Game of Thrones 8×05 : Trahisons

Game of Thrones 8×05 : Trahisons

Note de l'auteur

Parlons franchement et dans un langage qui est finalement tout à fait approprié à Game of Thrones : avec cette saison 8, j’ai véritablement le cul entre deux chaises (un peu comme Jon Snow). Si pour les trois premiers épisodes de cette ultime saison, je supportais plus ou moins à 100% les choix des scénaristes, David Benioff et D.B. Weiss, je dois avouer que depuis The Last of the Starks, il y a certaines choses qui me restent coincées en travers de la gorge. Je suis tiraillée entre l’adoration et la déception, entre l’ébahissement et le dégoût. Je lis les avis de ceux qui sont scandalisés par cette dernière saison, je lis ceux qui l’encensent et je trouve des points pertinents dans les deux camps. Pourtant, je n’arrive pas à me débarrasser d’un sentiment de trahison envers le développement des personnages. C’est bien simple, j’écris des critiques depuis aussi longtemps que Games of Thrones existe et je n’ai jamais été aussi divisée face au traitement d’une série.

Si The Bells (Les Cloches en VF) comporte de nombreux bons points, c’est aussi un épisode avec quelques défauts qui sont suffisamment lourds pour ternir son efficacité globale. La descente aux enfers de Daenerys Targaryen n’est en soit pas incohérente. Elle a toujours eu des penchants tyranniques, elle a toujours lutté contre des instincts violents et autoritaires, même à l’époque où elle délivrait des esclaves à tours de bras. Ce qui est problématique dans cette dernière saison de Game of Thrones ce n’est pas arrivent les personnages mais plutôt comment ils en arrivent là. Il y a un vrai problème de rythme dans cette saison et le développement des personnages en pâtit largement. Tout va beaucoup trop vite pour que les agissements de certains semblent véritablement organiques et non amenés avec de gros sabots, pour que l’intrigue se termine de la manière dont les scénaristes ont besoin qu’elle se termine.

Il est difficile de regarder Dany basculer dans une « folie » qui apparait forcée. Oui, elle est profondément affectée par les pertes qu’elle a subit, de la perte de ses dragons au rejet de Jon Snow en passant par la mort de Missandei. Oui, il est clair que Daenerys souffre, qu’elle est en colère, qu’elle veut se venger, qu’elle se sent trahie, qu’elle est paranoïaque car tout ce qu’elle a bâti depuis des années semble s’écrouler sous ses pieds. Mais est-ce que cela justifie son choix de commettre un génocide ? Pas complètement. Précipiter Daenerys dans la folie parce que cela arrange l’intrigue n’est pas le choix narratif le plus malin que D.B. Weiss et David Benioff  aient pu faire au terme de ses longues années à naviguer les eaux troubles de Westeros. Le choc qui se lie sur le visage de Tyrion résonne dans mon cœur de spectatrice, non pas parce que comme lui j’avais une foi aveuglante en la capacité de Daenerys à être une bonne souveraine, mais parce qu’elle s’est transformée en « Mad Queen » beaucoup trop vite. Daenerys aurait pu se contenter de détruire le Donjon Rouge, elle n’avait pas d’autre raison de massacrer des centaines d’innocents hormis celle de vouloir faire table rase de ce peuple qui ne l’aime pas (sans compter le fait que ses propres forces armées sont encore dans les rues de Port-Réal alors qu’elle prend le risque de les éliminer eux aussi). Mais même cela colle difficilement avec la Daenerys du début de la saison, celle qui a choisi de se battre contre les Marcheurs Blancs au détriment de sa quête du trône pour sauver des milliers d’innocents. Pour que la descente aux enfers de Dany fonctionne vraiment, il aurait fallu que Weiss et Benioff lui donne plus de temps pour se développer correctement. On peut admirer Game of Thrones sur de nombreux points, mais on ne peut pas tout lui pardonner.

Et puis il y a la chute de Cersei Lannister. On aurait voulu la voir payer pour toutes les atrocités qu’elle a commises et au final, elle est morte dans les bras de son amant. Depuis le Donjon Rouge, elle entend son armée demander à ce que les cloches sonnent pour indiquer leur capitulation. Elle entend ses soldats et son peuple la supplier d’abandonner. Puis elle voit Drogon détruire progressivement Port-Réal et observe son règne sombrer, et c’est là que ses larmes commencent à couler. D’une certaine manière la torture est bien là, elle n’est juste pas du genre de ce à quoi on s’attendait. Cersei n’est pas physiquement torturée, mais plutôt contrainte de regarder lentement la mort venir la chercher tout en s’accrochant à un espoir vain de pouvoir lui échapper. Au fur et à mesure que les pierres du Donjon Rouge s’écroulent, Cersei devient de plus en plus seule (son petit entourage tombant comme des mouches les uns après les autres), et de plus en plus paniquée. Dans ses derniers instants, elle retrouve Jaime et nous laisse entrevoir les derniers vestiges de son humanité. Elle n’est plus rien qu’une femme enceinte qui ne veut pas voir un autre enfant lui être arraché. Ils meurent de la même manière qu’ils sont venus au monde  : ensemble. Ce n’est pas la mort que l’on attendait pour Cersei, mais sur ce plan-là on ne peut pas dire que le choix de Weiss et Benioff soit totalement dénué de sens.

Tout n’est effectivement pas à jeter dans l’écriture du duo de scénaristes sur The Bells, loin de là. La scène des adieux entre Tyrion et Jamie est, par exemple, magnifique. Il n’y a rien de plus déchirant que de voir Tyrion dire au revoir à la seule personne au monde qui ne l’a jamais vu comme un être inférieur. La scène au cours de laquelle le Limier parvient à convaincre Arya d’abandonner sa soif de vengeance contre Cersei est-elle aussi très forte, de même que l’affrontement final entre la Montagne et son frère est grandiose. L’exécution de Varys est parfaitement cohérente car Daenerys l’avait averti il y a bien longtemps que s’il la trahissait à nouveau, elle le donnerait à cuire à ses dragons (une menace qu’elle a aussi faite à Tyrion, ce qui n’augure rien de bon pour lui concernant le dernier épisode de la série). Si Weiss et Benioff donnent l’impression d’avoir bâclée le destin de Dany, ils ont traité d’autres personnages bien plus finement. Par ailleurs, la réalisation de l’épisode par Miguel Sapochnik joue énormément sur l’efficacité de The Bells. Il manie parfaitement la tension et l’impact émotionnel de l’épisode, et il nous immerge encore une fois au cœur du combat (en particulier lorsque Dany commence à tout cramer sur son passage). The Bells est rempli de plans sublimes, de l’apparition de Drogon derrière Daenerys lors de l’exécution de Varys à celle du cheval blanc d’Arya, ou encore l’image du Limier face à son ennemi juré.

En somme, il y a plein de bonnes choses dans cet avant-dernier épisode, mais les quelques choix narratifs discutables de Weiss et Benioff ont tendance à donner au tout un goût amer d’inachevé. Les éléments justifiant la trajectoire de Daenerys sont là mais ils ne sont pas assez approfondis et pointent du doigt qu’il aurait fallu donner plus de temps à la série pour conclure non seulement son histoire mais bien ficeler les différentes trajectoires de ses personnages. Weiss et Benioff ont pendant si longtemps mis le développement des personnages au premier plan que les voir changer de mode d’opération sur les deux dernières saisons de la série laisse en moi un sentiment d’abandon dont, même à l’issue de plusieurs visionnages de The Bells, je n’arrive pas à me débarrasser.

Retrouvez le dernier épisode de Game of Thrones sur OCS lundi prochain.

Visuels : Game of Thrones © Home Box Office, Inc. All rights reserved. HBO ® and all related programs are the property of Home Box Office, Inc.

Game of Thrones S08E05 « The Bells »
Série diffusée en France sur OCS
Développée par D. B. Weiss et David Benioff
Épisode réalisé par Miguel Sapochnik
Écrit par D.B. Weiss et David Benioff
Avec Emilia Clarke, Peter Dinklage, Kit Harington, Lena Headey, Nikolaj Coster-Waldau, Maisie Williams…

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