
Happy Valley, Saison 02 : Répétition sans Variation
Happy Valley revient pour une seconde saison pas nécessaire qui pose l’intérêt de continuer sans remettre en question sa forme.
Après le quatrième épisode de la première saison, Nicolas Robert écrivait « À partir d’une prémisse complexe et pourvue d’une charge émotionnelle lourde (c’est en écrivant ce texte que je m’aperçois à quel point on peut vite tomber dans le soap lourdingue… or, ce n’est pour l’instant pas le cas à l’écran), Sally Wainwright parvient à tisser un récit très futé, et d’une densité émotionnelle très prenante. » Oui, cette saison empila les couches dramatiques, qu’elle effeuillera dans une poignée d’épisodes (six au total) pour n’en garder que la substantifique moelle et finir par un tour de passe-passe dans un état de quasi sécheresse.
Il y avait un sentiment d’accomplissement. L’idée que l’on avait pris un train en marche (la série possédait un passé lourd avant qu’elle ne débute) et que l’on sautait avant d’arriver en gare (les personnages devaient continuer à vivre malgré les épreuves). L’idée d’une seconde saison, si elle vient titiller notre excitation en manque de Catherine Cawood (formidable Sarah Lancashire), interroge sur sa nécessité. Et après six nouveaux épisodes, de confirmer cette appréhension.
Avant Happy Valley, Broadchurch posait une question similaire : comment continuer un récit qui s’est conclu ? Sa réponse fut simple et évidente : en changeant de genre ; en passant du policier au judiciaire, parfaite continuité comme un épisode de Law & Order. Sally Wainwright choisit l’option de la répétition. Reprendre les formes qui ont fait le succès de la première saison et additionner un léger principe de continuité. La répétition sans variation nous plaque un sentiment de déjà-vu, un caractère prévisible où le schéma se dessine sans que l’histoire ne prenne forme. Le trait devient forcé, l’émotion fabriquée et si l’on reconnaît les talents à l’œuvre, se dégage une énorme frustration devant un ensemble mal construit qui arrive à s’emballer dans ces deux derniers épisodes seulement. Dommage collatéral, la charge dramatique qui esquivait la pesanteur du soap caricatural s’alourdit devant la réitération du modèle de la saison une.
Il y avait un côté miraculeux dans Happy Valley. La multiplication des trajectoires à forte valeur émotionnelle créait une déflagration, capable d’estomaquer le plus endurci des spectateurs. Dans la seconde saison, le miracle se transforme en mirage. Les formes se dessinent, souvenirs intenses et encore chauds de l’année passée, et disparaissent dans un nuage de frustration. Sarah Lancashire est toujours formidable dans un ensemble moins juste. Elle porte encore haut Happy Valley mais s’épuise un peu dans la démarche. À l’image d’une saison qui ne marche plus sur un fil et chute à deux ou trois reprises.