles de la série (et c’est légitime), mais je trouve la volonté des auteurs d’une honnêteté absolue dans leur démarche de vouloir tout lier et expliquer. Alors oui, c’est maladroit, mais moins foutage de gueule que certaines séries qui choisissent de ne pas expliquer parce qu’ils savent que l’ensemble n’est pas cohérent. Ils ont clairement pris un risque, c’est louable, et c’est aussi pour ça que j’ai une affection particulière pour cette saison au demeurant très bancale.
Oui mais non. C’est le Peter de l’univers rouge (« notre » Peter) qui a été effacé et est revenu en saison 4. Mais si j’ai bonne mémoire, September était aussi responsable du fait que Walter n’ait pas trouvé de remède pour sauver son Peter. Le fait que ce dernier soit toujours mort enfant dans la timeline réécrite de la saison 4 découle donc quand même d’une intervention des Observateurs. Or, s’ils n’ont jamais existé, etc. (Ou alors, je mélange tout.)
Mais bon, c’est vrai que toute bancale qu’elle ait été, Fringe aura su rester relativement honnête et proposer, à l’occasion, de très bons moments (que je situe à titre personnel principalement au début de la troisième saison).
[SPOILERS]
On est d’accord, la série a mal géré le paradoxe temporel qu’elle a induit dans ses derniers épisodes, et ce à de multiples niveaux. Je revoyais Retour vers le Futur II et Doc corriger Marty qui pense corriger le 1985 alternatif en allant en 2015, lorsque l’almanach est acheté.
Mais les personnages, eux, ont bouclé la boucle. C’est peut-être ça le plus important. Sans oublier les thématiques phares de la série qui sont exploré sous un nouveau jour dans cette saison 5.
Malgré ses intrigues casse-gueules, Fringe restera pour moi une série marquante de la TV SF, au rang d’X-Files justement, ou de LOST. Critiquées, critiquables, certes, mais capables de mettre un bon coup de pied dans la fourmilière.
Très bonne sortie pour Fringe, surtout du point de vue l’émotion en effet, car niveau cohérence j’ai du mal à saisir comment cela peut tenir debout. Reste que cette série aura été un vrai plaisir à suivre, même si inégale, avec un attachement de plus en plus fort aux personnages au fil des saisons.
J’y reviens 4 ans plus tard 🙂
C’est justement ce qui fait son charme, le manque de cohérance. Je viens d’acheter le coffret de l’intégrale de Fringe, j’avais déjà vu sur TF1… J’ai pris autant de plaisir à les suivre qu’au premier visionnage. Les acteurs sont remarquables. Ca fait du bien de voir enfin une bonne série… C’est du grand art. Merci la FOX 🙂 et rendez vous sur : http://www.massivedynamic.com 🙂