
Gérardmer 2021 : La Nuée
Faute de festival dans les lieux habituels, Gérardmer se lance dans une édition en ligne, permettant à n’importe qui de découvrir les films de la sélection chez soi, bien installé sous la couette. L’occasion d’une petite sélection de critiques.
Virginie, une mère célibataire élevant ses deux enfants en pleine campagne française, se lance dans la culture de sauterelles afin de sauver son exploitation. Mais le contexte économique n’aidant pas, elle va prendre des décisions extrêmes pour parvenir à ses fins, quitte à sombrer dans un tourbillon obsessionnel.
Film de genre français, La Nuée est d’abord un script issu d’un appel à projets du CNC, que son réalisateur Just Philippot a récupéré pour le mettre en scène. Un excellent signal pour le cinéma de genre en France, probablement dû au succès critique de Grave qui a prouvé que l’on pouvait sortir des sentiers battus et tenter autre chose que de la comédie et du drame sociétal (oui, je caricature évidemment). La Nuée ne manque pas d’arguments pour convaincre, en particulier dans sa mise en scène. Philippot n’hésite pas à générer de l’angoisse par des plans macro chirurgicaux dignes d’un documentaire sur ses fameuses sauterelles. La terreur est psychologique, insidieuse, se servant du contexte écologique et économique actuel pour alimenter la folie de son héroïne. Un personnage fascinant, interprété par une Suliane Brahim en transe, plutôt ambigu sur ses objectifs et très bien écrit. Elle prend tellement l’espace, que les autres personnages ont parfois du mal à exister, en particulier son ami viticole, ou encore le petit dernier de la famille, qui aurait pu contrebalancer la psychose ambiante mais reste un peu trop à l’écart.
Si le film est efficace dans son ensemble, on sent malgré tout un déroulé parfois trop mécanique. Les codes du genre sont respectés, très bien mis en scène, mais un peu trop sages, donnant l’impression que le réalisateur veut avant tout montrer son savoir-faire. Mais La Nuée s’en sort admirablement bien sur le mélange entre le cinéma de genre et des thématiques actuelles. On pense évidemment à Take Shelter, autant pour la folie sourde qui se dégage du personnage que pour les enjeux écologiques sous-jacents : comment survivre quand tout fout le camp, autant pour les humains que pour les sauterelles. Philippot n’hésite pas à lorgner du côté de Cronenberg pour afficher quelques images organiques saisissantes, et on aurait aimé que ce body-horror assumé transparaisse encore plus sur l’ensemble du film pour mieux marquer tout ce qu’il tente de transmettre.
La Nuée reste plutôt réussi dans le genre, même si le film étire parfois inutilement son fil scénaristique avant un basculement qui débarque seulement dans les dernières minutes. Mis à part cette petite déception qui n’entache pas ses nombreuses qualités, on reste scotché durant toute la bobine, et il serait dommage de louper un film de genre de cette trempe quand les salles rouvriront enfin.
La Nuée
Réalisé par Just Philippot
Avec Suliane Brahim, Sofian Khammes, Marie Narbonne, Raphaël Romand
Prochainement au cinéma