Gérardmer 2013 : « la pire sélection du festival ? »

Gérardmer 2013 : « la pire sélection du festival ? »

La 20e édition du Festival International du Film fantastique de Gérardmer touche déjà à sa fin – en même temps, quatre jours, c’est vite vu. Et comme je suis aux prises avec une connexion arthritique (et , il faut bien le reconnaitre, un gros poil dans la main), voici un compte rendu personnel façon télex, oui je sais c’est pas bien glorieux !

“La pire sélection du festival ?” C’est par ce statut facebook lapidaire que l’un des invités pro de cette 20e édition a résumé cette semaine un sentiment visiblement partagé par les membres du jury longs métrages eux-mêmes. En aparté, les jurés (tous des réalisateurs qui ont officié dans le genre et sont réputés pour ne pas avoir la langue dans leur poche – à part Christophe Lambert, le président du jury) étaient, encore hier soir, tous extrêmement sévères contre la sélection des films en compétition de ce Gérardmer 2013. Et difficile de garder cette colère pour eux, surtout vu leur degré de proximité avec les journalistes spécialisés qu’ils connaissent très bien pour la plupart et croisent chaque jour dans les salons du Grand Hôtel de Gérardmer.

Absolument aucun Grand Prix n’était donc clairement identifié hier soir tellement la plupart des longs métrages visionnés depuis mercredi soir sont copieusement détestés par le jury. Parmi les films suscitant les rejets les plus violents : You’re next (particulièrement haï par Pascal Laugier), House of last things, The Crack et Remington and The curse of the zombadings

The Complex a déçu également et même The Bay et Mama (à mon humble avis les deux meilleurs films de la compétition) sont très loin de faire l’unanimité au sein de la petite bande. Les jurés se demandaient même, hier soir, si ils allaient vraiment remettre un Grand Prix tant le choix s’avère mission impossible. Christophe Lambert a pour sa part adoré Mama, mais il semble bien le seul, les autres jurés le jugent trop mainstream et classique (!). Et même notre Highlander national forever, malgré sa proverbiale (et véridique) gentillesse et diplomatie, n’a pu tenir jusqu’au bout de l’une des projections (non, on ne dira pas pour quel film) qui l’aurait particulièrement excédé.

Le jury, de par sa composition quasi exclusive de cinéastes français exigeants et proches du genre, est-il trop difficile ? La sélection est-elle vraiment si désastreuse que ne le prétendent les intéressés ? A chacun de se faire son opinion, je trouve pour ma part la sentence un peu excessive, jugeant personnellement au moins deux films franchement dignes de récompenses – The Bay et Mamà, donc.

On se dirige quoi qu’il arrive vers un choix par défaut a confié en tout cas une source, évoquant aussi la possibilité d’un prix (mais lequel ?) pour The Complex, rétrospectivement perçu comme l’un des moins mauvais films de la compétition. Cette récompense viserait aussi Hideo Nakata himself, dont l’assiduité à toutes les projections et l’humilité n’a fait que renforcer la bienveillance naturelle des jurés à son égard.

Malgré son rejet par le public et par certains journalistes pour cause d’insondable ennui et d’expérimentalisme masturbatoire, Berberian Sound Studio, de Peter Strickland, pourrait lui aussi figurer au palmarès, un Grand Prix a été en tout cas évoqué… “parce qu’au moins il y a quelque chose de nouveau dans ce cinéma-là” murmure-t-on dans le jury. Quoi qu’il en soit, le sentiment général n’est clairement pas à la fête et, en aparté, les jurés n’ont pas de mot assez durs pour qualifier cette sélection 2013. Vont-ils le laisser transparaitre au moment de la cérémonie de cloture ou joueront-ils la carte de la diplomatie et faire comme si de rien n’était ?

Réponse ce soir à la cérémonie de clôture où, rappelons-le, deux prix seront décernés comme chaque année (pour les longs métrage) par le jury officiel : le Grand Prix et le Prix spécial du jury. Quatre autres prix sont remis dans cette catégorie long métrages : le Prix du public (à vue de nez, ça va se jouer entre You’re next et Mama. You’re next a fait pleurer de rire et exulter les festivaliers et remporte clairement le match à l’applaudimètre) ; le Prix de la critique ; le Prix du jury Jeunes de la Région Lorraine ; et enfin, le Prix du jury SyFy.

 

AVIS EXPRESS SUR SEPT FILMS VUS DEPUIS MERCREDI

THE COMPLEX, d’Hideo Nakata (compétition) : n’étant pas, loin de là, un spécialiste de l’horreur nippone en général et de Nakata en particulier (je n’ai vu que son The Ring), mon avis est vraiment à prendre avec des pincettes. Long, très long et pas franchement novateur, The Complex donne l’impression d’assister à une redite de presque 15 ans de “japanese horror” depuis The Ring. Le climax horrifique tombe à plat, une scène d’exorcisme final risque de vous faire involontairement pouffer de rire et l’interprète principale, transfuge d’un groupe pop japonais, crie beaucoup. Mais vraiment beaucoup. En interview, Nakata confie avoir fait The Complex pour des raisons essentiellement pécuniaires et cela se sent…

 – HOUSE OF LAST THINGS, de Michael Bartlett (compétition). Un couple en pleine crise pour cause de drame récent se tire en Italie pour quelques jours de vacances. Ils confient leur maison à une jeune étudiante qui va y inviter son petit ami… mais les séquelles du drame mentionné plus haut ont libéré des forces qui vont bouleverser la santé mentale du jeune couple. Interminable purge de petit malin au croisement de Hitchcock, David Lynch et La Bible avec beaucoup de John Dies at the end pour le côté “on part en vrille et on s’en fout complètement”. Envies de meurtre à la sortie de la projection.

– THE BAY, de Barry Levinson (compétition). Une stagiaire journaliste télé révèle, documents vidéos à l’appui, l’atroce vérité derrière une étrange contamination des eaux de la baie Chesapeake, étouffée par les autorités. Ok, c’est ENCORE du found footage mais au moins celui là, à un ou deux détails près, n’est jamais pris en flagrant délit de trahison de concept. Et surtout, surtout, papy Levinson met à l’amende un paquet de petits branleurs du genre avec une tension permanente, une ambiance de terreur tétanisante et des effets gore absolument horribles (dans le bon sens du terme) – j’ai même parfois pensé à Slugs de Juan Piquer pour le côté dégeul’bif tripal presque bisseux, c’est dire. Avec un prime, une petite attaque en règle de la chaîne d’irresponsabilité ou du clientélisme ravageur des institutions politiques locales ou nationales, un thème cher à Levinson. Excellent et à voir…. mais évitez toute projection trop rapprochée d’un repas.

 – HANSEL ET GRETEL, CHASSEURS DE SORCIERES de Tommy Wirkola (hors compétition). La bonne nouvelle : c’est gore, on entend des “fuck” à intervalles réguliers et même un plan nichon/fesses nous est généreusement offert. Pour le reste… le réalisateur passe très loin de la grosse bourrinade jouissive qu’aurait pu donner le concept, en raison d’un scénar crétin et d’un rythme chaotique (coupes sombres au montage ?). La post conversion 3D m’a encore collé une migraine carabinée. On attend quoi pour foutre à la poubelle ce dégueulasse procédé ? Ha sinon, Paramount nous a très gentiment dévoilé quatre minutes du prochain G.I Joe. Ca sera surement d’une connerie abyssale mais en tout cas, les bouts de séquences montrés déboîtaient bien (dont une course poursuite à flanc de montagne jouant assez vertigineusement avec notre équilibre). L’ami Vincent Julé me précise que le film a été post-converti (et non pas tourné) en 3D, contrairement à ce que j’avais précédemment affirmé ici. Lamentable ! (enfin moi, pas le film).

Mamà : produit par Guillermo del Toro, un superbe premier film dans la lignée d’un fantastique traditionnel généreux.

 – MAMA, d’Andrés Muschietti (compétition). Deux fillettes disparues au fond des bois à la suite d’un kidnapping par leur propre père, réapparaissent cinq ans plus tard profondément transformées… Elles sont recueillies par leur oncle et sa petite amie. Mais une menace plane sur les deux enfants… Waouh ! Produit par del Toro, Mamà transpire un paquet d’idées recyclées de ses précédents films, mais reste un superbe film fantastique traditionnel et généreux, alternant scènes de terreur pure et regard parfois bouleversant sur la relation fraternelle et maternelle. Long métrage tiré du court du même nom, Mamà chasse sur les mêmes terres que des oeuvres telles Sixième Sens, Les Autres, L’Echine du diable et Le Labyrinthe de Pan. Trouille, émotion et superbe mise en scène. Pour moi, assurément un futur petit classique malgré un scénario parfois un poil trop démonstratif. Je lui aurais volontiers donné le grand prix – un prix spécial du jury n’est pas à exclure au final.

  –  YOU’RE NEXT d’Adam Wingard (compétition). Une réunion de famille à la campagne, celle du clan Davidson, tourne au massacre lorsqu’un groupe de psychopathes masqués assiège la maison…. Mais Erin, la petite amie d’un des fils Davidson, va mettre un terme aux plans des agresseurs. Slasher/home invasion/survival movie plutôt amusant et à consommer au second degré, distrayant malgré l’illisibilité quasi totale de la réal’ quand l’action s’emballe. Cet enchaînement de rimes me parait idéal.

 –  CLOUD ATLAS, de Andy et Lana Wachowski (Hors Compétition) : comme prévu, une choucroute new age maousse garnie d’ingrédients qu’on appréciera ou pas en fonction de sa configuration karmique. Festival de maquillages et postiches hideux (les acteurs jouent plusieurs rôles sur plusieurs ères différentes), prêchi-prêcha new age et holistique pompeux (tout est dans tout, les destinées sont connectées, le renversement de l’Histoire est un cycle décalqué en permanence d’une ère à l’autre…)… Il faut le voir pour la puissance épique et folle de certaines idées, le sens du spectacle toujours généreux des Wachowski et l’effort louable de rehausser le Q.I général des blockbuster. Mais au-delà, quelle vanité et quelle vacuité derrière le discours pompeux !

Il restait ce matin la projection en compétition de The End, de Jorge Torregrosa. Sur IMDB, le film recueille une moyenne de 4,7/10 sur un total de 223 votes à ce jour…

 

 

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