
Retour sur « Homeland et l’invention de la réalité » (en direct de Séries Mania)
Animée par Raphaël Nieuwjaer, la conférence proposée vendredi 25 avril était l’occasion d’aborder la façon dont la série de Gordon, Gansa et Raff aborde l’Amérique post-11 Septembre… et post-24 heures chrono, aussi. Pointu mais pas mal du tout.
La conférence
Au centre de Homeland et l’invention de la réalité, il y a l’analyse de données, véritablement au cœur de la lutte contre le terrorisme (comme dans Rubicon, dont il fut également question, en préambule). Loin d’une étude rébarbative de chiffres et de faits, cette analyse s’inscrit dans une logique plutôt simple.
Si on considère que la réalité s’appuie sur la normalité des comportements (ce qu’il est normal que tout un chacun fasse), dans Homeland, le travail de Carrie Matheson est de repérer tout ce qui est ou pourrait être anormal, toutes les coïncidences trompeuses. C’est ainsi qu’elle collecte des données vérifiées pour détacher la complexité de la réalité d’une conjonction d’événements.
L’intervenant
Universitaire, Raphaël Nieuwjaer est aussi journaliste. Il est notamment le fondateur de la revue en ligne Debordements.fr
Ce que l’on a retenu de cette rencontre

Dans Homeland, l’usage du tableau de liège, cet élément qui permet d’épingler la réalité, tient également une place de choix.
1. Que c’était plutôt costaud, côté analyse. Et qu’une partie du public, partie en cours de route, ne s’attendait visiblement pas à ça. Mais parmi ceux qui sont restés, un certain nombre de personnes semble avoir trouvé une intéressante approche de la série de Showtime.
2. Pour le conférencier, la série joue sur le vraisemblable et essaie de ne pas tomber dans la stigmatisation. Revenant aux origines de la série (de la première scène de prière de Brody à la traque de Rakeem Faizel, en saison 1), Raphaël Nieuwjaer a notamment affirmé que la série tombait moins souvent dans la stigmatisation que 24 heures chrono. Dans la série créée par Cochran et Surnow, de nombreux épisodes (voire saisons) tombent dans le « raccourci clavier » arabe = musulman = terroriste. Ce qui est ici moins systématique.
3. La série a un intéressant rapport à l’ambiguïté. Pour Raphaël Nieuwjaer, Homeland « joue sur les ambiguïtés et se plaît à les détruire progressivement ». L’idée interpelle à plus d’un titre. Notamment d’un point de vue narratif. Si le show prend « l’habitude » de désamorcer les ambiguïtés, il rentre dans un schéma que le téléspectateur peut lire à son tour. En clair, il comprend comment elle fonctionne et il est vraisemblable que cela ait compté dans l’évolution de la série.
D’une ambiguité désamorcée à l’autre, le rapport change entre la série et celui qui la regarde. Doit-on voir ici l’explication du sentiment d’usure prématurée des intrigues exprimé par de nombreux critiques, après seulement trois saisons diffusées ?
4. Un seul regret : une prise en compte réduite de l’état mental de Carrie. Au cœur du récit, cette donnée a été quelque peu évacuée pendant la conférence. C’est un peu dommage : la réalité construite par l’héroïne est en effet éclairée par le prisme de sa maladie, ce qui fait qu’elle oscille toujours entre deux pôles majeurs, l’objectivité de l’analyste et la subjectivité de celui qui la conduit.
Comme celle-ci est exacerbée par les troubles de Carrie, on aurait aimé que cette dimension de la question soit creusée. Après tout, c’est une intéressante métaphore de l’Amérique du Patriot Act.
ET POUR CEUX QUI L’ONT MANQUE
« Homeland et l’invention de la réalité » par… par forumdesimages