Fuser : disque de platine

Fuser : disque de platine

Note de l'auteur

N’importe quel gamer qui se respecte a forcément une vieille guitare en plastique qui traîne dans un placard, envahie de poussière et probablement jaunie par ces dix années d’oubli. Si Activision et EA se sont tirés la bourre avec Guitar Hero et Rock Band, on oublie souvent que les deux licences sont l’œuvre d’un seul studio : Harmonix Music System, qui est également l’instigateur de Dance Central. Toujours à l’épreuve du temps, Harmonix revient avec un nouveau concept musical étonnant dans Fuser.

D’entrée de jeu, le concept de Fuser surprend, puisque le joueur sera propulsé dans les basques d’un David Guetta en herbe qui fait son chemin à travers des concerts autour du monde. Pour cela, il aura accès à quatre platines qui correspondent chacune à une partie d’une chanson. On trouve les percussions, la ligne de basse, l’instrument principal et enfin le chant. Chaque morceau se voit donc découpé en quatre sections, avec des couleurs bien définissables et répartis dans les boutons droits de la manette. Équipé d’un bac de disques qui ne cessera de s’étoffer au fur et à mesure de vos victoires, il faudra donc mixer des morceaux ensemble et créer le mix ultime qui fera vibrer la foule. Un principe de découpage qui rappelle les premiers jeux du studio comme Frequency mais qui mise sur la créativité totale du joueur et le laisser mélanger les pistes à sa sauce.

Si on s’arrêtait là-dessus, on pourrait penser que Fuser n’est finalement qu’un logiciel déguisé pour créer des mix, mais le jeu propose un mode Campagne qui tente d’allier le challenge rythmique avec la créativité pour répondre aux faveurs du public. Symbolisée par une jauge qui fluctue suivant vos réussites, la satisfaction de la foule ne sera totale qu’à condition de boucler les petits objectifs qui s’affichent à droite de l’écran et de les remplir en temps limité. Créer un fondu de sortie ou éjecter un disque d’une certaine couleur, ajouter un effet particulier, autant de demandes qui restent cohérentes avec la musique de votre set. On peut même glaner quelques bonus en laissant certains spectateurs choisir une chanson particulière. Laisser le mix tel quel n’est évidemment pas recommandé et il faudra régulièrement varier sa composition en prenant soin d’enchaîner sur un rythme en quatre temps ou bien d’appuyer sur la touche au moment de la levée, c’est-à-dire l’instant parfait où le morceau va pouvoir s’agencer dans le mix sans saccager tout le flow du set. Ils sont évidemment différents pour les quatre parties de chaque morceau, mais l’interface est étonnamment claire et la campagne explique suffisamment bien les choses pour ne jamais être perdu.

Et il faudra bien quelques notes explicatives pour résumer toutes les possibilités offertes par le jeu. La campagne fait justement office de tutorial géant : divisée en six parties, chacune régie par un maître DJ qui vous expliquera les ficelles du métier, elle vous tiendra en haleine durant 4 à 5 heures et sera à chaque fois l’occasion de découvrir de nouvelles features ou de débloquer des instruments. Et des mécaniques, il y en a un paquet. De la possibilité de changer le tempo en BMP ou la note majeure jusqu’à mettre des disques en file d’attente voire même de placer manuellement plusieurs disques d’un même type, Fuser dispose d’un arsenal très vaste pour pouvoir s’amuser. Des instruments de synthé permettent même de rajouter quelques notes de votre cru ou de l’encapsuler dans une boucle pour la jouer quand vous voulez, et il y a même la possibilité d’ajouter des effets sur chaque platine, d’isoler une piste pour créer un moment fort dans votre set voire carrément de faire une montée automatique en plaçant une sélection musicale en attente. Le panel est large, et tout doit se faire bien évidemment en rythme avec le tempo choisi pour peu que vous vous intéressez aux points engrangés durant la partie.

Si le scoring n’est pas votre fort, pas de soucis, Fuser dispose de modes supplémentaires pour laisser parler votre créativité. En Freestyle, les demandes disparaissent et il vous suffit de lancer vos platines et de créer votre propre son, tandis que le Freestyle coopératif permet de s’amuser avec d’autres DJs du monde entier pour collaborer ensemble ou simplement de regarder une session en tant que simple spectateur. Un vrai bon point qui permet de tester à plusieurs les possibilités de Fuser. En revanche, un mode versus en ligne est aussi disponible et laisse un peu de côté la créativité. On touche alors au limite du concept puisque chaque joueur possède ses propres goûts et il est difficile de juger objectivement de la qualité d’un mix, surtout si c’est le jeu qui s’en charge. Ce mode compétitif préfère donc miser sur la rapidité et le rythme, en demandant au joueur de simplement appuyer au bon moment pour lancer les disques en les confrontant à ceux de l’adversaire et faire baisser sa jauge de vie. Chaque section de chaque morceau possède une force précise, qu’il faut un peu connaître à l’avance, et tout devient très complexe quand il faut à la fois gérer les disques disponibles, le tempo, le set de l’adversaire et ses propres platines. Tout devient alors très bordélique, illisible, et la musique se transforme en une cacophonie inaudible. Une tentative louable mais un vrai couac qui montre que le concept n’est pas forcément adapté à la compétition.

Des limites que l’on trouve également du point de vue technique. Le test a été réalisé sur Switch, dans une version très stable aussi bien en mode portable qu’en docké, même si la version portable est forcément un peu moins lisible au vue de la taille de l’écran. Mais par rapport à une version PC qui bénéficie de la souris, la navigation à la manette est déjà plus laborieuse, surtout quand il faut laisser appuyer sur une touche pour placer manuellement un disque. La précision fait défaut dans certains cas, et quelques micro-freezes apparaissent lorsque l’on veut lancer une chanson, ce qui empêche la commande d’être envoyée. Un souci parfois assez gênant, qu’on espère réglé dans un futur patch.

La sélection musicale est éclectique et couvre une large panoplie de genres et d’époques: The Sign de Ace of Base, Sittin’ On The Dock of the Bay d’Otis Redding et Bust a Move de Young MC se mélangent avec Happy de Pharrel Williams, Symphony of Destruction de Megadeth ou The Rockafeller Skank de Fatboy Slim. Dua Lipa, Dolly Parton, Lady Gaga, Justin Timberlake, il y en a pour tous les goûts et le mélange fonctionne admirablement bien. On se surprend à taper du pied et à être étonné soi-même par cette association improbable où le piano du Clocks de Coldplay fait du gringe avec le chant de Take on Me de A-ha. La construction modulaire et exemplaire des chansons empêche souvent les grossièretés musicales, et il suffira d’une touche pour modifier une percussion un peu trop dissonante. Mais la progression au sein du jeu laisse un peu à désirer : en dehors de la personnalisation de son personnage qu’on laissera aux juges du bon goût, il faudra user de la monnaie récupérée quand on grimpe les niveaux pour acheter des chansons et les rajouter dans son bac. Mais certains disques se débloquent uniquement lorsqu’on atteint les hauts niveaux alors qu’on atteint péniblement le niveau 8 en fin de campagne. Il faudra aller chercher du côté des Battles en ligne pour engranger de l’XP un peu plus rapidement, pas forcément le mode le plus réussi. On se retrouve alors à débloquer des disques uniquement sur du scoring sans jamais récompenser le joueur qui vient juste pour du freestyle. Une logique incompréhensible, forçant à se contenter du catalogue acquis qui tournera vite en boucle. Evidemment, le modèle économique de ce type de jeu mise beaucoup sur les DLCs, et il faudra faire avec des prix exorbitants : le premier pack de 25 chansons déjà disponible coûte la modique somme de 45 euros !

Fuser possède un gameplay absolument jubilatoire pour les musicos en herbe, avec des possibilités ahurissantes pour un jeu vidéo et une approche très didactique et intuitive. Créer un set devient simple et ludique, surtout quand la popularité de sa sélection musicale se conjugue avec une vraie expertise de la part d’Harmonix dans sa gestion de la musique modulaire. Mais Fuser reste un jeu, avec un système de scoring qui rentre parfois en contradiction avec toute la créativité qu’il a à portée de main. Si ce n’est pas gênant dans le mode Campagne, ça l’est dans son mode compétitif, et encore plus dans son système de progression typique des jeux actuels, mais obligatoire pour avoir accès à toute la discographie disponible. C’est très frustrant quand on voit la lenteur de progression, et les adeptes du Freestyle n’auront pas d’autres choix que d’aller se frotter à des sessions où le score prime. C’est dommage au vu de la qualité du titre, qui reste incontestable malgré les quelques imprécisions de jouabilité. Fuser demeure une des meilleurs propositions dans le domaine du jeu musical, qui ravira les amateurs du genre.

Fuser
Développeur : Harmonix Music System
Editeur : NCSoft
Prix : 60 euros
Plate-formes : PS4 / XBOX ONE / PC / SWITCH

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