Hannibal, un gourmet sur NBC (Critique du 1.01)

Hannibal, un gourmet sur NBC (Critique du 1.01)

Note de l'auteur

« Bon appétit, bien sûr ! »

Jeudi dernier, NBC a lancé une nouvelle fiction, à grand renfort de promo, avec un concept qui se vend tout seul : Hannibal, starring le cannibale le plus connu au monde, Hannibal Lecter (1). Un pilote très attendu, programmé le soir où, jadis, NBC écrasait la concurrence à coup de « Quality-TV », tout un symbole. Mais la qualité était-elle au rendez-vous ?

Bienvenue dans la tête de Will Graham. Un agent du FBI qui a la capacité d’entrer dans l’esprit des pires meurtriers. De se mettre littéralement à leur place afin de comprendre les crimes qu’ils ont commis. Un don qui plonge Will dans un état constant de dépression, qui le fait vivre constamment dans l’angoisse. L’agent Jack Crawford vient le chercher dans l’université où il enseigne afin de lui demander de l’aide sur une enquête. Crawford sait qu’il doit prendre des pincettes avec Graham, capable de dégoupiller à n’importe quel moment.

La série a beau s’appeler Hannibal, ce bon vieux gourmet de Lecter n’apparaît qu’au bout de vingt minutes. Suffisamment pour marquer les esprits, certes (la production a eu le bon ton de prendre un acteur du niveau de Mikkelsen, ce qui aide bien à mettre les choses en place), mais tout de même. Le personnage-point de vue est clairement Graham, pas Lecter. Choix qu’on comprend à la perfection. Autant il est aisé de se mettre à la place d’un homme qui fonctionne en pure empathie, autant un érudit cannibale…

Bryan Fuller, plutôt habitué aux univers oniriques et décalés, adapte son style à une ambiance plus noire, presque désespérante. La série n’est pourtant pas dénuée d’onirisme, voir de poésie, avec les scènes de reconstitutions du point de vue de Will Graham. Graham s’imagine dans la peau du meurtrier, effectue les gestes que ce dernier a fait, bascule progressivement dans l’horreur d’un meurtre qu’il n’a pas commis. Des scènes un peu alourdies par un gimmick visuel, certes efficace et réussi (une barre lumineuse passe de droite à gauche, simulant un scanner), mais qui ramène à des considérations mécaniques plus qu’humaines, et qui détachent un peu de la souffrance que ressent Graham à ce moment précis.

La réalisation reste d’une excellente facture, bien au-dessus de la qualité habituelle sur les grands networks américains. David Slade fait un boulot assez incroyable, certes, mais le reste est à la hauteur (montage, décors…). La scène d’introduction du personnage d’Hannibal est en soit une grande réussite. Alors qu’on attend son arrivée depuis près de la moitié de l’épisode, on le voit chez lui, simplement, manger, avec tous les sous-entendus que ça implique.

Le duo de comédiens principaux est remarquable. Hugh Dancy est un excellent Will Graham. Habité, investi physiquement dans le rôle. Mads Mikkelsen, dont on aurait pu croire qu’il aurait abordé le rôle avec dédain est lui aussi au top. Son Lecter est même assez différent de celui immortalisé par Anthony Hopkins. S’il est tout autant charismatique et fascinant, son approche permet de mieux situer le Lecter esthète, brillant… serein.

Will Graham (Hugh Dancy), très mis en avant sur ce pilote

Dès le départ, une relation s’installe clairement entre les deux personnages, et c’est ce qui rassure sur le potentiel de la série (plus que l’aspect FBI, Lawrence Fishburne incarnant pour l’instant un personnage très unidimensionnel). Quasiment un rapport de séduction, du moins venant de Lecter, qui semble fasciné par Graham. Le reste du casting apparaît très en retrait pour l’instant, peu étonnant pour un pilote, dont le but est plus d’installer le duo que de s’occuper des périphériques.

Ce qui surprend le plus avec cette série, c’est à quel point elle va loin dans ce qu’elle montre. Projections de sang, meurtres en direct, corps éventrés, organes découpés, cannibalisme… le tout à 22h sur une grande chaîne. Une volonté d’NBC de toucher du doigt la liberté dont dispose les chaînes du câble ? La liste des réalisateurs à venir pour Hannibal tend à confirmer cette impression : Peter Medak, Tim Hunter, John Dahl… des habitués d’HBO, de Showtime, d’AMC.

La série est un échec relatif en terme d’audience. Si le nombre de téléspectateurs présents était assez bon, selon les standards actuels d’NBC (très bas), la part de marché sur les 18-49 ans est faible. Pas de quoi, pourtant, jeter la série aux orties. Déjà parce qu’NBC n’a rien de mieux à proposer dans ce créneau horaire, mais aussi parce que tout dans Hannibal fait penser à un projet « vitrine ». NBC compte peut-être repartir de zéro en se bâtissant à nouveau sur des séries qui cherchent la qualité avant tout, en croisant les doigts pour que les succès reviennent naturellement.

En attendant de spéculer, le pilote d’Hannibal s’avère être bien écrit, très bien réalisé, et très bien interprété. Une heure de télévision solide. Pour savoir si Hannibal a les épaules d’une grande série, on se retrouvera en juin, après les 13 épisodes de la saison 1 (2).

HANNIBAL, episode pilote (NBC)

Ecrit par Bryan Fuller

Réalisé par David Slade

Avec : Hugh Dancy (Will Graham), Mads Mikkelsen (Hannibal Lecter), Laurence Fishburne (Jack Crawford)

(1) : Hannibal, la série, racontera sur ses deux premières saisons des évènements pré-Red Dragon. Il est prévu par la suite que la série adapte les livres de Thomas Harris.

(2) : Donc on tease d’entrée un bilan de fin de saison. Et ça n’est pas juste parce que Gillian Anderson doit apparaître dans la série et que ça donne forcément envie de voir la suite. Pas que. Mais un peu quand même.

Partager