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#Histoire : Sgt. Pepper’s Lonely Heart Club Band a 50 ans !

#Histoire : Sgt. Pepper’s Lonely Heart Club Band a 50 ans !

Note de l'auteur

Le 1er juin 1967 paraissait Sgt. Pepper’s Lonely Heart Club Band, huitième album studio des Beatles et à compter de ce jour là, plus rien ne fut pareil… Dire que le sergent poivre a révolutionné la musique est un euphémisme doublé d’une erreur factuelle : il a changé le monde occidental dans son ensemble. Cinquante ans plus tard et à l’occasion de la réédition de l’album dans un coffret somptueux, nous allons nous intéresser à l’héritage de ce disque pour qui le terme culte a été inventé et surtout essayer de casser le code. Mais comment diable ont-ils fait ?

Nous sommes en 1966 et les Beatles ont atteint un point de rupture… La tournée américaine qui a suivi la sortie de Revolver a été un désastre pour les quatre garçons dans le vent qui commencent à ressembler de plus en plus à des hommes.

Notez le regard de McCartney vers Lennon pour s'y retrouver faute de pouvoir s'entendre...

Notez le regard de McCartney vers Lennon pour s’y retrouver faute de pouvoir s’entendre…

Impossible de s’entendre sur scène à cause des cris hystériques des fans, impossible également de reproduire en concert les subtilités de leurs derniers enregistrements, le groupe est frustré et prend une décision à l’époque presque incompréhensible pour leur producteur, leur manager, leur maison de disque, le reste du monde… ils décident d’arrêter de se produire devant leur public.

Ils le font parce qu’ils le peuvent. Ils sont d’ailleurs les seuls. À cette époque, un groupe n’enregistrait un album que pour justifier une tournée car c’est là que se faisait l’argent… Les Beatles vont inverser le processus. Ils vont créer l’Album avec un grand A. Quand n’importe quel groupe passait au maximum trois semaines en studio pour accoucher d’un support pour une tournée (le mot album reflète bien cet état de fait, une collection de chansons comme des photos collées sur des pages), les Beatles passeront quatre mois (129 jours au total) au chevet de Sgt. Pepper’s Lonely Heart Club Band, un record !

Arrêtons-nous une minute et mettons-nous à la place de John Lennon et Paul McCartney. Ils savent qu’ils ont en eux une musique comme personne n’en a jamais rêvée. Ils ont désormais le champ libre, plus de deadline à respecter, plus de limites si ce n’est celle de la technique et encore… Avec un producteur comme George Martin prêt à tout essayer et un ingénieur du son tel que le jeune Geoff Emerick qui les accompagne depuis les premières prises de Love Me Do aux studios EMI mieux connus sous le nom de leur adresse londonienne, Abbey Road, presque tout est possible. Vous y êtes ? Vous la sentez bien comme il faut l’excitation qui a dû les habiter ? (Ne cherchez pas, aucune contrepètrie).

Geoff Emerick et Paul McCartney

Geoff Emerick et Paul McCartney

L’idée géniale viendra de McCartney, puisque le groupe arrête les concerts, puisque nous sommes avides d’un certain anonymat, pourquoi ne pas devenir un nouveau groupe ? Faire littéralement enterrer les Beatles ainsi qu’on pourra le voir sur la pochette de l’album ? Le concept de Sgt.Pepper est né.

Cette sensation de liberté nouvellement acquise, ils l’exprimeront tout d’abord sur un single, le premier de l’histoire à comporter deux faces A, Strawberry Fields Forever/ Penny Lane. Parfaite illustration de l’alchimie qui existait entre Lennon et McCartney, ce petit bout de vinyle est en fait le premier jet de ce qui deviendra Sgt.Pepper, une performance technique lorsqu’on sait qu’en ce temps-là, seules quatre pistes étaient disponibles pour enregistrer quoi que ce soit dans un studio. Qu’importe !

Sur Strawberry Fields Forever, une composition de Lennon, Paul McCartney apportera une contribution cruciale avec sa fameuse intro au mellotron, un gadget dont il comprit immédiatement les possibilités. Au point que ses premiers essais sur l’instrument furent conservés sur l’enregistrement final, même s’il fallut ralentir les prises vocales de Lennon sur le premier couplet pour conserver le bon tempo sur le reste de la chanson. Un petit miracle de montage qui donnera à penser aux deux complices.

61uRpzy5nfLAinsi donc, Sgt.Pepper sera sans précédent ou ne sera pas. Paul McCartney a toujours en travers de la gorge et dans le cœur le Pet Sounds des Beach Boys. Si ces foutus Américains ont été capables de donner naissance à Wouldn’t It Be Nice, God Only Knows, et You Still Believe in Me, on doit pouvoir faire mieux ! Dont acte.

L’un des premiers titres mis en boîte qui illustrera parfaitement les ambitions des Beatles sera paradoxalement celui qui servira de conclusion en forme d’apothéose à l’album, A Day in the Life. Sur une mélodie élégante et rêveuse de sa composition, John Lennon pose des paroles énigmatiques inspirées d’articles de journaux qu’il venait de lire, l’un sur la mort de l’héritière des brasseries Guinness dans un accident de voiture et l’autre sur les problèmes de maintenance des routes !

f56f8e6b26577d44b374b4547877c663Travaillant de concert sur la chanson, Lennon et McCartney s’appliquent alors à concrétiser plusieurs idées nées de leurs désormais célèbres « et si ? »…

Et si nous faisions se téléscoper deux chansons différentes en une seule ? Le passage central chanté par McCartney juste après que retentisse une sonnerie de réveil était en fait un titre indépendant… Même la sonnerie de réveil fut un accident, puisqu’il s’agissait à l’origine d’un repère rythmique qui se révéla impossible à effacer des bandes en raison de la surimpression systématique des enregistrements dues aux limitations du studio.

Et si nous demandions à des musiciens classiques d’enregistrer un long crescendo chaotique qui se terminerait par une parfaite harmonie ? Les musiciens en question sont trop rigides et coincés pour y parvenir ? Pas grave, déguisons-les en clowns à grand renfort de faux nez et de cotillons, invitons tous nos potes dans le studio et enregistrons au plus fort de la fête, lorsque tout le monde se sera un peu détendu…

Et si nous terminions le morceau par la note la plus sonore jamais enregistrée sur bande ? Facile, il suffira de réunir tous les pianos des studios Abbey Road dans une même pièce et de plaquer le même accord de toutes nos forces en même temps !

Paul, John et Georges Martin

Paul, John et Georges Martin

La naissance de Sgt.Pepper’s Lonely Heart Club Band, ce n’est que cela. Des innovations techniques motivées par une créativité désormais débridée avec, pour couronner le tout, un Paul McCartney qui s’affirme de plus en plus comme le chef d’orchestre des Beatles. Toujours enthousiaste et fourmillant d’idées, il saura canaliser le génie d’un Lennon de plus en plus attiré par les drogues, ménager la susceptibilité de George Harrison qui commence à réaliser qu’il est vraiment la cinquième roue du carrosse, quant à Ringo Starr… Et bien c’est Ringo ! Fidèle au poste et toujours prêt à servir comme un bon Saint-Bernard !

Cinquante ans après, que reste-t-il de Sgt.Pepper ? Tout, a-t-on envie de répondre. L’album a marqué le coup d’envoi du Summer of Love de l’été 1967, la révolution des mœurs, la libération non pas seulement sexuelle mais du plaisir en général, (« jouir sans entraves » pouvait-on lire sur les murs) et permit à toute une génération de se libérer du carcan moral et culpabilisateur des générations précédentes, en passant du gris morose à une explosion de couleurs.

D’un point de vue strictement musical, Sgt.Pepper a tout simplement amorcé la transition entre une musique conçue comme un business et une musique conçue comme un art. Le studio n’est plus seulement un moyen d’enregistrer, c’est un instrument à part entière ! Le producteur n’est plus un « pousse boutons », il fait désormais partie du groupe. Sans cet album, oubliez les futurs voyages soniques des Pink Floyd, l’Electric Ladyland de Jimi Hendrix et surtout la symphonie de poche de Brian Wilson, Good Vibrations, réponse du berger à la bergère par le leader des Beach Boys qui avait enfin trouvé un rival à sa mesure.

ArticleSharedImage-70756La superbe réédition qui paraît aujourd’hui nous propose de replonger au cœur de la fête que fut la gestation de Sgt.Pepper, pas moins de six disques qui incluent, outre une remasterisation complète de l’album original en mono, stéréo et même en Surround 5.1, toute une série de prises non utilisées, souvent commentées par les musiciens et présentées dans leur ordre chronologique d’enregistrement, ce qui n’est pas anodin.

En plus de cela, figurent dans le coffret quelques éléments de mémorabilia (le coffret lui-même étant une reproduction des boîtes servant à stocker les bandes de l’époque), un livret détaillé et un documentaire inédit en dehors du Royaume-Uni sur la création de l’album. Inutile de vous dire qu’il est temps de casser votre tirelire, au prix où est le « trip », c’est donné.

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