
Pause sur How to Get Away With Murder (/1×06)
How to Get Away With Murder (HTGAWM) est une nouvelle planète dans la constellation Rhimes. La célèbre productrice n’est pas la créatrice de la série (on le répète) mais pourtant, elle porte son emprunte indéniable, célébrée par cette façon bien particulière de repousser les limites, tomber dans l’excès avec l’infime retenue nécessaire pour éviter de sombrer dans une saturation castratrice.
Après six épisodes, HTGAWM est déjà une grosse machine narrative qui broie tout sur son passage. A l’image d’un Tetsuo dans Akira qui voit son corps échapper à sa volonté et muter jusqu’à une masse informe faite de protubérances et d’hypertrophie. HTGAWM cultive cette hypertrophie narrative où la logique superfétatoire du soap devient jubilatoire. Tout est affaire d’équilibre dans un jeu de forces parfois contraires. La série maintient une rapidité d’exécution permanente, aucun temps mort ne semble être toléré. Cette façon hyperbolique de mener son récit conduit jusqu’à un état de réplétion, sentiment d’un trop plein parfois difficile à digérer mais pris dans l’euphorie d’une course folle, le spectateur parvient à garder son attention intacte. Enfin la série possède une réelle capacité élastique de contention. Sous les multiples assauts d’une narration en mode panzer, l’épisode comme la série conservent une structure, même si c’est parfois au détriment de trajectoires rendues imprévisibles à force de ricochets.
La seule limite de HTGAWM, c’est son jeu temporel chaotique qui remixe la chronologie. À cet endroit, la narration semble passer par les mains d’un DJ qui s’amuserait à multiplier les boucles pour mieux les superposer, les différer, les compacter. L’ensemble tient davantage de la cacophonie que du phénomène virtuose. Et pose la question de sa fonction pérenne dans un organisme prévu pour durer.
Dans HTGAWM, la valse des relations est comme recouvert d’un linceul mortuaire. Toute dimension romantique semble évacuée pour une tragédie morbide, où chaque relation s’exprime dans une logique quasi adultérine. Il n’y a pas de place pour l’amour dans la série. HTGAWM devient une condamnation de la romance dans un monde où le mensonge est érigé en règle. Lieu commun de la cour du tribunal, la vérité n’est plus importante, de même que l’innocence ou la culpabilité. Le droit devient un jeu, une lutte de pouvoir où il ne s’agit plus d’avoir raison ou tort mais de « paraître », au point d’influer le cours des événements. La série possède alors un aspect synthétique où l’être humain (le personnage) est broyé par l’histoire, le procédé, l’univers. How to Get Away With Murder est un monstre qui conduit à l’oblitération du personnage. Jusqu’à quand, la série parviendra-t-elle à maintenir sa machine narrative folle, démesurée et lancée à toute vitesse ?