
On a vu… l’héritage hyperbolique de Buffy dans Marvel’s Agents of S.H.I.E.L.D.
Mon confrère Pierre-Alexandre s’était attardé sur le bond qualitatif qu’opérait Marvel’s Agents of S.H.I.E.L.D. (AoS) depuis ses débuts. Il ne s’agira pas, ici, de le contredire. Bien au contraire, Aos s’impose, aujourd’hui, comme l’une des meilleures séries diffusées sur un network. Et cette réussite inscrit la série comme une lumière au bout du tunnel.
Depuis sa libération, survenue à la sortie de Captain America – The Winter Soldier, AoS s’est transformée. La mue a débuté légèrement plus tôt, quand la série a privilégié le feuilleton avec des arcs dépassant le cadre de l’épisode au profit d’une structure moins rigide. Cette nouvelle et salutaire dynamique entend redéfinir la narration générale de la série. Et rappeler comment une certaine série de vampires avait posé ses propres règles.
Est-il besoin, aujourd’hui, de rappeler combien Buffy, the Vampire Slayer a su trouver l’équilibre parfait du récit feuilletonnant ? Dans Buffy, l’épisode possède à peu près autant d’importance en tant qu’unité que partie d’un vaste ensemble. Une vision et pratique qui mêle deux conceptions fondamentales de la série : l’unitaire et le « à suivre », la télé pré et post Hill Street Blues. Il est possible de regarder un épisode de Buffy et de le comprendre (à quelques exceptions) mais sa valeur est décuplée quand on a conscience du tableau complet.
Avec ses dix premiers épisodes, la seconde saison de AoS entend reprendre l’héritage de Buffy. Chaque nouvel épisode est une mission, une étape. Son indépendance est gagnée par un objectif à court terme (l’objet de la mission) mais il s’inscrit dans une globalité que l’on perçoit progressivement. Ce jeu à double échelle promet une énergie constante, une poussée au décollage qui entreprend d’agripper le spectateur et ne plus le lâcher.
Buffy s’autorisait des pauses, des récréations, chose que AoS semble s’interdire. A cause de son démarrage raté qui lui a coûté de nombreux spectateurs et parce que l’époque a changé. Les règles ne sont plus les mêmes et AoS est le reflet de ce zeitgest. Une série se doit d’occuper toute l’attention de son spectateur, en permanence et ne jamais lui laisser le choix de changer ses habitudes (et donc de chaînes). Avec des audiences aussi pauvres, AoS n’a plus d’autre opportunité que d’imposer un rythme effréné. C’est pourquoi, aujourd’hui, la série contracte le temps sur ce principe hyperbolique, sans toutefois s’offrir aux sirènes de l’hyper feuilleton, exercice trop périlleux (nombreuses sont celles qui ont affronté et sombré face ce choix).
Aos a trouvé son équilibre, semble t-il. La série affronte deux ennemis de taille, cependant : elle-même par la puissante déflagration de sa narration qu’il faudra maintenir ; le MCU (Marvel Cinematic Universe), dont elle n’est pas une priorité (la gestion calamiteuse de son lancement en atteste). Ne jouons pas les Cassandre, ni bouder notre plaisir devant une série qui entretient l’idée que le feuilleton n’est pas mort sur les networks. Les spécimens sont rares aujourd’hui à engendrer cette dose d’excitation hebdomadaire du récit à suivre.