Gérardmer 2021 : Aya et la sorcière

Gérardmer 2021 : Aya et la sorcière

Note de l'auteur

Faute de festival dans les lieux habituels, Gérardmer se lance dans une édition en ligne, permettant à n’importe qui de découvrir les films de la sélection chez soi, bien installé sous la couette. L’occasion d’une petite sélection de critiques.

Aya est une petite fille de 10 ans qui grandit tranquillement dans son orphelinat depuis que sa mère – une sorcière – l’a abandonnée. Maligne et espiègle, elle s’amuse avec ses camarades jusqu’au jour où une autre sorcière, Bella Yaga, accompagné du mystérieux Mandrake, la recueille chez elle afin de l’aider aux corvées ménagères.

Si on nous avait dit il y a dix ans que le studio Ghibli succomberait aux sirènes de l’animation 3D, personne ne l’aurait cru. Et pourtant, après le fabuleux doublé Le Vent se lève/La Princesse Kaguya, les spectateurs n’ont eu le droit qu’à Souvenirs de Marnie, sorti il y a déjà six ans. Aya et la Sorcière débarque donc dans nos salles obscures (une fois la crise sanitaire terminée) alors même que ce long-métrage était conçu comme un téléfilm destiné à la télévision japonaise. Ceci explique pourquoi le film est produit à la fois par Ghibli mais aussi par la NHK. On retrouve à la réalisation Goro Miyazaki – le fils de – qui tente toujours de s’extirper de l’ombre de son père. Ce n’est malheureusement pas avec Aya et la Sorcière qu’il y parviendra.

Le studio Ghibli s’attaque donc à une transition difficile, celle de passer de l’animation 2D traditionnelle à une animation 3D par ordinateur. Un vrai défi quand on connaît la réputation des œuvres de Ghibli et à quel point le public est terriblement attaché à son style inimitable. Malheureusement, il est difficile de s’extasier devant Aya et la sorcière, tant la technique est très loin d’être au niveau des standards du genre. Le rendu graphique est propre mais souffre sans cesse de la comparaison avec les nombreuses autres grandes productions. Il suffit de se pencher sur les détails pour se rendre compte du retard technologique. Mais ne soyons pas mauvaise langue : Aya et la Sorcière étant un produit d’abord destiné à la télévision, on se doute bien que l’exigence n’est pas la même. Là où cela devient compliqué de trouver des excuses à ses créateurs, c’est dans la patte artistique et l’animation des protagonistes qui sont loin d’être au niveau. Certains designs de personnages ne fonctionnent tout simplement pas en trois dimensions, devenant parfois trop plat et inexistant lorsqu’ils sont de profil.

Lorsque l’on observe le film dans sa globalité, on comprend vite pourquoi ça coince. On y décèle ici et là des restes du style « Ghibli » : le design de Bella Yaga rappelle certaines grandes figures du Château Ambulant, plusieurs expressions ou mimiques d’Aya font penser à celles des héros des anciens films, mais tout sonne faux. On a la désagréable impression que le studio n’a pas vraiment réfléchi au passage du dessin jusqu’à l’ordinateur. Les codes de l’animation 2D ou la rythmique de la mise en scène ne sont pas les mêmes que l’animation 3D et Aya et la Sorcière se retrouve empêtré dans son héritage.

Pire, l’histoire est extrêmement plate et ne raconte pas grand chose, puisque l’on suit simplement une Aya désireuse d’apprendre la magie et faisant quelques farces avec un chat parlant. Les enjeux sont inexistants, et à part quelques idées magiques rappelant les grands films du studio, on peine à retrouver la poésie et le charme des productions d’antan qui nous avaient tant fait rêver. Et lorsque la fin arrive après 1h20 de métrage, on se retrouve abasourdi par une intrigue qui s’arrête en plein milieu. L’histoire préfère couper dans un climax qui aurait pu relancer – voire apporter – les enjeux, mais la suite sera racontée via quelques dessins pendant le générique. Un coup de massue final qui enterre définitivement Aya et la Sorcière comme un film à oublier ; même pour les enfants, à qui on peut conseiller de bien meilleurs films.

Aya et la Sorcière

Réalisé par Gorô Miyazaki
Scénario de  Keiko Niwa & Emi Gunji
Prochainement au cinéma

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