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Décès de Glen A. Larson: générique de fin sur une télévision de genre

Décès de Glen A. Larson: générique de fin sur une télévision de genre

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Glen A. Larson, interrogé par Emmys TV Legends.

Avec la disparition du créateur de Battlestar Galactica, L’Homme qui tombe à pic et K 2000 (par ailleurs co-créateur de Magnum), survenue le 14 novembre, c’est tout un pan de la télé américaine qui s’en va. Celle qui célèbre un divertissement familial profondément ancré dans les années 70 et 80.

L’histoire de Glen A. Larson, c’est celle d’un homme qui n’a jamais manqué d’idées. L’archetype du producteur davantage capable de trouver des concepts susceptibles de coller à une époque. Beaucoup plus qu’un scénariste hors pair.

C’est aussi celle d’un homme qui a bâti son histoire en écoutant celle des autres.Né juste avant le début de la Seconde Guerre mondiale, en 1937, Glen Albert Larson s’est retrouvé orphelin de père très jeune. Ce dernier, qui faisait partie des Marines, a effectivement été tué pendant les combats dans le Pacifique.

Les premières émotions radio

Alors que sa mère travaillait à longueur de journée pour subvenir à leurs besoins, le jeune garçon, lui, est un fou des émissions radiophoniques. « J’ai passé beaucoup de temps seul mais c’est peut-être ce qui a fondé ce que je suis : j’écoutais le Lone Ranger à la radio et ça m’a donné le goût des histoires. C’est aussi comme ça que j’ai découvert les notions de narration, de distribution et de production », raconte l’intéressé dans un portrait à découvrir sur le site de archives de la télévision américaine.

The Four Preps, le groupe dont faisait partie Glen A. Larson avant de devenir producteur télé.

The Four Preps, le groupe dont faisait partie Glen A. Larson avant de devenir producteur télé.

La radio sera une sorte de tremplin pour le gamin de Long Beach. Quand la télévision arrive dans les foyers, qu’elle prend la suite de la radio dans les années cinquante, avec des projets qui passe d’un format à l’autre (comme I Love Lucy), Larson suit le mouvement avec appétit.

Au lycée, le jeune Glen se lance déjà dans le développement de séries télé. C’est d’ailleurs en participant à un Talent Show dans cet établissement qu’il rencontre une première fois la célébrité, en fondant avec quelques camarades The Four Preps.

Si l’histoire de cette formation est d’une incroyable longévité, Larson fait partie des quatre chanteurs fondateurs. Ensemble, ils signent leur première apparition à la télé en 1957, dans une émission où l’on retrouve également Bing Crosby et Rosemary Clooney (la tante de George), sur le plateau.

Des histoires écrites entre deux concerts

Une jolie petite carrière musicale débute pour le futur producteur de Manimal. Mais le bonhomme sait ce qu’il veut : entre les concerts, Larson continue d’écrire en pensant au petit écran. « C’était formidable d’être sur scène mais ce n’était pas facile d’être le membre d’un groupe de quatre. Je voulais continuer à chanter mais je voulais aussi écrire pour la télé. En tournée, je continuais de regarder Le Fugitif. Et c’est comme ça que j’ai écrit un script pour la série ».

Les producteurs de la série aiment l’histoire mais pas forcément le script. L’épisode, qui fait partie de la saison 3, est diffusé en avril 1966. Pour Larson, c’est le début de l’apprentissage. « La pire expérience pour moi, à cette époque, c’est d’avoir vendu une histoire pour Run For Your Life (une série avec Ben Gazzara au générique, NDLR). On m’a appelé à la veille de Noël pour me dire qu’on ne gardait pas ce que j’avais écrit ». Plus exactement, ils gardèrent l’idée mais pas le script, encore une fois.

Pour Larson la couleuvre est dure à avaler. « Ils auraient pu attendre un peu plus tard ! (rires) Mais c’est là que je me suis dit que la prochaine idée que j’aurais, je la développerai moi-même ».

Switch, avec Robert Wagner (un des acteurs fétiches de Larson) et Eddie Albert.

Switch, avec Robert Wagner (un des acteurs fétiches de Larson) et Eddie Albert.

C’est comme ça que débute une longue carrière de producteur, étendue sur près de trois décennies. En 1968, il développe l’idée d’Opération Vol, avec Robert Wagner et Fred Astaire au générique et Roland Kibbee à la création. C’est surtout là qu’il fait ses premiers pas dans l’industrie.

Un aimant à futurs grands showrunners

Il enchaine avec différentes expériences sur Opération Danger (1971-1973; il est crédité comme créateur), dans laquelle il veut revisiter le western, puis Un Sheriff à New York (1970-1977 ; en tant que scénariste-producteur) et Switch (1975-1978 ; à nouveau comme créateur et toujours avec Robert Wagner).

Si elle n’est pas la plus connue de la filmographie de Larson, Switch attire autour d’elle des plumes mythiques de l’époque… et de la suivante. Parmi les scénaristes, on retrouve en effet Roy Huggins (Le Fugitif, 200 Dollars plus les frais), Edouard J. Lakso (Drôles de dames), mais aussi Michael Kozoll (Hill Street Blues), Donald P. Bellisario (Code Quantum) et un petit dernier du nom de… David Chase (Les Soprano). Avant ça, Dean Hargrove (Matlock et Diagnostic : Meurtre) et William Link et Richard Levinson (Columbo) ont travaillé avec lui sur Un Sheriff à New York.

Pendant cette période, il lance aussi Quincy, une des séries phares de NBC de 1976 à 1983, avec Jack Klugman dans le rôle d’un médecin-légiste qui mène des enquêtes policières. L’aventure sera cependant plus courte pour Larson : incapable de s’entendre avec Klugman, authentique star télé de l’époque, il sera très vite débarqué.

Les conséquences sont cependant minimes : les meilleures années de Larson arrivent. Après avoir participé au lancement de L’Homme qui valait trois milliards (il quitte cependant très vite la série), il plonge en 1978 dans son défi le plus fou : produire Battlestar Galactica, série de science-fiction diffusée en 1978 dans laquelle il atomise les budgets de l’époque. Chaque épisode coûte près de un million de dollars!

Battlestar Galactica, le plagiat et les Mormons
Battlestar Galactica : un, deux, trois cylons… trois petits tours et puis s'en vont

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Pendant deux décennies (jusqu’à la version développée par Ronald D. Moore), le projet est surtout connu pour les poursuites pour plagiat intenté par la Fox qui voit dans ce projet une pâle copie de Star Wars. Mais on ignore que la série est, pour Larson, l’occasion de revisiter ses croyances religieuses les plus profondes. Cela fait près de dix ans qu’il prépare ce show, d’abord appelé Adam’s Ark… et c’est sûrement un de ses projets les plus personnels.

Mormon, le producteur californien glisse en effet plusieurs références théologiques dans la série. Ce n’est pas ce qui portera le show avec Richard Hatch et Lorne Greene au plus haut dans les audiences : Battlestar Galactica est rapidement annulée, tout comme sa version « low cost », Galactica 1980. Têtu, Larson tentera néanmoins de reprendre quelques unes des idées de la série pour développer Buck Rogers, qui ne restera deux saisons à l’antenne (1979/1981).

A la même époque, il recroise surtout la route de Donald P. Bellisario pour développer Magnum. « Développer une série sur un détective privé à Hawaii semblait être la bonne chose à ce moment-là », assure Larson. Imaginée au tout départ pour ABC, la série verra finalement le jour sur CBS. « La chaîne nous dit, à Don Bellisario et à moi : « Si vous arrivez à avoir Tom Selleck, on vous prend le projet ». Don a signé un très bon pilote et c’est comme ça qu’on a convaincu le comédien ».

Magnum, son oeuvre la plus aboutie ?

Magnum marque tout un pan de l’oeuvre télé de Larson : bien que la série ait été portée par Bellisario, on retrouve dans la série un mélange d’action débridée et d’histoires très variées (et parfois sombre). C’est sans doute l’expression la plus noble d’un credo qu’il martèle : « Si vous ajoutez une petite dose d’humour dans une histoire sombre, vous pouvez emmener l’audience là où elle ne veut pas forcément aller ».

Magnum, l'oeuvre phare de Bellisario mais l'un des plus beaux projets sur la filmographie de Larson.

Magnum, l’oeuvre phare de Bellisario mais l’un des plus beaux projets sur la filmographie de Larson.

Une forme de divertissement populaire déclinée, à un autre niveau, dans les intrigues de L’Homme qui tombe à pic (1981-1986) et bien sûr dans K 2000 (1982-1986 ; également appelée « La série où la voiture est plus intelligente que le pilote »).

Avec la fin des années 80, l’étoile de Larson commence toutefois à pâlir. Enquêtes à Palm Springs (1991-1992), Waikiki West (1994/1996) et Night Man (1997-1999) tentent de célébrer le « style Larson », une certaine façon de raconter les histoires mais celle-ci n’est plus vraiment adaptée aux aspirations du public.

Une fin de carrière dans l’ombre

Dans les années 2000, le nom de Glen A. Larson sera accolé au générique de deux reboot très différents. Celui de Battlestar Galactica (la minisérie en 2003 et la série de 2004 à 2009) et Le Retour de K 2000. Mais sa présence est plus symbolique qu’autre chose. Comme le témoignage d’une certaine façon de penser une autre télévision, complètement revisitée.

S’il n’est pas sûr que son oeuvre supporte bien l’outrage du temps (pas sûr du tout), elle n’en demeure pas moins une étape importante de l’industrie sérielle. Celle incarnée par un homme qui ne manquait jamais d’idées et voulait divertir le public de façon plutôt légère, privilégiant le genre. Tout ça dans une logique de partage d’émotions que beaucoup de téléspectateurs lient aujourd’hui à leur enfance.

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