
On a vu… que Golden Boy a un concept bancal
Lancé il y a presque deux semaines, Golden Boy, le nouveau cop show de CBS, raconte comment un jeune flic va, en à peine plus de sept ans, gravir les échelons jusqu’au prestigieux fauteuil de chef de la police de New York. Un pitch intéressant, mais qui impose d’être d’une rigueur sans faille. Problème : avec ce genre de parti-pris, il y a beaucoup plus de flops que de tops.
Avant de commencer, une confidence. Et un flash-back, tiens : ça nous mettra dans l’ambiance.
1998 : la France vit au rythme de sa Coupe du Monde de foot et votre serviteur, encore tout jeune (j’avais huit ans – 1), tient dans ses mains le premier exemplaire de Génération Séries qu’il ait jamais eu. Avec, en une, la photo de Michael T. Weiss pour un dossier spécial Le Caméléon.
Dans le dossier, il y a notamment une interview de Steven Long Mitchell et Craig W. Van Sickle, les créateurs de la série. Les deux gars, crânement assis sur leur fauteuil de showrunners pour NBC, annoncent clairement la couleur : ils savent précisément où ils vont, n’hésitant pas à affirmer que si on leur demandait où en serait l’histoire au bout de cinq saisons, ils pouvaient répondre.

Bonnie Summerville reprend un badge d’inspecteur après sa participation à la dernière saison de NYPD Blue. Photo WB
Dommage qu’on ne leur ait pas dit « chiche ? » parce que s’ils avaient répondu « Eh bien, notre série va affadir son concept en multipliant les intrigues soapesques du côté du Centre. Et elle sera piteusement annulée », je pense que je me serais épargné une des plus grandes désillusions de ma petite vie de sériephile.
2013. Retour à nos jours. Greg Berlanti et Nicholas Wootton reviennent patrouiller sur les networks (CBS, ce coup-ci) avec une série commune. Chacun a apporté dans la voiture des choses qu’ils ont déjà fait par ailleurs.
Le premier revient avec le concept du show qui raconte l’histoire de héros dont on sait qu’ils sont d’ores et déjà promis à un destin hors normes (Jack & Bobby).
Le second ressort des intrigues de cop show comme il en a écrit un sacré paquet pour NYPD Blue. Ca plus l’histoire d’un flic promu de façon très médiatique au rang d’inspecteur. Une idée déjà utilisée dans la saison 17 de Law & Order, dont il était le showrunner (souvenez-vous: le detective Nina Cassady – incarné par la très horripilante Milena Govich).
Tout ça nous donne l’histoire de Walter Clark. Un flic dont on sait, dès la première scène du pilote, qu’à 34 ans, il deviendra le plus jeune commissionner (le chef de la police) de New York. Et dont on va découvrir, entre quelques flashforwards dans les trois premiers épisodes, comment, à partir de 2013, il a entamé sa vertigineuse ascension.
Le premier épisode a l’avantage de poser un écheveau de relations intéressantes en décrivant l’arrivée de Clark à la criminelle, au milieu de ses nouveaux coéquipiers. Il y a une certaine tension et l’histoire joue assez bien avec les non-dits. Notamment entre Owen, le partenaire de Clark, et Arroyo, la vedette du service. Hélas, dans le deuxième et le troisième, les choses rentrent un peu plus dans le rang. Arroyo devient une tête à claques, Clark n’a pas beaucoup de relief pendant que Owen et MacKenzie (la coéquipière d’Arroyo) se muent en personnage-fonction. C’est un peu comme si on se retrouvait face à un cop show très pépère et qui a pour seul intérêt ou presque d’annoncer qu’un drame se prépare. Et que ce drame aura un impact certain sur le parcours de Clark.
Tout ça me fait soulever deux objections. La première, c’est que, étant donné qu’on est dans le genre hyper-codifié et hyper-exploité du cop show, ce serait une grave erreur de se lancer à tout prix dans une logique « personnages mucho classico ». Une logique dans laquelle, en plus, on privilégierait plus ou moins franchement la spécificité narrative du show. Le succès ne peut se faire, à mon avis, en minorant l’intérêt des personnages. Parce que le caractère singulier du projet ne passera pas sans ça.
Après tout, si certains suivent encore les pérégrinations de Ted Mosby dans How I Met Your Mother, c’est sans doute plus pour les relations qui existent entre lui, Barney et les autres que pour savoir qui sera la mère de ses gosses…
Ici, on en est loin. Et le principe fondateur de la série manque de chair. Exemple : il n’y a finalement pas de grandes différences entre le Clark chien fou de 2013 et le Clark de dans sept ans. On nous fait comprendre qu’il est devenu un homme plutôt fin d’un point de vue politique mais c’est tout. Franchement, ça ne fait pas rêver. Certes, on est sur CBS, on imagine mal un pur Son of a bitch en tête de pont… mais si les deux hommes pouvaient être sensiblement « différents », ce serait mieux.
La seconde objection, c’est… le concept lui-même. Il présuppose que les grands arcs de la série sont déjà écrits. Et j’ai du mal à croire que tout soit tenable, en terme de cohérence sur plusieurs saisons. Le Caméléon, Lost, X Files dans une certaine mesure (2)… nombreuses sont les séries dont les producteurs ont laissé entendre qu’ils savaient où ils allaient avec précision. Or, on s’est vite aperçu que ces productions avaient du mal à toujours donner des réponses d’une cohérence implacable (3). Forcément, ça rend méfiant. Et même si Berlanti et Wootton ne sont pas des abrutis, j’ai du mal à croire qu’ils soient capables d’y arriver (4).
En fait, ils donnent l’impression qu’ils veulent exploiter tous les avantages d’un procédé en sachant qu’il est surtout plein d’inconvénients.
Aussi attrayant puisse-t-il paraître sur le papier, la mythologie est effectivement un outil super piégeux. Plutôt aguicheur dans les prémices, ça peut surtout se transformer en un incroyable boulet pour l’histoire. Pire : ce parti-pris impose souvent de transformer une idée originale, imprévue et survenant sur le tard en élément plus ou moins intégrable à un ensemble labyrinthique. Quitte à ce que, du coup, cette idée perde de sa force. Un comble. (5)
C’est pour ça qu’à la fin des trois premiers épisodes de Golden Boy (où on joue lourdement sur le principe du twist final, surtout pour les 1.01 et 1.02), je n’ai pu m’empêcher de lever les yeux au ciel. La série les fera-t-elle redescendre en étant particulièrement bien menée ? Pas sans grands personnages. Et sans doute pas en jouant la carte du « Vous allez voir : tout est sous contrôle » avec la subtilité d’une pelle à tarte.
(1) : C’est en tout cas ce qui dira l’histoire. Qui sera indulgente avec moi, puisque, comme dit l’autre, « j’ai bien l’intention de l’écrire ». (2) : Pour moi, les deux dernières saisons, en version Duchovny puis Anderson light, l’attestent. Et il n’y a pas que ça. (3) : Toute règle a son exception. Ici, elle s’appelle Babylon 5. (4) : Impression renforcée par l’épisode 1.03. Où le flashforward ne sert pour ainsi dire… à rien. (5) : Si c’est un exemple un peu différent, le cas de Damages, avec ses flashforward multiples, a également montré que le procédé de voyage dans le temps du récit ne supporte pas à l’a-peu-près. Ni l’artificiel.
J’ai tenté de regarder le pilote, j’ai stoppé au bout de 10 minutes. Je trouve le personnage insupportable et la manière dont c’est filmé, l’image, etc… Je suis patient mais là, je n’ai pas pu…
Au final, dans les séries récentes, seules The Americans et Banshee me procurent du plaisir (en tout bien tout honneur) durant le visionnage.
The americans et Banshee sont mes deux coups de coeur de l’année également…
@VioletteKanu
Si ça continue comme ça, ça va finir au garage très vite, cette histoire…
Et je suis teeeellement d’accord pour Banshee (en tout bien tout honneur, aussi) !
Si vous avez le temps de refaire une mini-critique pour la suite de Golden Boy, ça m’intéresserait tout de même. Mais à priori c’est mal parti pour cette série.
Vu le pilote de Golden Boy, expérience assez pénible en effet.
Pour le plaisir (en tout bien tout honneur) j’ajouterai House of Cards, qui pour moi est la grosse (mais alors LA GROSSE) claquasse de cette saison !
Pour ma part je trouve que Golden Boy est une série qui vaut le détour. Je trouve les personnages intéressants et la réalisation est plus que soigné.
Je penses qu’il faut plus que 10 min ou un épisode pour pouvoir dire si cette série est bien ou pas.
Une série s’installe dans la durée (le temps de plusieurs épisodes) ce n’est qu’au bout de quelques heure qu’on peut réellement dire si la série est bancale ou non. Même si je ne partage pas l’avis de Nicolas Robert je dois reconnaitre que son papier est fort bien écrit et que son point de vue se défend.
Pour ma part j’ai eu 4 coup de coeurs cette année, Golden Boy, Benshee, Monday Mornings et Hannibal.
Merci pour ce commentaire. Et je suis d’accord : une série se juge sur la longueur. Pour voir si ce qui marche continue de marcher… ou pour être agréablement surpris, et voir une production qui se cherchait, trouver finalement le bon ton.
Quand bien même CBS vient d’annuler le show (hélas : https://www.allocine.fr/article/fichearticle_gen_carticle=18623824.html ) cet avis me donne envie d’aller au bout de la saison. Et avoir ainsi un regard plus juste sur ce projet. Rien que pour ça, je suis doublement content de ce commentaire 🙂